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« Continuité pédagogique » made in Blanquer

L’école à la maison ou l’accentuation des inégalités entre les élèves

Le 12 mars, Emmanuel Macron annonçait la fermeture de tous les établissements scolaires. Pour Blanquer, ministre de l'Education nationale, il faut maintenir « la continuité pédagogique » coûte que coûte. Mais les enseignants alertent sur les inégalités sociales qui risquent grandement d'accroître encore davantage les inégalités scolaires entre les enfant.

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La fermeture de tous les établissements scolaires est un phénomène sans précédent dans l’histoire de l’Education nationale. Pour Blanquer, les cours doivent continuer avec l’objectif de l’élévation du niveau général des élèves et cela même dans l’impréparation la plus totale et les dysfonctionnements en tous genres. Cette fermeture sera longue. Le Ministre, dans une interview du Parisien, annonçait que « le scenario privilégié est un retour en classe après les dernières vacances de printemps, le 4 mai ».

Non, l’école n’est pas prête pour la « continuité pédagogique » made in Blanquer

D’abord en cette période de crise sanitaire qui s’accentue, il est fort probable que chacun connaisse un membre de son entourage atteint par le virus, voire qui décède. Dans ces conditions, il n’est pas possible humainement et émotionnellement pour les enseignants, parents et enfants d’assurer normalement le suivi scolaire et de parler de « continuité pédagogique » en période de confinement. C’est un stress pour les enfants qui entendent continuellement dans les médias le nombre croissant des victimes du virus ; mais aussi de rester enfermés chez eux dans des appartements petits pour les plus précaires.

Bien que Blanquer ne pense que par la performance, en cette période, c’est surtout de bienveillance dont nous avons besoin et non de la course à celui ou celle qui donnera un maximum de cours à ses élèves où à l’élève qui réussira à rendre tous ses devoirs.

Beaucoup de familles témoignent de la surcharge de travail donné à leur enfant lorsque les enseignants eux, répondent à l’injonction du ministère de remplir leurs obligations professionnelles et montrer qu’ils sont bien au travail, même avec l’angoisse du virus !

Tout cela n’est pas la préoccupation première de ce gouvernement qui n’hésite à laisser les entreprises qui ne relèvent pas de première nécessité à obliger les travailleurs à se rendre sur leur lieu de travail pour produire. Ce n’est pas non plus la motivation première de Blanquer que de veiller au bien-être du personnel de l’éducation et des enfants. Sa seule motivation est de voir des enseignants productifs.

Dès l’annonce de la fermeture des établissements scolaires, le ministre de l’Education nationale déclarait que tout était prêt pour l’école à distance via les applications « ma classe à la maison » ou le CNED. Force est de constater que pourtant le lundi 16 mars, premier jour de « la continuité pédagogique », toutes les plateformes de l’Education nationales saturées révélaient bien que les « espaces numériques de travail » (ENT) sont loin d’être adaptées à autant de connexions en simultané.
Les enseignants ont donc trouvé des solutions de substitution : faire des cours en vidéo-conférence, créer des groupes par mail, par whatsapp, instagram, facebook ou encore des blogs ! Allant souvent jusqu’à donner leurs coordonnées personnelles pour garder le lien. Non pas pour satisfaire les injonctions des inspecteurs de l’éducation nationale ou des recteurs d’académie mais pour leurs élèves.

Encore plus confiné à la maison : la réalité de l’école à deux vitesses !

Blanquer martelait qu’aucun enfant ne serait laissé au « bord de la route ». Et pourtant très vite, le problème de l’école à distance via le numérique a mis en lumière les inégalités, déjà très fortes entre les élèves, renforcées par les réformes successives des gouvernements qui n’ont eu de cesse de mener des politiques de détérioration des conditions de travail et d’études. Dans l’immédiat, en fonction de la catégorie sociale à laquelle appartient l’enfant, l’accès au numérique et à la connaissance n’est pas le même. En effet, tous les parents n’ont pas les mêmes moyens ou la capacité de pouvoir assurer ce suivi. La crainte des enseignants est de voir s’accentuer les inégalités au sein de l’école et entre les quartiers.

