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Catastrophe capitaliste

Incendies au Canada. La fumée menace les travailleurs et les plus précaires en Amérique du Nord

Alors que les flammes ravagent le Canada depuis plusieurs mois, un nuage de particules fines parcourt la côte Est des Etats-Unis, menaçant la santé des plus fragiles, des travailleurs et des précaires.

James Draoust

9 juin 2023

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Incendies au Canada. La fumée menace les travailleurs et les plus précaires en Amérique du Nord

Crédits photo : capture d’écran Earthcam

Depuis le début du mois de mai, le Canada est pris d’une vague historique d’incendies. Ainsi, selon les autorités canadiennes, plus de 5,1 millions d’hectares de forêt ont été consumés par 2214 incendies. Des ravages environ 13 fois supérieurs à la moyenne sur les 10 dernières années, provoquant l’évacuation d’environ 150 000 personnes qui témoignent de l’intensification de la crise climatique.

Comparaison entre les surfaces brulées annuellement au Canada pendant la période des incendies (de février à septembre inclus) et la surface brulée au 9 juin 2023. Données : Base de données nationale sur les forêts

En effet, la surface brûlée à cette époque de l’année est déjà « sans précédent » et la situation risque de se poursuivre pour être « globalement la même en juillet et en août » selon Michael Norton, responsable du service canadien des forêts.

Par exemple, de nombreux incendies sont encore actifs dans l’ouest du pays, région industrielle exploitant des hydrocarbures, avec notamment les régions d’Alberta et de Colombie-Britannique, qui comptent respectivement 62 et 76 incendies actifs le 8 juin, mais c’est la situation au Québec qui inquiète le plus.

En effet, la région a dénombré plus de 424 incendies contre 200 en moyenne à cette période sur les 10 dernières années. Dans la province de plus de 8 millions d’habitants, 130 feux sont encore actifs mais surtout une centaine sont considérés comme hors de contrôle. Des mots du ministre de la sécurité publique, François Bonnardel : « On vit une situation jamais vue, sinon hors du commun, partout sur le territoire québécois. D’habitude, l’Ouest brûle, le Québec ne brûle pas […] mais là, ça brûle partout ». Un constat qui se confirme lorsqu’on regarde une carte de l’intensité des incendies avec des feux quasiment dans chaque région du Sud du Québec. En bref, une situation qui n’est pas prête de s’enrayer aux multiples conséquences tant sociales qu’environnementales.

Carte des intensités des feux au Canada, Environment Canada

Un nuage de fumée plane sur le nord de l’amérique

En plus des nombreuses évacuations et destructions environnementales, ces incendies produisent des fumées de particules fines, très dangereuses pour les populations. Elles peuvent produire un smog, soit un nuage épais concentré en particules fines, néfaste pour la santé et l’environnement. Ainsi, depuis mardi dernier, un smog orangeâtre se déplace, selon le gré du vent, au-dessus de grandes villes canadiennes et américaines, notamment d’Ottawa, de Montréal et de New York, pouvant causer des dégâts respiratoires importants.

En plus de son apparence, l’immensité du nuage est sans précédent, rien qu’au-dessus de la ville de New York, il couvrirait la surface de 130 000 km2 soit environ 10 fois la surface d’Ile-de-France.

Bien qu’il se dirige désormais vers l’océan Atlantique, il est encore la source de nombreuses inquiétudes dans toute l’amérique du Nord. Ainsi, Ce mercredi, plus de 100 millions d’américains étaient concernés par des alertes sur la qualité de l’air avec un nuage épais orangeâtre, à l’odeur âcre. Ce dernier présente une concentration en particules fines PM 2.5 (pouvant voyager dans le système sanguin et atteindre les poumons) 15 fois supérieure au recommandation de l’OMS, selon le site IQAir. Les autorités de santé américaines et canadiennes ont dès lors appelé la population à la prudence, surtout pour les plus jeunes et les plus âgés, en limitant les déplacements au maximum et l’activité physique, et encouragé à porter des masques. A Washington, les activités scolaires à l’extérieur ont été annulées. De la même manière, des vols ont été annulés, faute de visibilité, et toutes sortes d’événements sportifs et festifs (pride à Washington, des matchs de baseball et de basket à New York,...).

