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Violence ouvrière, violence patronale

Jean Jaurès (1906) : « Le patronat n’a pas besoin, lui, pour exercer une action violente, de gestes désordonnés et de paroles tumultueuses ! »

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Jean Jaurès, 1906, au cœur d’un vaste mouvement social.

Un débat, à la chambre des députés, l’opposait à Georges Clemenceau, ministre de l’intérieur, qui fustigeait les violences ouvrières lors de grèves en 1906. Jaurès rappelle d’où vient cette violence, c’est celle de l’exploitation capitaliste.


« Monsieur le Ministre de l’Intérieur, nous ne sommes pas, nous ne pouvons pas être les dupes de l’hypocrisie sociale des classes dirigeantes. [...]

Ce qu’elles entendent par le maintien de l’ordre, ce qu’elles entendent par la répression de la violence, c’est la répression de tous les écarts, de tous les excès de la force ouvrière ; c’est aussi, sous prétexte d’en réprimer les écarts, de réprimer la force ouvrière elle-même et laisser le champ libre à la seule violence patronale.

Ah ! Messieurs, quand on fait le bilan des grèves, quand on fait le bilan des conflits sociaux on oublie étrangement l’opposition de sens qui est dans les mêmes mots pour la classe patronale et pour la classe ouvrière. Ah ! les conditions de la lutte sont terriblement difficiles pour les ouvriers ! La violence, pour eux, c’est chose visible […]

Oui, la violence c’est une chose grossière, palpable, saisissable chez les ouvriers : un geste de menace, il est vu, il est retenu. Une démarche d’intimidation est saisie, constatée, traînée devant les juges. Le propre de l’action ouvrière, dans ce conflit, lorsqu’elle s’exagère, lorsqu’elle s’exaspère, c’est de procéder, en effet, par la brutalité visible et saisissable des actes. Ah ! Le patronat n’a pas besoin, lui, pour exercer une action violente, de gestes désordonnés et de paroles tumultueuses ! Quelques hommes se rassemblent, à huit clos, dans la sécurité, dans l’intimité d’un conseil d’administration, et à quelques-uns, sans violence, sans gestes désordonnés, sans éclat de voix, comme des diplomates causant autour du tapis vert, ils décident que le salaire raisonnable sera refusé aux ouvriers ; ils décident que les ouvriers qui continueront la lutte seront exclus, seront chassés, seront désignés par des marques imperceptibles, mais connues des autres patrons, à l’universelle vindicte patronale. Cela ne fait pas de bruit ; c’est le travail meurtrier de la machine qui, dans son engrenage, dans ses laminoirs, dans ses courroies, a pris l’homme palpitant et criant ; la machine ne grince même pas et c’est en silence qu’elle broie […]

La même opposition, elle éclate dans la recherche de responsabilités. De même que l’acte de la violence ouvrière est brutal, il est facile au juge, avec quelques témoins, de le constater, de la frapper, de le punir ; et voilà pourquoi tout la période des grèves s’accompagne automatiquement de condamnations multipliées.

Quand il s’agit de la responsabilité patronale – ah ! Laissez-moi dire toute ma pensée, je n’accuse pas les juges, je n’accuse pas les enquêteurs, je n’accuse pas, parce que je n’ai pas pu pénétrer jusqu’au fond du problème, et je veux même dire ceci, c’est quel que soit leur esprit d’équité, même s’ils avaient le courage de convenir que de grands patrons, que les ingénieur des grands patrons peuvent être exactement comme des délinquants comme les ouvriers traînés par des charrettes devant les tribunaux correctionnels, même s’ils avaient ce courage, ils se retrouvaient encore devant une difficulté plus grande parce que les responsabilités du capital anonyme qui dirige, si elles sont évidentes dans l’ensemble elles s’enveloppent dans le détail de complications, de subtilités d’évasion qui peuvent dérouter la justice […]

Ainsi, tandis que l’acte de violence de l’ouvrier apparaît toujours, est toujours défini, toujours aisément frappé, la responsabilité profonde et meurtrière des grands patrons, des grands capitalistes, elle se dérobe, elle s’évanouit dans une sorte d’obscurité. »


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