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Échange macabre

La Cour suprême d’Israël veut légaliser la non-restitution des corps palestiniens

La Cour suprême d’Israël a jugé illégale la détention des dépouilles de résistants palestiniens. Mais ce n’est pas à sa condamnation qu’elle travaille, mais bien à la légalisation de cette pratique aussi courante que décriée, afin de bloquer par la loi les recours que pourraient faire les familles des victimes.

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Crédits photo : AA/ Ramallah

« L’Etat d’Israël, en tant qu’Etat de droit, ne peut pas conserver de dépouille dans le but de négocier, alors qu’aucune loi spécifique et explicite ne l’y autorise »

Saisie il y a plusieurs mois de ça par les familles de neuf Palestiniens, voilà ce qu’a conclu la justice israélienne ce vendredi 15 décembre après avoir délibéré sur cette pratique de « négociation » consistant à garder les dépouilles de Palestiniens auteurs d’attaques pour faire pression sur l’ensemble de ce peuple.

A une époque, l’armée israélienne laissait les cadavres de palestiniens massacrés derrière elle en guise de mise en garde. Maintenant, ils veulent garder les corps afin que les familles ne puissent pas faire leur deuil et organiser les rituels mortuaires. Le Comité des Nations unies contre la torture (CAT) dans un rapport de juin 2016 dénonçait cela comme pouvant s’apparenter à de la torture et recommandait à l’État hébreu de restituer les dépouilles de Palestiniens qu’il conserve « dès que possible », en l’enjoignant à éviter que des « situations similaires ne se répètent à l’avenir ».

Les morts servent ainsi de monnaie d’échange contre d’autres morts ou otages entre les deux camps. En 2016, le gouvernement israélien avait annoncé qu’il ne restituerait plus les dépouilles des Palestiniens à leur famille tant que celle de deux gradés de l’armée ne leur serait pas remis par le Hamas, qui n’a jamais confirmé leur mort.

Le 5 novembre, Benjamin Netanyahou annonçait que l’armée avait récupéré 5 corps de Palestiniens après avoir fait explosé un tunnel le 30 octobre. À nouveau, une occasion pour le premier ministre de réitérer ce chantage sordide : les cinq corps contre les deux supposées dépouilles de soldats. Le sort des soldats israéliens qui ne sont pas rentrés du combat peut prendre des allures de cause nationale, ce qui fait d’un soldat israélien, mort ou vivant, une monnaie d’échange précieuse pour les ennemis de l’État israélien comme le Hamas. En 2011, le gouvernement israélien avait libéré plus d’un millier de prisonniers palestiniens contre un soldat israélien détenu par le Hamas. Cela a été vécu comme une humiliation par l’état israélien qui a été obligé de négocier avec le Hamas qu’il ne reconnaît pas et qu’il considère comme terroriste.

Alors, loin de toute condamnation, la Cour suprême a sommé le gouvernement de légaliser cette pratique dans un délai de six mois. Le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman s’est empressé d’assurer la proche promulgation d’un texte de loi, suivi par les ministres de la Justice, Ayelet Shaked et de l’Education, Naftali Bennett, tous deux memebre du Foyer juif, parti ultranationaliste, fervent partisan de la colonisation des territoires palestiniens.

Quant au premier ministre Benjamin Netanyahou, il s’est exprimé en ces termes :

« Il ne faut pas offrir de cadeaux gratuitement au Hamas. Je réunirai [le 17 décembre] les ministres et le conseiller juridique du gouvernement pour une consultation spéciale afin de trouver une solution concrète et légale pour continuer à exercer des pressions sur le Hamas. »

Les cadavres des victimes du colonialisme barbare israélien seraient donc des « cadeaux » pour leurs familles qui ne peuvent ni pleurer ni inhumer leurs morts alors même que l’État israélien n’a de cesse de s’acharner aussi bien matériellement que moralement sur le peuple palestinien. Tant que cela est dans la loi. En dernière instance, cette légalisation permettra de diminuer les possibilités de recours devant la justice de la part des Palestiniens.


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