Des conséquences dramatiques sur la santé des plus fragiles, des plus précaires et des plus exploités

Par ailleurs, pour celles et ceux qui ne peuvent pas adapter leur activité, l’impact de l’inhalation fait encourir de graves dangers.

Dans le journal Hell Gate, Rosado, un livreur à vélo de 29 ans explique ainsi : « J’ai des maux de tête si je ne porte pas de masques. On inhale du feu, de la fumée. Je regarde les news tous les jours, ils disent que la qualité de l’air est mauvaise, qu’on doit rester chez nous ou porter un masque à l’extérieur. Mais je ne peux pas rester à la maison. Je dois payer mes factures. C’est mon gagne-pain ».

Pour autant, malgré ses conditions extrêmement dangereuses, Rosado affirme qu’aucune préconisation a été mise en place par les patrons de son application de livraison et que les dangers de travailler dans ces fumées ne sont pas indiqué. Loin d’être un cas isolé, c’est quasiment l’ensemble des travailleurs qui exercent à l’extérieur, qui sont poussés à continuer le travail au détriment de leur santé.

Une situation décrite dans un article dans le journal The Independant donnant la parole à des cheminots, des électriciens, des travailleurs du bâtiment, de l’aéronautique.

Par exemple, l’article fait témoigner Victor Aucapina, un travailleur de la construction devant réaliser des travaux de rénovation à Brooklyn pour nourrir sa famille et ses 2 enfants. Pris par surprise par la fumée pendant une pause, il a dû utiliser son t-shirt comme masque. La situation est similaire pour les électriciens de la section syndicale Local 3 IBEW où seulement 2 visites ont été annulées ce mercredi. Dans certaines compagnies ferroviaires, des masques ont été distribués mais de façon inégale, des cheminots du syndicat the Brotherhood of Maintenance of Way Employees Division ont dû faire des demandes toutes les semaines pour avoir des masques et demander des changements de planification. Comme pendant la pandémie de Covid-19, les patrons, bien au chaud, font encourir de graves dangers à leurs employés, les seuls à faire véritablement tourner la société. Une attaque frontale et directe à la santé des plus fragiles et des travailleurs pour le bénéfice de quelques-uns.

En effet, une étude parue dans The Mercury News en 2020 sur les conséquences des fumées d’incendies en Californie rapporte que plus de 1000 personnes auraient été tué à cause de l’inhalation de ces particules fines, causant dans les cas les plus sévères des attaques cardiaques, des insuffisances respiratoires, de l’asthme. Parmi les populations les plus touchées, on retrouve les personnes âgées et les enfants, mais aussi les personnes souffrant de problèmes cardiaques ou pulmonaires, des symptômes souvent aggravés par l’exploitation dans des conditions de travail difficiles.

De plus, les conditions de logements sont aussi un facteur d’inégalité supplémentaire, une étude de 2009, parue dans la revue Nature explique ainsi que la plupart des particules fines se retrouvait aussi à l’intérieur des maisons et qu’il fallait un système de climatisation et de purificateur d’air pour les réduire au maximum. L’étude démontre ainsi que la présence d’un système de purification d’air réduiraient drastiquement le nombre de particules fines dans l’air jusqu’à faire baisser de 700 le nombre de morts prématurées par an, de 940 le recours aux urgences pour insuffisance respiratoire et de 130 000 les crises d’asthmes. Des systèmes dont les domiciles des plus précaires ne sont évidemment pas tous pourvus.

Par ailleurs, ces particules fines ne proviennent pas que des fumées d’incendies, mais également de toutes les combustions incomplètes dans l’industrie et les transports. Elles sont la conséquence directe d’un système de production basé sur le profit et l’exploitation sans relâche de ressources naturelles. Une carte du monde selon les taux de particules fines montre aussi le racisme environnemental causé par ce système où les pays dominés sont les plus touchées par les particules fines : 90% des 9 millions de décès dus à la pollution de l’air ont lieu dans les pays à faible et moyens revenus.

Carte de l’exposition aux particules fines, Our Word in data

Des populations vivant proches des incendies, d’Ottawa à New York, mais aussi de Niamey à New Delhi, les conséquences du réchauffement climatique se font de plus en plus sentir. Face à l’accentuation du réchauffement climatique, une riposte ouvrière et anti-impérialiste doit émerger à partir des classes les plus opprimés et exploités de la société qui en paient les premières le prix.


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