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Sexisme et racisme dans le sport

L’athlète Caster Semenya contrainte à modifier son corps par le Tribunal Arbitral du Sport

La coureuse Caster Semenya a vu sa plainte contre l'Association Internationale des Fédérations d'Athlétisme rejetée mercredi face à la mise en place d'une réglementation du taux de testostérone chez les athlètes féminines qu'elle juge arbitraire et discriminante, et pour cause.

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Mercredi dernier, le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) a statué sur une affaire qui opposait l’athlète sud-africaine du 800m féminin Caster Semenya et l’Association Internationale des fédérations d’athlétisme (IAAF en anglais). L’athlète avait fait recours au TAS afin de contester une législation mis en place par l’Association International en 2018 qui contraint toutes les sportives de haut niveau à réguler le taux de testostérone présent dans leurs organismes sous la barre biologique moyenne, c’est à dire 5 nmol/L (nanomol/Litre).

Cette législation vise directement Caster Semenya et s’ancre dans une affaire datant des championnats du monde de Berlin de 2009 où Semenya est devenue championne du monde du 800 mètres en 1m 55s 45, battant ainsi son propre record personnel. Une performance très remarquée à l’époque, surtout par l’Association Internationale qui s’est empressée de contester son titre en demandant à la championne de se soumettre à des tests de féminité. Les résultats de ces tests ne sont pas connus à ce jour. Seul le diagnostic de l’hyperandrogénie de l’athlète a été rendu public, alimentant ainsi les bruits de couloirs contribuant à son discrédit.

Suite à cela, l’athlète a été interdite de compétition pendant plusieurs années. L’argument phare utilisé par ses détracteurs tourne autour de l’avantage « injuste » (« unfair ») que conférerait la prédisposition naturelle de Semenya, c’est à dire son hyperandrogénie.

Seulement l’argument apparaît comme fallacieux lorsqu’on parle de sport, où un avantage biologique n’est généralement pas considéré comme un élément discriminant. Au contraire, lors des performances de certains athlètes comme, par exemple, le nageur Michael Phelps, à qui aucun reproche n’est fait sur la dimension de ses bras, pieds, la largeur de son torse ou encore sa capacité à produire moins d’acide lactique, ces « avantages biologiques » sont même célébrés. Caster Semenya n’est d’ailleurs pas la seule athlète à qui une interdiction de concourir a été imposée. La sprinteuse indienne Dutee Chand a été suspendu en 2014 pour les mêmes raisons et avait fait elle aussi un recours au TAS qui ne lui a pas apporté gain de cause.

Bernard Amsalem, seul membre du conseil d’administration de l’Association internationale a avoir voté contre l’imposition d’un contrôle hormonal sur les athlètes a déclaré à propose de l’étude scientifique mené par le Dr Stéphane Bermon sur laquelle s’est appuyée l’IAAF :

« Le Dr Bermon nous a présenté des études réalisées dans les compétitions internationales de 2011 et 2013. Il nous dit qu’il y a beaucoup de filles qui sortent de la normalité au niveau de la testostérone, mais encore faut-il se mettre d’accord sur la normalité, qui avant était fixée à 10 et maintenant l’est à la moitié. J’ai voulu savoir si parmi les hommes, on observait les mêmes différences de taux, et on m’a répondu positivement. »

Le problème n’est donc pas dans l’hyperandrogénie mais bien ailleurs. Les multiples tests et modifications physiologiques imposés à Semenya ainsi que le jugement du TAS cette semaine contribuent à une réglementation juridique et médicale stricte conditionnant le corps des femmes. Les juges du TAS n’hésitent pas à déclarer leur jugement comme relevant d’une discrimination acceptable, nécessaire et proportionnée.

Être une femme c’est … ?

Ce que subit Semenya depuis une dizaine d’année maintenant est une constante remise en cause de son genre, de par les tests médicaux l’obligeant à devoir prouver « biologiquement » qu’elle correspond aux normes médicales. En addition de cela , elle doit se battre contre la justice sportive afin de ne pas se voir imposer une altération chimique de son corps pour correspondre aux critères arbitraires qui tente d’imposer une certaine vision de la femme. Le traitement vise à contraindre un être humain en parfaite santé afin de limiter ses capacités physiques sur l’autel d’une égalité des chances fantasmées.

Plusieurs militantes féministes anti-racistes dénoncent le traitement établi sur des clichés sexistes et racistes réservés à cette femme noire car elle ne fait pas partie des normes occidentales de ce que devrait être une femme cisgenre (en accord avec le genre assigné à la naissance). De leur côté, les médias américains comme Fox News n’hésitent pas à provoquer la sportive en la décrivant comme une femme transgenre, ce qu’elle a démenti plusieurs fois.

Le problème est bien la division genrée et le racisme dans le sport qui impose des critères contraignants pour être réellement classé dans la catégorie de femme athlète. Ces critères ne sont qu’une partie émergée de la vision patriarcale qui conditionne les corps des hommes et des femmes selon des normes répressives qui excluent ce qui ne rentre pas dans les cases étriquées.


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