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« Islamogauchisme » à l'université

« Je ne renie aucun des mots que j’ai prononcés » : Vidal revendique sa cabale islamophobe

Ce jeudi matin sur France Culture, Frédérique Vidal poursuivait son procès en islamo-gauchisme contre les universités au nom du "pluralisme de pensée" et de la "liberté académique". Une façon pour une ministre fragilisée de s'assumer comme pointe avancée de l'offensive réactionnaire du gouvernement.

Ariane Anemoyannis

4 mars 2021

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Crédit Photo / SEBASTIEN BOZON - AFP

Ce jeudi, Frédérique Vidal était l’invitée de la matinale de France Culture. L’occasion pour elle de revenir sur des propos qualifiés par beaucoup de "polémiques" quant à l’islamo-gauchisme. En effet, depuis son allocution sur CNews où elle défendait la mise en place d’une enquête par le CNRS pour prendre la mesure de « l’islamo-gauchisme qui gangrène nos université », la ministre de l’ESR avait fait une percée médiatique sous forme de bad buzz. 

Acculée par la communauté universitaire et critiquée jusque dans les rangs de la majorité, celle qu’on définissait comme la ministre discrète du gouvernement Castex est devenue en l’espace de quelques jours une nouvelle figure de l’offensive réactionnaire de ce dernier. Et si le porte parole du gouvernement Gabriel Attal avait fait mine de recadrer la ministre en la sommant de se recentrer sur les sujets phares de l’ESR, à savoir la précarité étudiante, force est de constater que les propos de Vidal sont loin de se circonscrire à une polémique.

Ainsi, bien que Frédérique Vidal se soit efforcée en fin d’interview de mentionner la situation de détresse des étudiants et de défendre les quelques mesures cosmétiques prises par son cabinet s’agissant de la réouverture des facs, elle s’est surtout concentrée à persister et signer quant aux attaques idéologiques adressées contre certains sujets et secteurs de la recherche.

La ministre s’est essayée sur les ondes de France Culture à défendre ses propos et sa politique à l’égard des universités : « Il n’y a absolument aucun changement de discours. Je ne renie aucun des mots que j’ai pu écrire ou prononcer […], nous devons garder un pluralisme de pensée et préserver la liberté académique. » Pressée de préciser par le journaliste quelles seraient les attaques à la liberté académique auxquelles elle pense, Vidal tente non sans difficultés de concrétiser son propos, mentionnant vaguement « l’irruption de groupuscules dans des colloques » ou « l’interdiction de certaines conférences ». Un argumentaire de « la pensée unique » peu convainquant lorsque les recherches de l’ESR portant sur les thèmes visées par la ministre (décolonisation, antiracisme, intersectionnalité) sont largement minoritaires tandis que les discours réactionnaires ont droit de cité absolue dans les universités, en avait témoigné l’affaire Mardirossian à l’Université Panthéon-Sorbonne. 

Mais sans se laisser abattre par la faiblesse de cette démonstration, la ministre a misé sur l’argument de la liberté académique pour adoucir l’offensive, du moins sur la forme. « Mon objectif est de faire en sorte que chacun puisse exprimer ses idées, ses recherches […], je n’ai qu’une boussole : que la liberté académique soit préservée » a donc expliqué Frédérique Vidal. La stratégie est plutôt classique : il s’agit de légitimer une atteinte à certains sujets de recherche en mettant en avant la défense de la pluralité idéologique et académique. Une technique bien connue de l’extrême-droite, galvanisée par la reprise gouvernementale de leur rhétorique sur « l’islamo-gauchisme ». Le site réactionnaire Valeurs Actuelles indique ainsi que « Frédérique Vidal et Jean-Michel Blanquer ont raison sur l’islamo-gauchisme »

Aux côtés du ministre de l’Éducation Nationale qu’elle avait pourtant critiqué à l’automne pour ses propos sur l’islamo-gauchisme dans l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal s’affirme désormais comme porteuse du projet réactionnaire du gouvernement. 

De fait, loin d’être une polémique inutile pour détourner les yeux de la précarité étudiante, l’offensive menée par le gouvernement contre l’islamo-gauchisme est à prendre avec sérieux et à combattre en tant que tel. En plein cœur de la crise économique et dans une période d’instabilité importante, l’objectif est de saper les acquis des mouvements antiracistes et anti-islamophobie qui mobilisent largement la jeunesse et certains secteurs d’universitaires afin d’éviter toute alliance avec les quartiers populaires. Ainsi, lutter contre une nouvelle génération de chercheurs refusant l’islamophobie dominante et s’interrogeant sur les oppressions structurelles, et tenter d’anéantir la politisation croissante de la jeunesse sur les questions antiracistes et féministes est une préoccupation centrale du gouvernement. 

Et si la lutte contre la précarité et la détresse est centrale en ce qu’elle relève d’une question de vie ou de mort pour bon nombre d’étudiants, le combat contre l’offensive réactionnaire du gouvernement doit également être une priorité de la jeunesse et des enseignants-chercheurs en ce qu’elle est la condition sine qua none pour construire une alliance conséquente du mouvement étudiant, du monde du travail et des quartiers populaires contre Macron. 


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