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Zoom sur les « solutions » du gouvernement

L’hypocrisie du « plan » Macron contre les violences faites aux femmes

Suite à l’affaire Harvey Weinstein, qui a entraîné le phénomène #MeToo et #BalanceTonPorc, et dans le contexte de la journée internationale contre les violences faites aux femmes, le gouvernement a été contraint de formuler une réponse à la vague de témoignages qui a déferlé ces dernières semaines.

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Samedi dernier, derrière une petite pancarte « Grande cause du quinquennat pour l’égalité femmes-hommes », Emmanuel Macron a détaillé une série de mesures pour lutter contre les violences sexistes. Le président a expliqué pendant un long moment que cette lutte a toujours été prioritaire depuis la présentation de sa candidature à l’élection présidentielle… drôle de vision de la part de quelqu’un qui, à peine élu, n’a tenu aucune de ses promesses en la matière, et avait rétrogradé le ministère de droits des femmes au rang de secrétariat d’Etat, et qui avait nommé ministre Gérald Darmanin, soutien actif de la Manif Pour Tous, opposant à « la théorie du genre ». Il a également affirmé être contre une société tombant « dans un quotidien de la délation »… étrange façon d’encourager les femmes à dénoncer leurs harceleurs ! Quant aux mesures présentées par le gouvernement … une vaste poudre de perlimpinpin !

Augmentation du budget de … 0,6%

Le président de la République a annoncé la création, dès 2018, d’« unités spécialisées » dans la prise en charge « psychotraumatique » des femmes victimes de violences dans les centres hospitaliers, matérialisées par la création de 10 unités « à titre pilote » dans les « mois qui viennent », ainsi que la possibilité de porter plainte dans les lieux de prises en charge, y compris les hôpitaux. En réaction, la CGT de l’université Paul-Valéry de Montpellier a interpellé le président par un tweet :« Et comment faire sans médecin aussi ? À l’UM3, nous avons un médecin à 50%. Un médecin à temps plein, ça coûte soi-disant cher, selon la direction. » Et cela ne va pas aller en s’améliorant : le gouvernement annonçait il y a quelques semaines qu’il allait « économiser » 4,2 milliards d’euros dans le domaine de la santé. De même, le président a plaidé pour la mise en place d’un « module d’enseignement » à l’école consacré « à la prévention et à la lutte contre le sexisme, le harcèlement et les violences », mais le problème du financement est le même.

Car, pour financer ces mesures, le chef d’Etat a promis une sanctuarisation du budget consacré au secrétariat d’Etat pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Sous cette belle promesse, la réalité est quelque peu différente : le budget passerait de 29,81 millions d’euros l’an dernier, à 30 millions en 2018, soit une augmentation de 0,6%. Enveloppe qui de plus ne représente que 0,006% du budget global de l’Etat. Le gouvernement qui proclame la lutte contre le sexisme comme « la grande cause du quinquennat » s’est par ailleurs ravisé car il avait prévu de le diminuer de 25% en juillet dernier, à 22 millions. Quand on voit que le gouvernement a augmenté en septembre dernier de 1,6 milliards d’euros le budget de la défense, on comprend mieux quelles sont ses priorités.

Quand bien même les dix fameuses unités spécialisées dont les modalités n’ont pas été détaillées seraient mises en place, il n’est pas difficile d’imaginer qu’à échelle nationale le chiffre de dix serait complètement insuffisant. De plus, la logique qui en découle, essentiellement défensive et très peu préventive n’est en aucun cas une réponse à l’urgence de la situation dans laquelle se trouvent les femmes et les personnes LGBTI victimes de harcèlement. Un effet d’annonce, donc, qui peine à convaincre et qui ne donnera probablement pas grand-chose.

Police sexiste, justice patriarcale

Le chef de l’Etat a également annoncé la création d’un « délit d’outrage sexiste » punissant le harcèlement de rue, le rendant « verbalisable immédiatement pour un montant dissuasif ». Comme l’a souligné il y a quelques jours une tribune publiée dans Libération [1] signée par des féministes et chercheurs en violence de genre, cette mesure va se traduire par de plus grandes marges de manœuvre pour une police qui réprime impunément les jeunes des quartiers populaires, cette même police qui violait Théo en février dernier : « on sait que les jeunes hommes des classes populaires et racisées subissent déjà, plus que d’autres, le contrôle policier et les violences des forces de l’ordre. On peut donc légitimement craindre que cette nouvelle infraction viendra renforcer cet état de fait […] et servira à désigner quelles formes de sexisme sont illégitimes, et donc à maintenir dans l’ombre celles qui, commises dans les beaux quartiers et les grandes entreprises, restent légitimes et irrépréhensibles. » Comme le rappellent les nombreux témoignages de femmes et personnes LGBTI qui ont subi des violences sexistes par la police, ou qui se sont fait menacer de viol pendant leur garde à vue [2], nous n’avons absolument rien à attendre de cette police raciste, sexiste, transphobe, qui agit au service d’un système patriarcal.

