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Élise, prof dans le 93 : « L’État menace les syndicats qui braveraient l’interdiction, tous dans la rue ce 20 janvier ! »

À la veille d’une nouvelle journée de mobilisation dans l’Éducation Nationale, Elise, prof dans le 93, revient sur la colère des enseignants et des profs au lendemain des révélations sur la sortie du protocole sanitaire depuis Ibiza par Jean-Michel Blanquer.

Enora Lorita

19 janvier 2022

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Depuis le début de la 5ème vague, les conditions de travail des enseignants et des profs sont particulièrement dégradées. Peux-tu nous en dire quelques mots ?

Dans les écoles, nous revivons une situation épidémique très importante : les enfants sont les principaux touchés par cette nouvelle vague. Le gouvernement veut maintenir coûte que coûte ouvertes les écoles. Évidemment que nous voulons également que les écoles restent ouvertes, ça n’est pas le problème. Le problème c’est que depuis deux ans, nous sommes dans cette même situation, sans que rien n’évolue. Les équipes enseignantes réclament des protocoles sanitaires qui soient réellement à la hauteur de la crise, mais aussi des embauches massives dans les écoles. Par exemple, nous avons besoin urgemment de plus de remplaçants pour les enseignants absents, ou encore d’agents d’entretien qui font le service. Dans tous les établissements scolaires, il manque cruellement de personnel pour faire le ménage et nettoyer suffisamment les salles. Nous réclamons aussi des capteurs CO2. Le ministre nous dit qu’on n’a qu’à ouvrir les fenêtres en hiver, mais on n’a pas envie d’attraper des pneumonies, sans même parler des fenêtres qui ne s’ouvrent pas dans les établissements scolaires qui sont délabrés.

En réalité, rien n’a été fait depuis deux ans dans les écoles. L’unique objectif du gouvernement c’est de maintenir les écoles ouvertes à tout prix, en faire des écoles « Made in Medef » c’est-à-dire la garderie des écoles des travailleurs. Depuis la rentrée, la situation est particulièrement catastrophique. Nous avons vu défiler quatre protocoles différents en deux semaines. C’est une situation ubuesque où les protocoles s’allègent, alors que nous sommes en plein pic épidémique ! Pour toutes ces raisons, nous réclamons aujourd’hui des embauches massives d’enseignants, de l’enfance du personnels, d’encadrants, d’AED, d’agents de service et de la vie scolaire.

Cette semaine, on a appris que le protocole sanitaire avait été envoyé aux enseignants et aux profs alors que Blanquer était à … Ibiza. Comment a été reçue cette nouvelle ?

Depuis cinq ans, Blanquer est le ministre de l’Éducation Nationale le plus détesté. Le fait d’avoir annoncé le protocole la veille au soir de la rentrée, à 19h, dans un journal payant, avait déjà mis le feu aux poudres dans les établissements scolaires. Les nouvelles révélations de Médiapart disant que lui était en train de se dorer la pilule à Ibiza alors qu’on était en attente d’avoir des protocoles a attisé encore plus la colère des enseignants, renforçant la mobilisation. C’est aberrant : nous avons un ministre qui, d’un côté, nous dit que lorsqu’on est malades du Covid on est des absentéistes et qui dans le même temps sort un protocole depuis Ibiza. Sur les cinq années, on a beaucoup encaissé, mais là entre toutes les dernières sorties qu’il a pu faire, là c’est la goutte d’eau.

Sur les réseaux sociaux, cette colère s’est constatée avec une déferlante d’images de Blanquer à Ibiza se moquant ironiquement. Les enseignants n’acceptent plus un ministre aussi méprisant et c’est dans ce sens que les appels à la démission de Blanquer se multiplient.

La semaine dernière, le 13 janvier, vous avez fait une grève très suivie. Ce jeudi, une mobilisation est à nouveau prévue. Peux-tu en dire quelques mots ?

La journée de mobilisation du 13 janvier était historique mais aussi une surprise car elle a été vraiment appelée et poussée par la base. Les directions syndicales n’avaient pas prévu une grève avant le 27 janvier. Contre toute attente, la journée du 13 a enregistré des taux de grévistes qu’on n’avait pas vu depuis 2003 : 75% de grévistes dans le 1er degré, 62% dans le 2nd degré. Aussi, on a constaté un soutien massif des parents d’élèves, eux-mêmes vivant très mal ces nouveaux protocoles.

Des assemblées générales se sont tenues à plusieurs endroits, appelant à la poursuite de la grève. Suite à la journée du 13, le gouvernement a compris le risque d’explosion dans la profession puisque dès le soir même, il a reçu l’ensemble des organisations syndicales, ce qui est inédit. De cette rencontre, il en est ressorti des miettes, totalement insuffisantes, même si certaines organisations syndicales ont dit être satisfaites.

