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A bas les frontières !

Immigration : Macron veut sélectionner les « bons » migrants pour mieux attaquer les autres

Après un mois d'offensive islamophobe de la part du gouvernement, Emmanuel Macron a tenté de clore le débat sur l’islam, non sans avoir jeté énormément d’huile sur le feu. Place à l’immigration donc avec une perspective similaire : dialoguer avec l'électorat de droite, tout en cherchant une position intermédiaire pour maintenir une posture d’adversaire de l’extrême-droite.

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Crédit photo : POOL / CHARLES PLATIAU

« Reprendre le contrôle de notre politique migratoire » : c’est autour de ce leimotiv qu’Edouard Philippe a présenté hier matin vingt mesures sur l’immigration. Une démarche qui s’inscrit dans le tournant « régalien » opéré par le gouvernement depuis la rentrée, qui vise à mettre les sujets de sécurité et d’immigration au cœur du débat.

L’objectif pour Emmanuel Macron ? Dialoguer avec une partie de l’électorat LR qui pourrait être tenté par le vote RN, tout en continuant de maintenir une posture d’adversaire « progressiste » de Marine Le Pen en donnant des gages à l’aile gauche de son électorat comme de sa majorité.

Quotas pour l’immigration économique : sélectionner les « bons » migrants…

Si parmi les mesures annoncées, on retrouve diverses thématiques, de l’immigration économique aux demandeurs d’asile, en passant par la couverture médicale, l’aide au développement ou l’immigration irrégulière, deux mesures ont particulièrement retenues l’attention : d’une part la mise en place de « quotas » sur l’immigration économique, établis sur la base des besoins de main d’œuvre des secteurs en tension, et de l’autre l’instauration d’un « délai de carence » de 3 mois autour de l’accès à l’Aide Médicale d’Etat. De fait, ces mesures résument à elles seules la logique du gouvernement.

Pour ce qui est de la politique de « quotas », présentée par Murielle Pénicaud, il s’agit pour le gouvernement d’accroître le flux d’immigration professionnelle tout en la dirigeant vers les secteurs en demande de main d’œuvre pour des activités souvent peu qualifiées et précaires : hôtellerie-restauration, services à la personne, ou encore le bâtiment.

Une politique critiquée par la droite et l’extrême-droite, qui ont surenchéri contre l’immigration à l’image de Nicolas Bay, député européen RN cité par L’Opinion : « 90 % des étrangers qui entrent légalement en France ne viennent pas pour travailler. Et le gouvernement prétend se donner des airs de fermeté avec des quotas sur 10 % des flux. Il nourrit l’illusion de travailleurs immigrés alors que nous avons des allocataires immigrés. Les seuls quotas qui vaillent, ce sont des objectifs d’expulsion ! »

… pour légitimer les attaques contre les « autres » !

Pourtant, si la droite et l’extrême-droite tentent de présenter le gouvernement comme laxiste sur l’immigration, le projet du gouvernement constitue bien une attaque sur ce terrain. En clair, si le gouvernement souhaite d’un côté faciliter une immigration professionnelle « contrôlée », calquée sur les « besoins de main d’œuvre » des territoires, cet objectif doit permettre de légitimer le durcissement de la politique migratoire, à la fois vis-à-vis de l’immigration irrégulière mais aussi plus largement des demandeurs d’asile.

C’est ainsi qu’il convient de comprendre l’attaque contre les demandeurs d’asile avec l’instauration d’un délai de carence de 3 mois, qui constitue un véritable contresens en termes de santé publique, mais s’inscrit dans cette volonté d’afficher une fermeté vis-à-vis de l’« autre » immigration. Dans le même sens, le gouvernement a mis en avant la nécessité de favoriser les expulsions des déboutés de l’asile : « "Quand nous faisons le choix d’accueillir, nous voulons que l’accueil soit bon. Quand nous faisons le choix de ne pas accueillir", le gouvernement veut "que le retour" soit facilité » résume ainsi l’AFP en citant les propos d’Edouard Philippe. Dans ce cadre, le gouvernement a lancé ce matin l’évacuation des campements du Nord-Est de Paris annoncée hier pour procéder à des expulsions et ainsi afficher sa fermeté, avec aux commandes le Préfet Lallement connu pour avoir dirigé la répression violente des Gilets jaunes pendant la deuxième partie du mouvement.

Pour les associations, le plan du gouvernement s’inscrit ainsi dans une opposition claire entre une « bonne et une mauvaise immigration ». S’ils mettent en avant le danger que comporte le fait de mettre la question des « quotas » dans le débat public, ils soulignent ainsi le débat que semble vouloir ouvrir le gouvernement en filigrane. « Est-ce que cela n’annonce pas derrière l’ouverture d’un autre débat pour toucher à l’immigration familiale ou au droit d’asile ? », s’interroge ainsi Pierre Henry, directeur général de France Terre d’asile.

Après la vague islamophobe, le gouvernement passe à l’offensive contre l’immigration

En définitive, il s’agit donc pour le gouvernement d’afficher sa volonté de « maîtriser » l’immigration pour mieux donner des gages à l’électorat de droite, tout en continuant de se présenter comme une opposition face à Marine Le Pen. Pour cela, il s’appuie sur une posture duale, associant accueil d’une immigration « maîtrisée » et « contrôlée » en fonction des besoins du patronat, et dureté contre l’immigration irrégulière et même contre les demandeurs d’asile, qu’il avait déjà attaqué avec la Loi Asile et Immigration.

Si celles-ci tentent de présenter sa position comme équilibrée, les mesures du gouvernement constituent bien une attaque contre l’immigration et l’ensemble des exilés. Une attaque vouée, par ailleurs, à être amplifiée par la vague d’attaques raciste que le discours du gouvernement sur le terrain du RN ne manquera pas de susciter en donnant des ailes à l’extrême-droite. Les annonces ont ainsi d’ores et déjà entraîné une surenchère à droite et à l’extrême-droite, d’Eric Ciotti à Marine Le Pen, qui dénoncent un « enfumage » tout en saluant l’introduction de « quotas »...

Un débordement sur sa droite qui arrange bien Emmanuel Macron, pompier pyromane alimentant le débat public en débats réactionnaires pour mieux consolider sa posture d’opposition tout en menant un agenda sécuritaire et répressif.


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