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L’État me prive de travail

Interview. Aurélie en grève de la faim « j’ai le droit de travailler »

Aurélie, salariée dans une boulangerie à Auxerre, a entamé une grève de la faim depuis près d’une semaine. Alors même qu’aujourd’hui elle et son mari sont tous les deux en CDI, il ne leur reste plus, à la fin du mois, après avoir payé l’assistante maternelle, réglé les factures et le loyer, que 30 euros pour vivre et se nourrir. Ainsi lorsqu’elle a appris dimanche dernier, le 5 février, que la Caisse d’allocations familiales, sans la prévenir, avait décidé de lui réduire drastiquement le montant des allocations, ça lui a « coupé la faim ». Une situation que la travailleuse sait partager avec des milliers d’autres personnes qui aujourd’hui postent leurs témoignages sur la page qu’elle a ouverte sur Facebook « J’ai le droit de travailler ». Nous l’avons interviewée. Propos recueillis par C.M.

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« Deux CDI et 30 euros à la fin du mois  »

C.M : depuis le 6 février vous êtes en grève de la faim, pouvez-vous nous raconter quelle est votre situation ainsi que celle de votre mari ?

Aurélie  : J’ai 27 ans. J’ai commencé à travailler en tant qu’assistante maternelle à mi-temps. Mon mari était étudiant. Depuis le 1er septembre, nous travaillons tous les deux. A l’époque avec mon job à mi-temps et les aides de la CAF, on touchait 1927 euros. Aujourd’hui, avec mon CDI de vendeuse en boulangerie, son salaire et les aide de la CAF, on est à peu près à 2 500 euros. Soit environ 600 euros de plus. Comme on travaille, qu’on finit tard, on a besoin d’une assistante maternelle pour pouvoir garder les enfants, âgés de 2 et 6 ans . J’ai environ 1 000 euros à ma charge. Jusqu’à la fin de l’année 2016 on était remboursé 692 euros. Mais dimanche dernier – le 5 février - j’ai découvert qu’on n’était plus remboursé que 292 euros ! Je pensais qu’il y avait un problème dans le calcul mais après vérification il n’y avait pas d’erreur. Quand j’ai découvert ça, j’ai dit à une de mes collègues que tous ces politiciens qui nous mettent dans cette situation me coupent la fin. C’est pour ça que j’ai décidé de faire la grève de la faim.

J’ai alors écrit une première lettre. J’ai expliqué à mon mari que c’était trop, qu’il fallait agir. Puis, lors de mes jours de repos, je suis allée me poster devant la mairie d’Auxerre avec des pancartes pour dénoncer cette situation où je gagne moins d’argent qu’en restant chez moi. Mais je veux travailler, j’ai le droit de travailler. Le maire m’a proposé un rendez-vous mardi 14 février…

Vous dîtes qu’« en tant que femme j’ai le droit de travailler » pour répondre à ceux qui vous disent « d’arrêter de travailler pour toucher plus aides », votre situation en dit long sur la situation des femmes travailleuses en 2017…

Oui, ce que j’explique c’est que le problème aujourd’hui c’est que je gagnais plus d’argent en restant chez moi, à ne pas avoir de frais de garde d’enfant. Mais il n’est pas question que j’arrête de travailler. L’assistante maternelle c’est environ 1000 euros par mois. Á nous, les femmes, on nous dit d’aller travailler mais aujourd’hui j’ai des amies qui sont obligées de rester à la maison parce qu’il n’y a pas de places en crèches, parce que les horaires ne vont pas. Et les mères célibataires, on y pense ? Quelqu’un que je connais m’a dit après que je me sois mise en grève « t’as qu’à pas faire de gosse, la pilule ça existe »… Le statut de la femme, c’est terrible. Tout ça ne peut qu’entraîner des situations de dépendance des femmes vis à vis des hommes. C’est comme ça aussi qu’on en arrive à l’exposition des femmes aux violences conjugales. Si je suis dépendante de mon mari, de son salaire, je ne peux pas partir quand je veux, je ne suis pas dépendante.

« Arrêtez de nous prendre pour des cons »

Á un moment sur votre page vous dites contre ceux qui s’en prennent à vous de plutôt regarder « en haut », vous attaquez le gouvernement et ces politiciens qui « planquent leurs économies ». Vous aimeriez leur dire quoi à ces politiciens ?

J’ai beaucoup de revendications. C’est la faute des gouvernements, de l’État. Ce n’est pas notre faute, il ne faut pas s’en prendre à son voisin. Eux ils jubilent là haut quand ils nous voient nous diviser. Y en a qui ont peur parce que quand on s’en prend à ceux qui gouvernent, on risque d’avoir des ennuis avec la justice. Il n’y a qu’à voir ce qu’il s’est passé avec Valls. Le lendemain le gamin passait en comparution immédiate, alors qu’aujourd’hui on a des violeurs, on a des preuves que c’est eux et ils ne passent pas en comparution immédiate ! C’est une justice à deux vitesses. Ce que j’aimerais leur dire ? Arrêtez de nous prendre pour des cons. Il faut qu’ils arrêtent de penser qu’on est bêtes. Ils ne nous écoutent pas. Mais aujourd’hui les gens se préparent, se réunissent. Nous on est plus nombreux qu’eux. Qu’est ce qu’il va faire le peuple quand il va crever la faim ? Le peuple va se retourner et va y avoir un lynchage. Ils ont plein de connaissances que nous on n’a pas mais nous on sait ce que c’est que de travailler, de vivre avec 1500 euros ou moins, et moi notamment je connais le prix d’un pain au chocolat !


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