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Etats-Unis : Début de la fin de l’argent pas cher ?

La FED remonte ses taux, Wall Street suit

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Romain Baron

Toute la presse présente le fait comme « historique » : la Réserve fédérale américaine a relevé mercredi ses taux d’intérêt pour la première fois depuis juin 2006. Pendant près de 10 ans, la FED les avait maintenu à un niveau quasi-nul afin de stimuler une économie au bord de la banqueroute suite à la crise financière de 2007-2009. En septembre dernier encore, alors que des inquiétudes liées à la crise chinoise planaient, des désaccords l’avait amenée à maintenir le statu quo. Cette fois, comme la plupart des analystes l’anticipaient, la relève est effective, reposant avant tout sur une confiance retrouvée dans l’économie américaine. C’est à la hausse que Wall Street a accueilli la nouvelle ce mercredi matin, jugeant comme déjà conquise une normalisation monétaire et plus largement économique qui, pourtant, reste une grande illusion face à la persistance d’une profonde crise structurelle à l’échelle internationale dont l’épicentre actuel se situe dans les pays émergents (BRICS).

La « confiance » retrouvée dans l’économie américaine

Cette décision exprime une reprise de la confiance envers une économie américaine qui aurait réussi à stabiliser son taux de chômage officiel à 5% (la réalité étant tout autre), et verrait repartir la consommation des ménages et les investissements des entreprises. « Le comité juge qu’il y a eu cette année une amélioration considérable des conditions du marché du travail et il est raisonnablement confiant dans le fait que l’inflation progressera à moyen terme vers son objectif de 2% », a déclaré le comité de politique monétaire de la Fed. Janet Yellen quant à elle, présidente de la FED et ancienne conseillère économique de Clinton, estime que si cette hausse reste minime, elle « marque la fin d’une période exceptionnelle de sept ans pendant laquelle les taux ont été maintenus proches de zéro pour soutenir la reprise de l’économie après la pire crise financière depuis la Grande Dépression » (des années 1930).

Le principal taux directeur concerné par cette hausse est celui de refinancement auquel les banques et institutions financières empruntent auprès de la Fed. Sa première conséquence est l’augmentation du prix des crédits pour les ménages, ce qui peut avoir un impact négatif sur des secteurs importants comme l’immobilier et l’automobile. En général lorsque le taux baisse, la demande de crédit est stimulée, alors qu’à l’inverse s’il augmente, soit la demande de crédit s’accélère avant que les taux n’augmentent plus encore, soit la demande diminue. Même si, en même temps, l’augmentation des taux permet d’encourager l’épargne, voire de susciter l’afflux de capitaux étrangers en mal de placements rentables, une telle décision peut contribuer à ralentir l’économie. Cette hausse est censée contribuer à la normalisation du marché monétaire, et est présenté comme un premier signal d’une nouvelle ère : marque d’optimisme, assurément, Yellen invitant les américains « à réaliser que la décision de la Fed reflète notre confiance dans l’économie américaine ».

Un optimisme tempéré

Mais un optimisme très tempéré : « Il ne faut pas surestimer la signification de cette première hausse », a également précisé Yellen, l’objectif étant d’« éviter… une situation où on aurait attendu trop longtemps au point de nécessiter de resserrer les taux de façon brutale ce qui pourrait couper court à ce qui, j’espère, sera une croissance durable ».

D’une part toute hausse excessive renchérirait d’autant le dollar, ce qui pénaliserait les exportations américaines (et les productions libellées en dollars en général), et en revanche favoriserait les importations (le dollar s’étant déjà renforcé par rapport à l’euro, une telle « pénalisation » est déjà à l’ordre du jour, l’enjeu étant de s’assurer que celle-ci soit compensée par la demande intérieure). D’autre part, la comité de la FED a clairement indiqué que cette hausse de taux reste une première étape d’un resserrement qui sera très « progressif » de sa politique monétaire, et que tout nouveau relèvement ultérieur serait conditionné à l’évolution de l’inflation, et plus largement à la stabilisation de la croissance (prévision de +2,3% pour 2016). Enfin cette hausse minimale consiste à passer d’un taux zéro à la fourchette 0,25%-0,50%, ce qui continue de refléter la profondeur d’une crise structurelle toujours aussi forte, même si son épicentre actuel se situe dans les pays émergents.

Mais un signal subjectivement offensif et potentiellement déstabilisateur

En résumé, un signal prudent de la FED, mais un signal « subjectivement » offensif quand même, tablant sur la solidité interne du marché américain, et qui ne sera pas sans provoquer des remous à l’international. Ce volontarisme, qui n’a encore que très peu de facteurs objectifs pour étayer l’idée d’une véritable reprise (l’actuelle pourrait n’être que conjoncturelle), et dont certains financiers jugent qu’il n’est pas sans risque et pourrait présumer d’une santé encore bien fragile de l’économie américaine, s’écarte en effet nettement des politiques d’autres banques centrales (BCE, Japon) qui elles continuent de maintenir des taux planchers pour soutenir les entreprises. Enfin, sonnant la fin de « l’argent pas cher », cette décision pourrait contribuer à déstabiliser encore plus les économies des pays émergents qui eux, subissent actuellement la crise de plein fouet (Amérique Latine, notamment Brésil, Chine), occasionnant une nouvelle fois des fuites croissantes de leurs capitaux vers un dollar plus rémunérateur.


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