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Salvini mime l’affrontement

L’UE rejette le budget italien : bras de fer avec Salvini ou mascarade ?

La Commission européenne a rejeté mardi 23 octobre le budget présenté par le gouvernement italien. C'est une première dans l'histoire de l'Union Européenne. « Personne ne prendra un seul euro des poches des Italiens » a déclaré Matteo Salvini en retour, dans une tentative de se poser en opposant inflexible à l'UE. Derrière les effets de manches budgétaires, ce dernier prépare ni plus ni moins l’application des réformes structurelles dont rêve Bruxelles.

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Le gouvernement italien, une coalition entre la Ligue du Nord d’extrême droite et le Mouvement 5 Étoiles (M5S), a présenté son budget pour l’année 2019. Il prévoyait 35 milliards d’euros de dépenses publiques afin de financer une baisse d’impôts et des investissements pour les entreprises – une politique ô combien compatible avec les intentions bruxelloises -, ainsi qu’un « revenu citoyen » destiné d’abord aux retraités (exclusivement nationaux), mais ouvert aussi aux demandeurs d’emploi, sous condition d’accepter la 3ème offre d’emploi leur étant proposée. Une mesure clairement destinée à faire pression à la baisse sur les salaires.

Mais mardi 23 octobre, la Commission européenne a rejeté ce budget. C’est en effet une de ses prérogatives : elle analyse le projet budgétaire soumis par les États membres afin de s’assurer qu’il respecte les engagements des pays de la zone euro, notamment en termes de dette publique et de déficit. Ainsi, Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques a demandé à l’Italie de réviser son budget qui prévoit un déficit public de 2.4% du PIB contre 0.8% comme s’y étaient engagés le gouvernement antérieur. L’Italie dispose maintenant de trois semaines pour présenter un nouveau budget, sous peine d’ouverture d’une « procédure pour déficit excessif » susceptible d’aboutir à des sanctions financières.

Salvini a immédiatement réagi au rejet, déclarant ne rien vouloir changer à son budget. Mais cette mise en scène de l’opposition entre Bruxelles et Rome a tout de la mascarade. Premièrement, la Commission européenne n’est pas tout à fait en position de force. Elle doit principalement éviter un choc frontal avec Rome qui affolerait les marchés et surtout une sortie de l’euro, absolument inenvisageable. C’est pourquoi Pierre Moscovici rappelait lundi que « la place de l’Italie est au cœur de l’Europe ». En effet, tant économiquement que politiquement, une sortie de l’Italie, un des pays fondateurs du projet d’Union Européenne et la troisième économie de la zone, serait un désastre pour les classes dominantes de tous les pays.

De son côté, Salvini monte en épingle le refus que lui oppose Bruxelles :« personne ne prendra un seul euro des poches des Italiens », a-t-il déclaré en réponse au rejet de son budget. C’est là le discours habituel de l’extrême droite, qui tente d’ériger en ennemi principal l’UE et les migrants face à une imaginaire unicité des « Italiens ». Habilement, la situation lui permet de passer sous silence les réformes qu’il s’apprête à mener avec ce nouveau budget (politique de l’offre et crédits d’impôt aux entreprises, libéralisation du marché du travail et suppression de l’assurance sociale) et qui ne sont autre chose que la prolongation des politiques d’austérité initiées par les gouvernements de centre-droit précédents. Si le budget prévu par Salvini dépasse – et de très peu - les clous imposés par Bruxelles, les politiques économiques qui en découlent lui sont parfaitement fidèles. Autrement dit, Salvini ne compte en rien combattre la précarité et la montée des inégalités qui a porté le discrédit sur les formations politiques « classiques » et l’a mené au pouvoir.
En effet, la base sociale de la Ligue du Nord, c’est avant tout le patronat des régions industrielles du Nord de l’Italie, pour qui sortir de la zone euro signifierait l’asphyxie ; et ce sont ces intérêts-là que la Ligue va s’attacher à défendre, bien loin de ceux des travailleurs et des précaires, italiens comme migrants.

L’autre partie de la coalition au pouvoir, le Mouvement 5 Étoiles, se repose quant à elle sur la petite bourgeoisie déclassée du Sud de l’Italie – les artisans, les commerçants, les paysans, etc. – et sur une partie de la classe ouvrière qui est attirée par le discours pointant les migrants et l’UE comme sources de leur précarité. C’est le M5S qui portait dans son programme les mesures telles que le « revenu citoyen ». Pourtant, ce dernier s’apparente plus au « revenu universel d’activité » brandi par Macron en France, qui prévoit de conditionner les aides sociales sur l’acceptation d’un emploi, quelque en soient les conditions salariales.

Cette (fausse) confrontation avec l’Union Européenne est donc un bon moyen de renforcer conjoncturellement l’alliance entre ces deux mouvements. Alliance qui pourrait à l’avenir se révéler instable en raison de leurs bases sociales aux intérêts contradictoires. Dans l’immédiat, il s’agit pour ce gouvernement réactionnaire de s’assurer le soutien populaire, notamment en vue des élections européennes (pour lesquelles Salvini a récemment rencontré Marine Le Pen), autour d’une politique raciste et nationaliste.

Crédits photos : Mladen ANTONOV / AFP


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