On imagine clairement une première catégorie d’élèves accompagnés par les membres de leur famille dont l’avenir est tout tracé. Pour eux, avec le confinement, le changement sera faible. Les nouvelles ressources mises à leur disposition par l’Éducation nationale s’ajouteront à celles qu’ils utilisent déjà.
A l’autre extrémité, dans les quartiers populaires, tous les enfants n’ont pas une connexion à internet ou un ordinateur à disposition et sont souvent livrés à eux-mêmes. L’école à la maison isole encore plus ceux et celles qui n’arrivaient déjà pas à trouver leur place dans le système scolaire et qui rencontre de grandes difficultés.

Parmi les élèves en difficulté face à un tel enseignement, on pense aussi à tous les dispositifs particuliers comme les dispositifs d’élèves handicapés (ULIS) ou SEGPA ou encore les élèves allophones (UPE2A). Comment prendre en compte chaque besoin particulier qui nécessité un suivi personnalisé, individuel ?
Selon les études PISA, la France est l’un des pays où l’écart entre les résultats des élèves selon leur milieu socio-économique est le plus important. On ne réussit pas de la même façon selon l’origine sociale. Les travaux du sociologue Pierre Bourdieu ont mis en lumière « la reproduction » sociale faisant le constat d’une corrélation entre l’origine sociale d’une part et l’orientation scolaire d’autre part, et montrent que l’école joue un rôle de légitimation et de reproduction des inégalités sociales. L’école reproduit le modèle culturel des catégories sociales favorisées qu’il légitime et elle sélectionne ceux qui sont capables de se l’approprier et rejette les enfants des classes populaires qui échouent à en assimiler les codes.

Selon Blanquer, Pierre Bourdieu a enfermé les élèves des quartiers populaires en statut de victimes, les persuadant qu’ils ne peuvent réussir. Comment Blanquer explique-t-il encore une fois, que les difficultés de l’accès à « l’école à la maison » viennent des familles les plus précaires ? En réalité, Blanquer est lui même le premier artisan de la casse de l’Education nationale qui favorise l’école à deux vitesses.

Il est aussi un ministre d’un gouvernement libéral qui ne cherche que la rentabilité au service du patronat. C’est bien pour cela qu’il martèle sans cesse que les enseignants doivent produire des cours, des supports et continuer à évaluer. Mais les enseignants ont conscience que la pédagogie ce n’est pas produire en quantité. L’émancipation de tous et toutes devrait être le cœur du travail d’enseignant.

La période ouvre des questionnements, avec le confinement, les inégalités inhérentes de la société entière éclatent au grand jour. Pour les enseignants comme pour les élèves et l’ensemble de la société, la situation de crise que nous traversons force à penser quelle école nous voulons et dans quelle société nous la voulons !

Les personnels soignants le disent : si aujourd’hui ils sont en première ligne dans les hôpitaux pour soigner les malades, alors qu’ils manquent de tout après les politiques d’austérité, demain, ils reprendront la grève pour un service public de qualité.

Si aujourd’hui, la situation accentue les inégalités entre les élèves, elle ne freine pas Blanquer dans ses mesures de dégradation des conditions de travail et d’études, voire elle lui permet d’en avancer certaines. Alors aujourd’hui nous les profs nous restons chez nous, tentant vainement de continuer à maintenir quelques apprentissages à distance mais pour tous ces élèves au bord de la route, pour tous ceux qui n’aimaient déjà pas l’école et qui avaient déjà le sentiment de ne pas s’en sortir et qui sont désormais démunis face à cette « continuité pédagogique » made in Blanquer, pour eux il est certain que demain nous devrons exiger, nous aussi, un service public de qualité, une éducation publique épanouissante pour toutes et tous.


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