De plus, le délai de prescription des crimes sexuels sur les mineurs passera de 20 ans actuellement, à 30 ans et le gouvernement prévoit l’alignement de l’âge du consentement sur celui de la majorité sexuelle, à 15 ans. Augmenter l’âge du consentement dévie le principal problème qui est celui de la notion même du consentement, notion qui reste juridiquement encore très floue, et qui doit être enseignée aux enfants dès le plus jeune âge. Et plus largement, c’est également la notion de ce que la justice considère comme du viol qu’il faudrait mettre en lumière. Car en France, si plus de 200 femmes sont violées par jour en France, seulement entre 5 et 10% des victimes de viol portent plaintes, et seulement 1 à 2% des viols aboutissent à une condamnation des auteurs en cour d’assises. Si peu de femmes portent plainte, c’est souvent parce que nous n’avons pas confiance en cette justice qui ne se place pas du côté des victimes, et qui individualise le problème en punissant quelques « porcs ». Ce n’est que par une mobilisation collective et massive des femmes et personnes LGBTI, pointant le caractère structurel de l’oppression qu’elles subissent que ce problème pourra être résolu.

[1]http://www.liberation.fr/debats/2017/09/26/contre-la-penalisation-du-harcelement-de-rue_1599121

[2]http://www.revolutionpermanente.fr/Menacees-de-viol-pendant-leur-garde-a-vue-Le-harcelement-c-est-aussi-dans-les-commissariats

Femmes précaires, femmes victimes

Lors de son discours, Emmanuel Macron n’a pas dit un mot sur l’égalité salariale, ce qui est alarmant quand on sait qu’en moyenne une femme touche un salaire plus faible de 15,8% qu’un homme. Il a simplement affirmé que le harcèlement au travail serait désormais une priorité de l’inspection du travail, sans donner aucun détail, alors même que le gouvernement prévoit la suppression de postes dans la fonction publique, secteur où les femmes sont très présentes. Mais surtout, toute cette soi-disant lutte contre les violences faites aux femmes n’est qu’hypocrisie au regard de la série de réformes qu’a mise en place le gouvernement depuis son élection qui va toucher en premier lieu les personnes les plus précarisées : les femmes et les personnes LGBTI. La loi travail XXL passée par ordonnances supprimant par exemple la hiérarchie des normes induira que toute une série de droits, comme les congés enfants malades pris en majorité par les femmes, ou encore l’allongement du congé maternité et le maintient de leur rémunération à 100% disparaissent. De même, la disparition du CHST, instance permettant de poursuivre en justice l’employeur, réduira les capacités des travailleuses pour s’organiser face à leur patron. Plus généralement, la destruction du code du travail touchera en premier lieu les femmes et personnes LGBTI car ce sont déjà elles les plus précaires.

Au summum de l’hypocrisie, le président a fait la promesse pour les femmes françaises qui subissent l’excision « de traquer partout ceux pratiquant cette barbarie » et a souhaité porter « une attention toute particulière pour les femmes migrantes qui fuient leur pays car elles cherchent aussi à fuir l’excision pour elles-mêmes et leurs petites filles ». Mais c’est ce même gouvernement qui ferme ses frontières, qui expulse et refuse les papiers aux femmes migrantes. L’année 2017 fut la plus meurtrière pour les milliers de migrants qui tentent de rejoindre l’Europe, sur les six premiers mois de l’année près de 2072 personnes sont décédées durant la traversée. Et c’est aussi ce même Etat français qui ne cesse de mener des politiques impérialistes obligeant les familles à fuir leur pays.

« Une altérité entre les sexes » : binarité et hétéronormativité

Enfin, Macron a affirmé croire profondément en une « altérité entre les sexes », refusant de « nier la différence » ente les hommes et les femmes. Cette vision binaire du genre participe à l’oppression que subissent les personnes LGBTI, considérant la « femme » comme un mythe nourri de fantasmes. Cette distinction entraîne une vision hétéronormée de la sexualité, et suppose les sexes naturellement opposés, s’opposant à la vision d’une construction sociale qui nous met en réalité dans une case ou dans l’autre. C’est précisément cette vision que revendique le chef de l’Etat qui alimente les normes et les dominations sociales, et d’autant plus de violences de genre.

En bref, Macron et son gouvernement, tentant de se refaire une santé médiatique grâce au mouvement féministe, ne proposent finalement que des mesures superficielles qui ne seront vraiment certainement pas à la hauteur de l’enjeu, tout en précarisant encore et toujours les premiers touchés par ses réformes économiques, les femmes et les minorités de genre et organisant les autres violences sociales qu’ils et elles subiront dans notre société. Il mène donc un double-jeu qui peine à convaincre de toutes les illusions qu’il souhaiterait semer, en passant soigneusement sous silence toute sa responsabilité dans l’organisation de ces violences.

Le 25 novembre, journée internationale contre les violences faites aux femmes, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues partout dans le monde. Pour pouvoir combattre définitivement ces violences, n’ayons aucune illusion sur notre gouvernement ; femmes travailleuses, migrantes, personnes non-binaires et personnes LGBTI doivent prendre en charge des revendications qui exigent un changement radical de société, seule façon de réellement briser nos chaînes.


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