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Impérialisme

L’armement et la défense, moteurs de la relance du capitalisme français ?

Le retour des tensions internationales fait de l’industrie de l’armement « un secteur d’avenir » et une pièce clé pour défendre les intérêts nationaux dans le marché mondial, en particulier en ces temps de crise économique.

Pepe Balanyà

14 juillet 2020

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Crédits photo : Jean-Pierre Muller / AFP

La crise économique mondiale est venue frapper l’ordre international issu de la deuxième moitié du XXème siècle qui était déjà affaibli par les conséquences de la Grande Récession de 2008. Le multilatéralisme américain consistant à assurer un profit maximale au capital étasunien tout en laissant une partie du marché à ses alliés/concurrents est déstabilisé par la contraction du marché mondial et la conséquente accentuation de la concurrence entre les différents puissances. Sur ces bases, les dernières années ont été marquées par la ré-émergence du nationalisme, la polarisation du scénario internationale entre la Chine et les USA et des phénomènes de guerre commerciale notamment à l’initiative du gouvernement Trump.

La désorganisation des chaînes de valeur et du commerce mondial et la chute de l’activité économique qui sont allées avec la crise économique liée au Covid-19 n’ont pas changé ces tendances mais les ont accentué et approfondi. En témoignent la sortie des USA de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), les frictions des USA et l’Europe autour de l’OTAN, les chocs entre la Chine et l’Inde dans la frontière himalayenne, l’offensive de la Chine sur Taiwan et Hong Kong, la prise de position des USA vis-à-vis des tentatives d’avancé de la Chine dans la Mer du Sud, les frictions autour de la 5G, la dispute entre l’Egypte et la Turquie par l’intermédiaire de la Lybie, etc. Bref, tout indique que les efforts de différentes classes capitalistes nationales pour se faire une place dans un marché mondiale en contraction (s’assurer des matières premières, technologie de pointe ou des débouchés) vont passer de plus en plus par la force.

C’est ce scénario de tensions internationales et de concurrence économique accrue auquel se prépare aussi la bourgeoisie impérialiste française et que Macron a laissé transparaître lors d’un discours aux armées à la veille de la fête nationale. Comme le relève Le Monde pour Macron« la zone Méditerranée sera le défi des prochaines années tant les facteurs de crise qui s’y conjuguent sont nombreux : contestation des zones maritimes, affrontements entre pays riverains, déstabilisation de la Libye, migrations, trafics, accès aux ressources », et de poursuivre. « L’Europe a à y redéfinir son rôle et sa place, sans naïveté et sans complaisance ». « La Méditerranée ne peut construire une paix durable sans nous, nous ne pouvons accepter que notre avenir soit construit par d’autres puissances ». En effet ce n’est pas la première fois que Macron s’engouffre dans le repli militaire des USA sur l’Europe pour tenter de se placer comme leader de la construction d’une défense européenne pour renforcer le poids des intérêts de la France au sein de l’UE.

Mais le changement de la conjoncture internationale et la montée des tensions géopolitiques s’avèrent être aussi une opportunité économique pour l’industrie militaire française – 3ème fournisseur mondiale après les USA et la Russie – et un facteur de relance pour l’industrie aéronautique et naval en difficulté suite à la crise sanitaire et économique. Malgré tout le discours autour de la reconversion verte, il semble que le domaine militaire va être un des facteurs au centre de la reprise industriel de groupes comme Airbus, Dassault Aviation, Safran, Thalès, MBDA, Nexter ou Naval Group. En effet comme le relève Le Monde, les industriels de la défense veulent tirer profit du plan de relance : « La contre-attaque, pour compenser la probable baisse des exportations [dans le secteur aéronautique et naval] ? Que les commandes des armées prennent le relais, comme l’Etat a montré la voie avec l’achat d’avions ravitailleurs et d’hélicoptères Caracal. ».

Fin mai, les grands groupes de l’aéronautique organisés dans le GIFAS (Groupement des industries français aéronautiques et spatiales) avaient déjà appelé à accélérer les investissements dans la défense et le espace afin de soutenir la relance du secteur. Cependant ce qui il y a deux mois était encore une prise de position, semble aujourd’hui prendre des contours plus concrets. Comme le signale Le Monde en citant le PDG d’un groupe d’armement parlant au nom de tout le secteur : « Dans quelques jours, Benjamin Griveaux, député de Paris et ex-candidat à la Mairie, doit rendre les conclusions de la discrète mission que lui a confiée l’Assemblée nationale : identifier les besoins de la « base industrielle et technologique de défense. Il est urgent de renforcer cet ensemble de capacités concourant aux missions des armées, plaident militaires et patrons. Et d’ « accélérer dès à présent certaines commandes, afin d’améliorer la charge et [d’] affermir certaines tranches conditionnelles pour donner davantage de visibilité ». Et ajoute, il faudra être « très vigilant lors des prochaines échéances budgétaires, et notamment lors de l’actualisation de la loi de programmation » qui pourrait être anticipée « avec les mêmes objectifs ». Pour rappel la loi de programmation militaire (LPM) prévoyait un investissement en défense de 298 milliards d’euros entre 2019 et 2025.

Si les milliards du « quoi qu’il en coute » de Macron n’ont été qu’un bouclier donné au patronat français pour faire face au choc économique mondiale les mesures de relance le préparent pour une arène internationale beaucoup plus frictionnelle.


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