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500 milliards d’euros pour sauver l’économie ?

L’UE trouve un accord pour faire payer la crise aux travailleurs sur fond de rivalités interétatiques

Après plusieurs jours d’achoppement entre l’Italie et les Pays-Bas notamment, les 27 pays membres de l’Union Européenne sont parvenus, jeudi, à un accord concernant la mise en place d’un plan de soutien de 500 milliards d’euros. Derrière l’apparente concorde, pourtant, la rivalité interétatique demeure, dans l’intérêt des marchés financiers.

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Crédit-photo : Photo News

Un accord aux airs de compromis temporaire

Le plan de soutien décidé par les ministres des finances des 27 pays membres achoppait sérieusement autour de l’exigence ferme des Pays-Bas de n’accorder de lignes de crédit d’urgence aux pays touchés par l’épidémie qu’en contrepartie de reformes structurelles. La vieille recette grecque qui a sauvé les marchés financiers en contrepartie des ravages sociaux que l’on connaît, en somme. Quelle est donc la nature de ce fameux accord triomphalement agité par les dirigeants français et allemands ?

Constitué de trois axes principaux, son objectif sera de rediriger les capitaux privés des marchés financiers, sous garantie des puissances publiques, vers les entreprises et les économies les plus touchées par la crise. Le premier volet de l’accord prévoit la mise à contribution de la banque européenne d’investissement (BEI). Cet organisme financier dont les actionnaires sont les Etats membres de l’Union est un outil public au service des capitaux privés et des marchés financiers. Son rôle, assez mineur d’ordinaire, est de servir d’intermédiaire entre les marchés et la sphère industrielle et commerciale. Dans le cadre de cet accord, son ampleur sera simplement étendue et les garanties publiques pour l’investissement privé atteindront 25 milliards d’euros.

Le second volet de l’accord prévoit un mécanisme à peu près similaire mettant à contribution cette fois la commission européenne, chargée elle aussi d’emprunter sur les marchés financiers et de garantir les prêts à hauteur de 25 milliards.

Enfin, et c’était le point le plus épineux, le Mécanisme Européen de Stabilité devrait aussi être mis à contribution. Toutefois, le compromis trouvé entre Italiens et Néerlandais a des airs de combine politique. Si ces derniers ont en effet accepté sur le principe que le MES puisse prêter sans obligation de réforme c’était en contrepartie d’une limitation de ces prêts à 2% du PIB, ce qui représente 36 milliards d’euros dans le cas de l’Italie, autant dire une goutte d’eau dans l’océan des pertes.

Une entente collective pour rassurer les marchés financiers

Que retenir donc de cet accord présenté comme historique par les ministres français et allemand ? La première chose à remarquer à son propos est qu’il s’agit d’une entente minimale. 500 milliards d’euros de garantie représentent en effet, à l’échelle de tout le continent, un montant inférieur à celui annoncé par la seule Allemagne. De plus, tous les fonds viendront des marchés financiers (et non de la banque centrale puisque les traités interdisent une telle opération), le mécanisme aura donc pour objectif de garantir les intérêt des organismes financiers qui prêtent aux Etats, tout en cherchant à les ruiner (en augmentant les taux de ces mêmes prêts). Ces multiples mesures ont pour seul objectif d’ajouter une garantie supplémentaire (après celle de la BCE et de chacun des Etats pris individuellement) aux opérations financières du grand capital sur le sol européen. Présenté comme une petite révolution, cet accord préserve en fait la quasi-intégralité des grands principes du capitalisme façon vieux continent. « L’entorse » consentie par La Haye vis-à-vis du MES est en fait compensée par la limitation drastique de son opérativité. Toutes ces garanties sont dans les faits des opérations de mutualisation des pertes afin de préserver les profits des organismes financiers. Les marchés pourront ainsi prêter aux Etats et aux entreprises en difficulté sans avoir besoin d’augmenter outre mesure les taux puisque les puissances publiques garantiront une partie de leurs investissements. Ajoutons enfin que tout cela reste théorique puisque ces garanties n’interdisent absolument pas l’envolée des taux, le capital privé demeure donc libre de conduire les opérations comme il l’entend.

L’UE en quête d’une rédemption à moindres frais

Les rivalités interétatiques, en ce début de pandémie, et le manque de coopération sanitaire et industrielle à l’échelle européenne n’auront échappé à personne. La Chine et la Russie se sont d’ailleurs engouffrées avec empressement dans la brèche, offrant matériel et soutien logistique et humain à une Italie en état de catastrophe. Cet accord, très plébiscité par Bruno Le Maire, joue donc essentiellement un rôle politique. L’enjeu est de taille en effet. Fragilisée par en haut pas les percées eurosceptiques et le Brexit et par en bas par la lutte des travailleurs, notamment en France, l’UE ne peut se permettre de ne pas agir. Mais cet accord reste une façade. Le temps de faire payer l’addition aux travailleurs viendra et la guerre des dettes aura lieu (les pays du « Nord », Allemagne et Pays-Bas en tête restant farouchement opposés à toute mutualisation de la dette européenne). Ligne que la France garde elle aussi fermement en dépit des effets d’annonce du gouvernement. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter le Gouverneur de la Banque de France, François Velliroy de Galhau, qui dans une tribune publiée dans Le Monde le 8 avril dernier affirmait qu’il « n’y a pas de miracle, nous devrons porter plus longtemps des dettes publiques plus élevées ». La cap politique est donc bien tenu. Toujours selon lui, « le traitement des dettes héritées de la crise supposera un effort budgétaire rigoureux avec des dépenses publiques enfin plus sélectives ». Seule la production de richesses pourra payer un telle dette c’est-à-dire les travailleurs qui subiront des attaques sans précédents. Tous ces remèdes deviennent toujours des poisons dans les mains des gouvernements inféodés aux intérêts du capital. Nulle illusion et nulle unité avec les fossoyeurs de l’intérêt général !


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