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Un simple prétexte politicien ?

LO et les arrêtés anti-burkini. Une dénonciation… à demi

Depuis plusieurs jours, tout un matraquage médiatique autour du burkini est mis en place pour diviser les rangs des travailleurs entre les "musulmans" d'un côté et les "blancs" de l'autre. Sur les réseaux sociaux, l'indignation monte face à cette vague islamophobe. Et si Lutte Ouvrière dénonce les arrêtés anti-burkini, elle passe sous silence l’essentiel : la politique raciste du gouvernement et le soutien que celui-ci apporte aux arrêtés islamophobes des maires d’une trentaine de communes du littoral. Pourtant, défendre l'unité de notre classe afin de la préparer aux attaques à venir, implique de faire de la lutte contre le racisme d'Etat une tâche stratégique. G.Gorritx

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Dans l’édito du 25 août d’un journal qui compte 12 pages, on ne trouve que quelque ligne sur les arrêtés anti-burkini et anti-voile. Mais quand on lit ces lignes, on se dit qu’il aurait mieux valu ne rien écrire.

Dès le titre de l’édito, « Quand les politiciens ont besoin d’un burkini pour cacher leur impuissance », on sent déjà l’idée selon laquelle la question raciste, islamophobe, coloniale, est en fait une polémique agitée seulement en guise de leurre, pour cacher les « vraies » questions, comme la loi Travail par exemple. Que la polarisation idéologique autour de ces questions soit instrumentalisée par les politiciens de droite comme de gauche, à commencer par le gouvernement, c’est un fait. Et si tout cela sert, en effet, à masquer d’autres problèmes, qu’il s’agisse du chômage, de la précarité ou des salaires, le racisme de l’Etat français a bien d’autres fonction dont la principale est de tailler des brèches dans nos rangs pour nous affaiblir. Ainsi, bien que LO s’en plaigne, le burkini est devenu "la grande question du moment", sur laquelle les militants du mouvement ouvrier, à commencer par celles et ceux d’extrême gauche, doivent avoir une position claire en opposition frontale à celle d’un Etat dont la laïcité (à géométrie variable) sert, depuis maintenant vingt-cinq ans et plus encore depuis 2001 et 2004, à stigmatiser des pans entiers des classes populaires, racisées dans les discours et les pratiques de l’Etat, discriminées au travail et dans l’accès au logement .

Voyons la position de l’organisation de Nathalie Arthaud, dans le paragraphe qui s’y réfère le plus clairement : « le burkini, souligne l’édito, est, comme le voile, le signe d’une soumission imposée aux femmes, en vertu de prétextes religieux qui voudraient qu’elles se couvrent en toutes circonstances sauf devant leur mari, seigneur et maître. Cela fait partie des comportements et des préjugés à combattre, bien plus chez les hommes que chez les femmes, mais cela ne se résout pas à coups d’interdictions sur les plages. Sauf que justement, les droits des femmes ne sont le problème ni de ces maires ni de Valls ». Le voile fait partie des « comportements à combattre » ? Mais pas « à coup d’interdictions sur les plages ». Lutte Ouvrière voudrait peut-être combattre ces « comportements » à la place de l’Etat ? Sur ce point, l’édito ne va pas au bout de l’explication. En tout cas, il fallait oser la formulation ! Qu’en tant que militants marxistes du mouvement ouvrier nous combattions pour convaincre les jeunes et les travailleurs de la justesse d’une lecture matérialiste de la réalité et de l’histoire est une chose. Le voile, comme toute pratique religieuse ou culturelle, ne se combat pas comme l’on combat l’Etat. Pour une organisation révolutionnaire, toute critique des institutions religieuses devrait être conditionnée avant tout à une prise de position claire et nette contre la vague d’islamophobie et les arrêtés racistes, et le soutien total aux victimes de racisme, pour l’unité solide de nos rangs. Or, pour LO, c’est l’inverse. Il s’agit d’abord d’affirmer sa critique franche et nette du voile et du burkini comme comportement à combattre et instrument de la « soumission imposée aux femmes », avant de pouvoir critiquer le gouvernement.

D’autant plus que la réalité du voile est plus complexe que le simple instrument de soumission des hommes musulmans sur leur femme. Etant donné la politique française envers les populations racisées et les quartiers populaires, une partie peut au contraire considérer le voile l’islam en général ou des éléments fragmentés de pratiques culturelles et religieuses tel que le Ramadan, etc., comme des pratiques d’insoumission. On peut le regretter, car une pratique culturelle ou religieuse, même lorsqu’elle n’est pas, en l’occurrence, directement corrélée aux fractions les plus obscurantistes des courants islamistes, n’est jamais qu’une contestation partielle de l’ordre établi. Mais cette situation est liée également au fait que le mouvement ouvrier organisé et l’extrême gauche en particulier a reflué dans sa présence territoriale, dans les quartiers et auprès des populations racisées. Et depuis la révolte des banlieues de 2005, dont LO s’était largement démarqué, en la qualifiant de « violence stérile » de jeunes « n’ayant pas une grande conscience », voire de mouvement de « caïds et de barbus », la situation ne s’est guère améliorée. L’édito poursuit avec une critique de la politique coloniale de la France à l’extérieur, qui multiplie les guerres. On se demande donc pourquoi il est si difficile à LO de critiquer la face intérieure de cette même politique impérialiste. La construction d’un ennemi intérieur, musulman, immigré, arabe, qui, en dernière instance, sert de justification aux interventions impérialistes d’une part, et au renforcement d’un Etat fort et de ses traits bonapartistes de l’autre, est essentielle à cette même politique impérialiste et doit être combattue. Vient enfin, pendant la plus grande partie de l’éditorial, un réquisitoire contre les candidats qui veulent avec le burkini cacher leur « manque d’idées ». Mais les candidats ont malheureusement beaucoup d’idées, elles sont seulement contre notre classe sociale, ainsi que sa partie musulmane d’ailleurs. L’exemple de Sarkozy et de son dernier torchon est parlant. Au contraire de cette position, nous devons avant tout nous montrer solidaires contre toute imposition et amalgame fait par l’Etat, en combattant pied à pied l’islamophobie, sans ambiguïté aucune. C’est dans ce cadre, dans le même camp, et à partir d’une telle position, que nous pourrons polémiquer avec les religions et leurs relais au sein du mouvement ouvrier, de la jeunesse et des quartiers.

Pour préparer les combats de la rentrée, auxquels devra participer l’ensemble de notre camp social, à commencer par la jeunesse racisée et les secteurs les plus précaires des quartiers, il faut que le mouvement ouvrier, et en premiers lieux l’extrême gauche, défende l’ensemble de notre classe contre les abus de pouvoir de l’Etat, contre l’islamophobie et le racisme institutionnalisé, contre les violences policières, pour un programme visant à répondre aux questions de chômage, précarité et logement qui touchent plus particulièrement les populations racisées et ghettoïsées. C’est sur cette base, en combattant à tous les niveaux, électoraux, juridiques mais également et surtout dans les entreprises et les quartiers, que les militants du mouvement ouvrier pourront regagner du terrain et ne pas laisser à des associations ou des courants soi-disant anti-islamophobes tels que le CCIF, qui sont en réalité des faux-nez pour des courants réactionnaires et rétrogrades, le monopole du combat contre le racisme.


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