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Tri des réfugiés

L’Allemagne expulse les réfugiés afghans pour faire de la place aux Ukrainiens

Les autorités allemandes déplacent les réfugiés afghans face à l’arrivée croissante d’Ukrainiens. Une preuve de plus du racisme des puissances impérialistes.

28 avril 2022

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Sans consultation ni négociation, je devais simplement "partir sous 24 heures" », rapporte Foreign Policy en citant le récit de Parwana Amiri, soulignant que des centaines d’Afghans se trouvent dans la même situation qu’elle dans toute l’Allemagne.

Le Département de l’intégration, du travail et des services sociaux du Sénat de Berlin a décidé d’expulser des foyers pour les réfugiés afghans qui étaient arrivés dans la capitale - pour nombre d’entre eux après la prise du pouvoir en Afghanistan par les Talibans - afin que ces places puissent être occupées par des réfugiés ukrainiens.

La justification des autorités serait «  basée sur des considérations opérationnelles nécessaires et difficiles », ce qui imposerait le recours à cette mesure brutale.
Stefan Strauss, chef du Département de la presse de Berlin, a affirmé, non sans cynisme, que les autorités « regrettent » que « cela ait causé des difficultés supplémentaires aux familles afghanes, [que] les personnes concernées aient eu à déménager de leur environnement familial et aient possiblement à présent des difficultés à maintenir leurs relations sociales au jour le jour ».

Strauss a assuré que les Afghans délogés ont été relogés de façon « permanente » dans les conditions équivalentes, ne mentionnant pas les salles de bains et cuisines partagées. Mais dans les faits, la réalité ne coïncide pas toujours avec les déclarations officielles.

Parwana Amiri, activiste et réfugiée afghane de 33 ans, a raconté au magazine Foreign Policy qu’avec sa famille, elle a déjà dû déménager deux fois depuis son expulsion en mars et vit désormais dans un vieil hôtel de Reinickendorf, dans la banlieue nord de Berlin, présenté comme un refuge temporaire pour personnes sans-abri.

Une publication Facebook du Bureau d’arrondissement de Reinickendorf annonce, au sujet du logement de deux petites chambres avec une cuisine partagée où vit Amiri, que «  l’objectif n’est pas d’assurer un hébergement permanent ».

Le nouvel hébergement d’Amiri et sa famille est cher. Cela est devient clair lorsqu’elle montre un courrier qui détaille combien paie le Gouvernement allemand pour les deux petites chambres et la cuisine partagée : 37 euros par nuit et par personne, soit 4 500 euros par mois, un prix très élevé, même pour la capitale.

Alors que rien n’est clair sur la durée de l’actuel logement. Le premier logement de la famille quand ils sont arrivés en Allemagne leur étaient réservés jusqu’à ce qu’ils puissent trouver leur propre appartement (difficile dans la capitale surpeuplée). A priori, ils ne peuvent rester dans leur nouveau refuge que jusqu’à fin juillet.

Selon Foreign Policy, le premier logement d’où Amiri et sa famille ont été expulsés pour faire de la place aux réfugiés ukrainiens était vide et inoccupé quand les journalistes l’ont visité en avril, plusieurs semaines après l’expulsion de plusieurs familles. Des travailleurs sociaux présents sur les lieux ont exprimé leur mécontentement quant au traitement des Afghans par le Gouvernement, ainsi que d’autres réfugiés du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.

Lorsque les Talibans ont pris la capitale afghane en août dernier, l’Allemagne a accueilli 5 000 personnes, en majorité afghanes. « Depuis, le Gouvernement allemand en a évacué 4 000 et nous nous occupons de 3 000 autres » raconte Theresa Breuer, cofondatrice de l’ONG Kabul Luftbrücke. Cela porte le nombre total d’Afghans arrivés en Allemagne à approximativement 12 000.

L’Allemagne a fait partie des puissances impérialistes qui ont envahi l’Afghanistan sous le commandement des Etats-Unis et au nom de la « lutte contre le terrorisme ». L’invasion s’est poursuivie durant 20 ans à compter de 2001 et s’est achevée par le retrait des Américains et de leurs alliés face à l’avancée des Talibans.

Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, l’Allemagne a enregistré au moins 316 000 Ukrainiens fuyant la guerre. Berlin, dans l’est du pays à proximité de la frontière polonaise, est le premier point d’arrivée pour beaucoup et a enregistré jusqu’à aujourd’hui 60 000 nouveaux arrivants.

La mesure brutale des autorités de Berlin n’est pas la première à révéler un racisme institutionnel. Une vidéo circulant sur les réseaux sociaux avait montré comment en Allemagne, au-delà des discours affichés, tous les réfugiés ne sont pas traités à égalité. Dans la vidéo, on voit une jeune femme membre d’un groupe d’aide aux réfugiés dénoncer que la police ait ordre de séparer les réfugiés « Ukrainiens » des « personnes noires » qui arrivent de Pologne en train.

Les autorités allemandes justifient la mesure contre les réfugiés afghans en affirmant qu’elles n’ont pas les ressources pour faire face à la situation, alors que le Gouvernement allemand dépense des millions d’euros pour l’envoi d’armes en Ukraine.

En février, le chancelier allemand Olaf Scholz annonçait 100 000 millions d’euros pour la défense allemande dans un fonds spécial pour améliorer l’équipement de la Bundeswehr (armée allemande), presque le double de son budget pour toute l’année 2021. Plus significatif encore, il a annoncé que l’Allemagne dépensera « beaucoup plus » que les 2 % du PIB fixés par l’OTAN comme objectif de dépenses militaires pour ses membres et continuera à le faire chaque année. Autrement dit, des dépenses militaires bien supérieures à celles du Royaume-Uni et de la France en valeur absolue. Des millions d’euros pour le réarmement militaire impérialiste tandis qu’il manque des moyens pour accueillir les réfugiés d’un pays que l’Allemagne a envahi.

Traduction d’un article initialement paru sur La Izquierda Diario


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