Cette journée a donc été historique et ce qui est intéressant c’est qu’elle appelle à des suites. Mais le problème c’est que les organisations syndicales ne sont pas à la hauteur de la situation : aucun plan de bataille ne s’est dessiné après la journée du 13. Une réunion de l’intersyndicale s’est réunie le 14 mais il n’y a eu qu’un seul appel de Sud Éducation qui en est ressorti, qui a finalement été rejoint par d’autres fédérations comme la FSU. C’est en décalage avec le niveau de combattivité à la base. La colère est toujours là et attend une poursuite de la grève. En ce sens, la date du 20 janvier constitue un véritable point d’appui pour la poursuite du mouvement et notamment pour préparer la mobilisation du 27 janvier.

La préfecture de Paris n’a pas autorisé la manifestation du 20 janvier en prétextant le délai de déclaration trop court… Comment cette nouvelle a-t-elle été reçu chez les profs ?

En effet, alors que Blanquer était en train de tenter de se justifier par des explications abracadabrantes à la télé, le préfet n’a pas validé la déclaration de la manifestation en prétextant que les organisations syndicales avaient déposé trop tard la manifestation, et qu’en conséquence elle n’était pas autorisée. Cette annonce a encore plus attisé la colère, à se demander presque si leur objectif n’est pas de nous énerver encore un peu plus !

Ils cherchent à invisibiliser la lutte, puisque les manifestations servent notamment à montrer la force et le nombre que l’on représente. Une nouvelle fois, c’est donc une tentative d’essayer de faire taire la mobilisation de la part du gouvernement. Ce n’est pas la première fois que des manifestations sont déclarées au dernier moment. Ça n’a d’ailleurs pas posé problème au gouvernement que dimanche après-midi tous les nazillons défilent dans les rues de Paris en faisant le salut nazi. C’est une volonté de nous faire taire mais ça ne va pas fonctionner.

Bien plus c’est aussi une atteinte scandaleuse à nos droits démocratiques et à celui de manifester. L’Etat tente de dissuader la tenue de la manifestation, allant même jusqu’à menacer les organisations syndicales qui braverait l’interdiction d’après les déclaration de Didier Lallement, pour affaiblir le mouvement. Nous devons tous aller dans la rue ce 20 janvier !

Le 27 janvier, aura lieu une journée importante de mobilisation interprofessionnelle. Peux-tu expliquer quelles revendications vous y porterez ?

Le 27 sera en effet une journée interprofessionnelle, appelée par les services publics dont le mot d’ordre est autour de la question des salaires. Depuis de nombreuses années, le point d’indice est gelé et nos salaires n’évoluent pas. Pourtant, l’inflation est bien présente : tous les prix augmentent. La crise sanitaire a profité aux patrons dont les profits ont bien augmenté et dans le même temps notre pouvoir d’achat diminue. Tous les prix ont augmenté : le prix des matières premières, donc les aliments qui coûtent plus cher, l’électricité, le gaz, l’essence etc.

Nous, comme l’ensemble des travailleurs, sommes touchés par ces augmentations. Nous voyons nos conditions de vie s’aggraver par des salaires de misère. La revendication principale de cette journée est donc la question des salaires. Alors que le CAC40 a fait des bénéfices records pendant la crise et que Macron a fait énormément de cadeaux aux patrons, la question sociale revient sur le devant de la scène. La grève du 27 janvier, ce sera celle de la première ligne, soit des travailleurs de la santé et du privé qui ont dû continuer d’aller bosser, mais aussi les travailleurs de 2e ligne comme peuvent l’être les enseignants. Ce sera la grève de tous ceux qui ont tenu la baraque pendant la crise. Partout il y a des mobilisations qui explosent sur les questions salariales, notamment dans le privé. C’est pourquoi, nous voulons montrer que cette grève est celle de l’ensemble des travailleurs qui vivent dans des conditions misérables alors que le gouvernement engraisse le patronat qui fait tjrs des bénéfices records comme a pu le voir récemment.

Dans notre secteur, nous allons aussi lier cette journée à la question de la précarité. Une grosse partie des travailleurs de l’éducation ne sont pas fonctionnaires mais des travailleurs précaires tels que les AESH qui accompagnent les élèves en situation de handicap et qui sont payés une misère, les AED qui ont des statuts précaires avec des salaires de misère. Par exemple, moi je suis dans un établissement d’éducation prioritaire, les AED ne touchent pas les primes d’éducation prioritaire. Ce sont des revendications qu’on portera aussi la journée du 27, qui devrait être une journée très suivie.

Au delà nous devons dès à présent participer à la construction de cette journée et faire qu’elle soit la plus massive possible, il y en a le potentiel ! Dès ce jeudi nous devons maintenir la pression sur Blanquer et Macron, mais surtout amplifier le mouvement, en organisant et élargissant les AG au niveau local. Il est nécessaire de ne pas vouloir s’arrêter après la journée du 27 mais bien de préparer dés aujourd’hui la suite du mouvement, construction la mobilisation et le rapport de force qui lui seul est capable d’imposer nos revendications. A nous d’imposer des moyens pour les services publics et d’imposer des conditions de travail digne notamment sur la question des salaires.


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