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Extrême-droite

Interdire les actions « d’ultra-droite » ? Une manœuvre pour légitimer la répression du mouvement social

Après avoir donné son blanc-seing à la manifestation néo-fasciste du 6 mai, Darmanin a rétropédalé en demandant aux préfets l’interdiction des manifestations de l'« ultra-droite ». Une manœuvre évidente, qui vise à mieux légitimer l'offensive autoritaire en cours contre le mouvement social.

Joël Malo

10 mai 2023

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Interdire les actions « d'ultra-droite » ? Une manœuvre pour légitimer la répression du mouvement social

Face à un cortège arborant croix celtiques, symboles nazis et scandant des slogans fascistes comme « Europe, Jeunesse, Révolution », le dispositif policier particulièrement maigre a plutôt témoigné d’une complaisance affichée avec le service d’ordre des fascistes qui ont menacé les journalistes et les riverains. Des journalistes ont été photographiés et reçoivent depuis des messages de menaces.

Dans un premier temps, c’est le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, qui a dû justifier la tenue de cette manifestation, tandis que des casserolades ont été interdites à la pelle avec des prétextes toujours plus délirants ces derniers jours, et que ce même 6 mai une manifestation contre la réforme des retraites et la répression était interdite à Lyon.

Laurent Nuñez s’est ainsi caché derrière une décision de justice rendue en février, cassant l’interdiction préfectorale d’un rassemblement en hommage au soulèvement fasciste du 6 février 1934 à Paris. A l’époque, « il a été considéré que je ne démontrais pas suffisamment qu’il y avait un risque de trouble à l’ordre public (…) et qu’avec les forces de l’ordre dont je disposais [je n’étais pas] en mesure de le contenir » se défend le préfet. Laurent Nuñez s’est servi de cette précédente décision pour appuyer son laisser-faire.

Face au deux poids deux mesures, Darmanin tente de retourner la situation à son avantage

Face au scandale des images qui ont été publiées de la manifestation, Elisabeth Borne a dû intervenir tout en défendant son préfet. Si elle a jugé la manifestation « inacceptable », elle a précisé que « c’est aussi à notre démocratie de garantir le droit à manifester », ne voyant « pas de motif pour interdire cette manifestation ». Une garantie admirablement appliquée depuis le mois de mars contre le mouvement des retraites…

Mais finalement, mardi 9 mai, devant l’Assemblée nationale, Darmanin a pris le contre-pied de cette défense. Remettant la faute sur les tribunaux ayant cassé de précédents arrêtés d’interdiction, il a appelé à interdire systématiquement toutes les manifestations d’extrême droite. « J’ai donné instruction au préfet de police que [pour] tout militant d’ultradroite, d’extrême droite, toute association ou collectif, à Paris ou sur le territoire national, qui déposera des manifestations dans le sens que vous avez décrit, les préfets prendront des arrêtés d’interdiction et nous laisseront les tribunaux juger de savoir si la jurisprudence permettra en effet de tenir ces manifestations. »

Mais loin de s’être converti à la lutte contre l’extrême droite, le ministre de l’Intérieur qui trouve Le Pen « trop molle » et veut donner des conseils de dureté dans la lutte contre l’immigration à Meloni, opère une manœuvre évidente. D’abord, le coup de communication permet au gouvernement de se délimiter à moindre coût de ces manifestations de l’extrême-droite au moment où le gouvernement cherche à se poser comme le meilleur barrage au Rassemblement National. Une opération à moindre coût puisqu’il dégage les préfectures et son ministère de toute responsabilité, laissant aux juges la discrétion de ces interdictions. Enfin, il permet d’un côté de mieux légitimer l’interdiction – qui ont à plusieurs reprises été cassées par la justice - des manifestations et rassemblements contre la réforme des retraites et contre Macron. Et de l’autre, pose un précédent qui ne saurait tarder à s’appliquer aux manifestations de « l’ultra-gauche » (une catégorie qui pour un macroniste commence quasiment avec la Ligue des Droits de l’Homme), des manifestations et « troubles sociaux » qui ne tarderont pas à venir face à l’offensive anti-sociale et raciste du gouvernement.

Une rhétorique et des arrêtés préfectoraux qui pourraient être mobilisés contre le mouvement anti-fasciste dès les prochaines semaines notamment à l’occasion des manifestations en hommage à Clément Méric, alors que Darmanin a déjà annoncé sa volonté de dissoudre plusieurs groupes antifascistes, écologistes ou de défense collective face à la répression.

L’État et Darmanin ne seront jamais nos alliés face à l’extrême droite

Les déclarations de Darmanin, comme à chaque fois que celui-ci fait semblant de s’en prendre à l’extrême droite, sont pleines d’hypocrisie et d’opportunisme. A l’heure où Macron est plus isolé que jamais, son camp essaye de ressusciter l’illusion d’un « front républicain » face à l’extrême droite. Un stratagème éculé et auquel plus personne ne croit.
Car c’est bien la politique de Macron qui est aujourd’hui le principal carburant pour les idées de l’extrême droite. Le Pen et les groupuscules qui gravitent autour du RN n’ont qu’à s’engouffrer dans les portes ouvertes par le macronisme lorsque le président et les ministres font un lien entre immigration et criminalité, fustigent les travailleurs immigrés qui touchent des allocations, lancent des campagnes (à base d’argent public comme avec le Fonds Marianne de Schiappa) contre « l’islamo-gauchisme » et le « wokisme ».

Alors quand Darmanin se délimite sur la forme des groupuscules néo-nazis, c’est en réalité pour mieux renforcer son arsenal répressif qu’il retournera immédiatement contre le mouvement ouvrier et les mouvements sociaux.

En définitive, les déclarations à l’Assemblée de l’ancien militant de l’Action Française, désormais premier flic de France, ne sont que des gesticulations politiciennes qui n’empêcheront pas l’extrême droite de nuire. Pour faire face à la montée de la violence d’extrême droite, le mouvement ouvrier et le mouvement social ne peut compter que sur ses propres forces.

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