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Transports en commun

Jean Castex nouveau PDG de la RATP : « c’est le dialogue social à coups de matraque et de lacrymos »

Nommé nouveau PDG de la RATP, Jean Castex affirme vouloir « faire du dialogue social » avec les salariés. Yassine Jioua, conducteur de bus et militant CGT RATP dénonce une opération d’enfumage pour calmer la colère des salariés et faire passer les attaques de la direction en douce. Il appelle à se préparer à lutter contre les attaques en cours et à venir, sans illusion sur l'ex-Premier Ministre de Macron.

Olive Ruton

2 décembre 2022

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Crédits photos : Yassine Jioua, lors du « meeting de la grève », en mars 2019

Jean Castex est devenu PDG de la RATP ce lundi. Yassine Jioua, conducteur de bus et militant CGT RATP au centre-bus de Malakoff, répond à sa nomination.

Révolution Permanente : Jean Castex vient de prendre ses fonctions en tant que PDG de la RATP. Qu’est-ce-que tu penses de la nomination de l’ex-Premier ministre d’Emmanuel Macron à la tête de l’entreprise ?

Yassine Jioua : Cette nomination montre qu’il y a un entre-soi de la classe dirigeante. C’est Emmanuel Macron qui a proposé Jean Castex, on voit qu’ils se placent entre eux. Chez les machinistes, il n’y a aucune illusion sur sa politique. Ça va être la politique qui a été défendue par sa prédécesseuse, Catherine Guillouard, la même politique qu’il a défendue quand il était au gouvernement : on sait qu’il va continuer à casser le service public des transports avec l’ouverture à la concurrence et la privatisation, à casser les conditions de travail des salariés et les conditions de transport des usagers.

Surtout, c’est une opération de communication pour rétablir l’illusion du « dialogue social ». Jean Castex annonce en interview qu’il veut « inspire[r] confiance aux salariés », qu’il veut « faire du dialogue social », qu’il va recevoir les organisations syndicales pour discuter des revendications salariales ou encore mettre en place un « Observatoire de l’ouverture à la concurrence ». C’est une tentative pour calmer la colère des salariés et faire passer les attaques de la direction en douce. Mais tout ça, c’est de l’enfumage. La preuve : ce vendredi les agents de la maintenance du réseau ferré (MRF) qui sont en grève depuis plus d’un mois pour les salaires sont allés manifester devant la Maison de la RATP. Et comment la direction les a reçus ? En leur envoyant les CRS qui les ont gazé et matraqué ! C’est le « dialogue social » à coups de matraque et de gaz lacrymo.

En réalité, il va falloir se préparer à lutter contre toutes ces attaques et ne s’attendre à aucun cadeau de sa part. En 2019-2020, les salariés de la RATP se sont massivement mis en grève contre la réforme des retraites que le gouvernement voulait imposer. Aujourd’hui, Emmanuel Macron remet sur la table ce projet pour nous faire travailler toujours plus longtemps. Jean Castex l’a soutenu à l’époque, donc en tant que PDG de la RATP on sait qu’il fera pareil.

R.P : Dans une interview publiée par Le Parisien, Jean Castex met en avant le fait qu’il a « acquis une certaine expérience, en gouvernant le pays dans une période de crise sanitaire », pour justifier sa nomination à la tête de la RATP. Qu’est ce que tu en penses ?

Y.J : Le mieux, c’est de demander aux personnels de santé s’ils pensent qu’il a bien géré la crise sanitaire. Ce qu’il a géré, c’est les intérêts des grands patrons, en faisant payer la crise aux travailleurs et aux classes populaires : les soignants, mais aussi les étudiants qui subissent la précarité, les personnes sans-domicile, les travailleurs qui subissent l’inflation...

La crise des transports en Île-de-France est justement due à ce type de politique anti-sociale. Alors s’il gère la RATP comme il a géré la crise sanitaire, ça veut dire qu’encore une fois ce sont les travailleurs et les classes populaires qui vont en payer le prix : dégradation de la qualité du service, augmentation des prix des tickets et du pass Navigo, casse des conditions de travail des salariés...

R.P : Service dégradés, temps d’attente interminables, bus bondés... La casse des transports publics provoque une véritable crise en Île-de-France. Que penses-tu des déclarations de Jean Castex lorsqu’il affirme qu’il a « entendu le message des voyageurs » et qu’il compte « faire mieux » pour résoudre cette crise ?

Y.J : D’abord c’est hypocrite parce qu’en tant que Premier Ministre de Macron, il a joué un rôle actif pour casser les transports publics en défendant la privatisation et l’ouverture à la concurrence. Ensuite, la question que je me pose, c’est : comment compte-t-il la résoudre ?

