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Racisme d'Etat

Centres de rétention : la crise sanitaire exacerbe la répression des sans-papiers

Dans les centres de rétention administrative (CRA), où sont placés les étrangers en situation irrégulière, la crise sanitaire exacerbe le caractère déjà insoutenable des conditions d’enfermement. Dans ce contexte, l'Etat instrumentalise la question des tests Covid, pour faciliter les expulsions et mieux réprimer les sans-papiers.

Lili Krib

19 décembre 2020

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Stéphane de Sakutin / AFP

« Un CRA c’est une prison pour les personnes étrangères qui n’ont pas commis de délit [ou] de crime mais qui n’ont pas les bons papiers en fait, [qui] n’ont pas de titre de séjour » expliquait Marco Zanchetta, intervenant juridique pour la Cimade au CRA du Mesnil-Amelot, au micro de Radio Parleur en juillet 2019. Avec la crise sanitaire, le traitement inhumain des étrangers dans les CRA atteint des sommets. À ce titre, on peut lire dans le dixième rapport national sur la rétention administrative publié en septembre par l’ensemble des associations intervenantes en rétention, qu’une augmentation des actes de mutilation et des tentatives de suicide a lieu au CRA de Rennes.

La pandémie a provoqué la fermeture des frontières et a donc rendu impossible la politique d’expulsion systématique des étrangers en situation irrégulière. Face à cette situation, le gouvernement a opté pour une politique de prolongation de l’enfermement des étrangers dans les CRA. Entassés dans des chambres bondées, les détenus ne peuvent respecter la distanciation sociale, et l’exposition au Covid est inévitable. En réponse à ces contaminations dans les CRA, on assiste à deux phénomènes, d’une part un accès aux soins compliqué voire refusé lorsqu’un détenu présente des symptômes qui mettent directement sa santé en danger, comme au CRA Mesnil-Amelot où les policiers ont empêché la venue d’une ambulance pour un sans papiers qui présentait des symptômes nécessitant une prise en charge urgente, comme le révèle le blog militant A bas les CRA. D’autre part, les tests Covid ont été utilisés comme un moyen pour accentuer la répression sur les sans-papiers, pour les cas négatifs, les expulsions, de nouveau possibles avec la réouverture des frontières, sont facilitées : elles doivent se dérouler avec un délai maximal de 72 heures suivant le résultat du test. Les cas positifs sont quant à eux envoyés au CRA de Plaisir, choisi pour l’isolement des sans papiers, qui voient ainsi la durée de leur détention prolongée.

La mise en place le 10 septembre de ce « CRA Covid » dans les Yvelines a pour but de préserver la capacité d’accueil des autres CRA du territoire, en empêchant leur fermeture malgré la crise sanitaire. Ce centre de rétention est par ailleurs symbolique dans la lutte pour la fermeture des CRA : « 509 personnes ont été enfermées dans ce centre depuis 2019 […] Quatre ont été placés alors qu’ils se déclaraient mineurs mais l’administration les a considérés comme majeurs. Les mineurs sont censés être pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, mais le Département conteste leur minorité pour ne pas les prendre en charge. » développait Alain Boudon de la Ligue des Droits de l’Homme lors de la marche des solidarités Grand Ouest le 17 octobre dernier, où les marcheurs étaient partis de Rennes pour rejoindre le CRA de Plaisir.

La réquisition de ce centre est aussi révélatrice du caractère particulièrement droitier et xénophobe au sein de ce CRA ; celui-ci étant accolé à l’hôtel de police de la ville, le syndicat de police Alliance s’est prononcé de manière abjecte sur cette réquisition, dans des propos relayés par Le Parisien : « Nous ne sommes pas des personnels soignants et nous n’avons pas vocation à garder des malades. Si un étranger fait une crise de nerfs et qu’il faut le maîtriser, on ne peut pas garantir qu’il ne postillonnera pas sur mes collègues et ne les contaminera pas » .

Face à l’accélération des expulsions, les détenus ont décidé de mener une réponse collective pour résister. De plus en plus, ils refusent de se faire tester, et pour cette raison, ils sont placés en garde à vue puis comparaissent devant un tribunal pour délit de « refus de se soumettre à une mesure d’éloignement », encourant de la prison ou une ITF (interdiction du territoire français), cette dernière mesure permettant un placement en rétention pendant 90 jours, avant la reconduite à la frontière. C’est ainsi qu’un sans papiers du CRA d’Oissel, à côté de Rouen, a été condamné à 4 mois de prison pour avoir refusé le dépistage au Covid, ou qu’un autre « après avoir passé 90 jours au CRA du Mesnil-Amelot et fait 3 refus de test, a été envoyé en GAV puis a été condamné à une ITF de 10 ans. » rapporte l’Assemblée contre les CRA d’Île-de-France, qui ajoute qu’« une ITF aussi longue intervient habituellement comme mesure accessoire d’une peine plus lourde pour un autre délit, ici elle vient uniquement punir le refus de test ». Par ailleurs, face à cette rébellion, des témoignages reçus par cette assemblée rapportent qu’une pression est exercée par les policiers sur les détenus qui refusent les tests Covid dans les CRA, avec des menaces et des violences quasi quotidiennes exercées sur ces derniers.

Enfin, le système de répression des étrangers avec les CRA ne cesse de se renforcer, avec par exemple l’entrée en vigueur de la loi « asile immigration intégration » au 1er janvier 2019, qui a fait doubler la durée maximale de rétention dans les CRA, passant ainsi de 45 à 90 jours, ou la construction de trois nouveaux centres annoncée par Christophe Castaner, ancien ministre de l’Intérieur, en novembre 2019, qui affirmait alors : « Nous allons continuer de lutter inlassablement contre les réseaux d’immigration irrégulière et amplifier nos efforts pour que nos décisions d’éloignement soient respectées. D’ici 2020, le nombre de places en CRA aura augmenté de 35 % par rapport au début du mandat » .

Il est central de continuer la lutte contre les CRA, car rappelons-le, ces hommes et femmes sont enfermés pour l’unique raison qu’ils n’ont pas de papiers. Face à cette situation exprimons une solidarité à la hauteur des attaques contres les sans-papiers, en nous joignant aux marches des solidarités et en revendiquant la fermeture des CRA, ainsi que la régularisation des sans papiers et l’accès à un logement pour tous.


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