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Crise sanitaire

L’Amérique latine, nouvel épicentre de la pandémie

Le directeur du programme d'urgence sanitaire de l'OMS, Mike Ryan, a déclaré que l'Amérique Latine est en train de devenir, avec le Brésil en tête, le nouvel épicentre de la pandémie en raison de l'augmentation significative des nouveaux cas et décès dus au Covid–19. La pauvreté, les politiques pro-patronales et le démantèlement du système de santé publique risquent de transformer la crise sanitaire en une catastrophe.

Pepe Balanyà

26 mai 2020

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Crédits photo : franceameriquelatine.org

Selon les statistiques fournies par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), ce sont 5 205 900 personnes qui sont atteintes par le Covid-19 dans le monde, dont environ 50% sur le continent américain. Les États-Unis sont le pays le plus touché par le virus avec un total de 1 717 552 cas et le plus grand nombre de décès, avec un total de 100 269. Toutefois, l’identification de nouveaux cas a légèrement diminué ces derniers jours dans les principaux états concernés et il semble que l’épicentre de la pandémie se déplace de plus en plus vers le Mexique, les Caraïbes et l’Amérique du Sud. Selon l’OMS, sur un total de plus de 2 millions de cas sur le continent, l’Amérique latine en cumule plus de 675 000.

Tel que le soulevait vendredi dernier le directeur du programme d’urgence sanitaire de l’OMS, Mike Ryan, l’Amérique du Sud est en train de devenir, avec le Brésil en tête, le « nouvel épicentre de la pandémie » en raison de l’augmentation significative des nouveaux cas et des décès dus au Covid-19 : « Nous voyons le nombre de cas augmenter dans de nombreux pays d’Amérique du Sud. Ces pays suscitent beaucoup d’inquiétudes, mais le plus touché actuellement est sans aucun doute le Brésil. » Le Pérou, le Chili et l’Equateur seraient, avec le Brésil, les pays les plus touchés dans la région.

Dans le sud, le Brésil est à la tête du désastre. Avec la politique de négation du virus de Bolsonaro, il y a eu plus de 370 000 infections et 23 000 décès ; c’est l’épicentre latino-américain de la maladie et le troisième pays au monde avec le plus grand nombre de personnes infectées. Mardi 19 mai, le pays s’est confirmé comme l’un des foyers mondiaux de la crise sanitaire, en dépassant pour la première fois le millier de décès par jour.

Le Pérou est un autre des points sensibles de la région. Il a accumulé plus de 120 000 cas et 3 600 décès. Au Chili, le nombre d’infections a fait un bond depuis la semaine dernière et a atteint presque 78 000 cas et plus de 800 décès, selon les chiffres du gouvernement. Ils sont suivis par l’Équateur (plus de 37 000 malades et 3 000 décès), la Colombie (plus de 21 000 infections et 750 décès) ; et la République dominicaine (plus de 15 000 malades et 460 décès). L’Argentine, qui a passé deux mois en confinement, compte plus de 12 000 cas et 470 décès, et la courbe continue de s’accentuer. Au nord, le Mexique compte plus de 71 000 cas et presque 7 700 décès.

L’extension de la pandémie s’accompagne, comme ailleurs, d’un confinement répressif et d’une pression patronale pour reprendre le travail malgré les risques. Cela se combine aussi avec une forte dégradation des services de santé publics. En témoigne les chiffres que publiait RFI, selon lesquels 69 % des personnes qui meurent du Covid-19 dans la région ont plus de 60 ans ; alors que dans des pays comme l’Italie et l’Espagne, les plus de 60 ans représentent 95 % des décès. Cela montre bien que les effets dévastateurs de la pandémie ne sont pas une fatalité mais une question de moyens et de politiques.

L’effondrement du système de santé observé au Chili, au Pérou et au Brésil n’est pas dû à la pandémie elle-même, mais à des années de démantèlement de la santé publique à la suite des politiques néo-libérales et de la politique actuelle de même teneur, menée par les gouvernements locaux au service des intérêts impérialistes dans la région. Cela n’a pas seulement privé la majorité de la population d’accès aux soins, mais a aussi permis aux entreprises de santé privées, aux grandes cliniques, aux laboratoires et aux chaînes pharmaceutiques de continuer à opérer en fonction de leurs propres intérêts, au lieu de mettre ces entreprises au service de la population.

A la précarité des services de santé publique s’ajoute encore un autre risque : la pauvreté qui touche la région (30,2% de la population) à cause du pillage impérialiste et de la dépendance industrielle et financière de ces pays vis-à-vis du reste de puissances, dont témoigne le défaut de paiement récent de l’Argentine. Une grand partie de la main d’oeuvre peu chère et précaire dont ont besoin les multinationales est aujourd’hui non seulement privée d’accès aux soins et à des ressources basiques comme l’eau, mais aussi contrainte de choisir entre mourir de faim ou bien de risquer sa vie et celle de ses proches au travail. Une situation qui avait été rendu visible mi-avril avec les manifestations de la faim en Colombie ou au Panama ; et qui a été encore une fois au devant de la scène avec les récentes émeutes de la faim au Chili. Comme le disaient les manifestants, « si le virus ne nous tue pas, c’est la faim qui va nous tuer »

A cette situation déjà difficile se sont ajoutées les politiques criminelles des différents gouvernements de la région. Que ce soit la politique du gouvernement du président Vizcarra au Pérou consistant à imposer un état de siège répressif mais à laisser aux grandes entreprises la possibilité de poursuivre l’activité. Ou encore la reprise forcée par la pression des États-Unis et le gouvernement mexicain de Lopez Obrador pour reprendre les activités non-essentielles comme l’automobile ou l’aéronautique. Rien qu’aux usines automobiles de Lear à Ciudad Juarez, ce sont 30 ouvriers qui sont décédés à cause du virus.

A cause de la très grande pauvreté qui traverse la région, du démantèlement du système de santé publique et des politiques répressives et pro-patronales, l’Amérique Latine risque sérieusement de tomber dans une catastrophe. Non seulement à cause de la pandémie, qui est gérée dans le sens de prioriser les intérêts des grands groupes capitalistes et de l’impérialisme, mais aussi à cause du fait que ce phénomène se combine avec une crise économique aux proportions historiques, que les gouvernements comptent également faire payer aux travailleurs avec des centaines de milliers de licenciements, de réductions de salaires et d’attaques sur les conditions de travail. La crise politique qui traverse le Brésil, les tentatives des États-Unis de renforcer leur présence dans la région (comme l’a montré la récente tentative de destituer Maduro) ainsi que les luttes ouvrières et populaires que l’on observe dans beaucoup de ces pays comme en Equateur, en Bolivie, au Chili ou en Argentine, sont des tendances qui vont s’accentuer avec la crise sanitaire.


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