Il est incapable de réparer le moindre train, il est incapable de déplacer le moindre bus, le moindre métro, le moindre RER... Mais en tant que PDG de la RATP, il gagne 26 fois le salaire d’un machiniste ! Pendant ce temps, on subit le sous-effectif et c’est ça qui impacte la qualité du service pour les usagers. Par exemple aujourd’hui sur ma ligne on était 22 à travailler. Payer Jean Castex revient plus cher que rémunérer tous les machinistes qui font tourner cette ligne .

Tout cet argent devrait servir à embaucher, car ce que veulent les usagers, c’est qu’il y ait plus de conducteurs, plus d’agents de maintenance, pas plus de Jean Castex. Je n’ai jamais entendu les usagers me dire « il est quand le prochain Castex ? » Ce qu’ils veulent connaître, c’est le prochain bus ou le prochain métro. Ils préfèrent avoir une ligne qui fonctionne normalement, des conducteurs avec un salaire et des conditions de travail décentes, plutôt qu’un PDG qui s’enrichit autant.

R.P : Jean Castex décrit la RATP comme « une belle maison, chargée d’histoire, où il fait bon vivre ». Du côté des salariés, est-ce le même ressenti ?

Y.J : Il reprend les éléments de langage des médias qui cassent du sucre sur notre dos, en parlant de la RATP comme d’un « paradis social ». Mais alors pourquoi autant de salariés démissionnent et quittent cette « belle maison » ? Et pourquoi personne ne souhaite y travailler ? S’il faisait tellement « bon vivre », les travailleurs ne quitteraient pas leur travail et il y aurait moins de difficultés pour embaucher.

Par contre lui, avec ses 450.000 euros de salaire annuel, il doit très bien vivre. Je n’en doute pas. Pendant que dans nos bus, on doit rouler sans chauffage l’hiver et sans climatisation l’été, on se rend compte que dans les locaux des dirigeants à la Maison de la RATP, ils n’ont pas le même problème.

R.P : Depuis le 18 octobre, les agents de la maintenance du réseau ferré (MRF) qui sont en grève et revendiquent 300 euros d’augmentation pour tous. Plus généralement, les mouvement de grève pour les salaires se multiplient ces derniers mois à la RATP comme dans d’autres entreprises. A ce sujet, Jean Castex a affirmé que « des négociations sont en cours » et qu’il compte recevoir « les organisations syndicales représentatives dès cette semaine ». Qu’y-a-t-il à en attendre ?

Y.J : Il reprend les mêmes mensonges que l’ancienne direction. Ça fait des années qu’on nous dit que ces négociations sont en cours, qu’on nous a entendus. Finalement, on n’a rien du tout. On ne nous demande pas notre accord pour casser nos conditions de travail, ou quand il s’agit de geler nos salaires. D’ailleurs, la direction a carrément envoyé les CRS pour réprimer les grévistes de MRF devant la Maison de la RATP, et elle refuse toujours d’accepter leur revendication d’augmentation des salaires de 300 euros pour tous. C’est pourtant le strict minimum quand on voit que l’inflation provoque pratiquement 10% d’augmentation des prix pour les produits alimentaires, l’énergie, le carburant, etc.

On ne doit se faire aucune illusion. Tout ce que raconte Jean Castex, c’est de l’enfumage pour nous faire tourner en rond. Les problèmes, tous les travailleurs les connaissent depuis des mois. Et s’asseoir autour d’une table avec Jean Castex ne va rien résoudre. Donc les organisations syndicales devraient cesser de croire au « dialogue social » et de semer des illusions en allant s’asseoir autour d’une table avec Jean Castex alors que cela ne va rien résoudre du tout. Le seul langage que les patrons comprennent, c’est le rapport de force !

Les grévistes de MRF montrent la voie : ce sont les plus précaires de la RATP qui relèvent la tête et qui décident de se battre ensemble pour leurs salaires et leurs conditions de travail. C’est ce cette grève dont les organisations syndicales devraient s’inspirer : une grève pour des augmentations de salaires pour tous, avec la méthode de la grève reconductible comme unique moyen de créer un rapport de force. Il faut aussi soutenir ces grévistes, en donnant à la caisse de grève pour qu’ils puissent tenir le plus longtemps possible, mais aussi chercher à élargir le mouvement aux autres secteurs de l’entreprise au bus ou au métro, et aux autres entreprises des transports comme la SNCF, Keolis, etc.

D’ailleurs, le 10 novembre dernier, les conducteurs de métro ont fait grève massivement pour les salaires, ce qui a causé un « jeudi noir » dans les transports parisiens. Ils ont montré qu’ils sont prêts à se battre eux aussi. Donc plutôt que des journées de grèves isolées ou corporatistes, on a besoin de se coordonner à la base, y compris avec les salariés des autres entreprises, pour frapper tous ensemble et aller chercher 300 euros d’augmentation pour toutes et tous, mais aussi l’indexation des salaires sur l’inflation, des embauches et de meilleures conditions de travail.

Propos recueillis par Olive Ruton


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