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Justice patriarcale

La créatrice de #BalanceTonPorc poursuivie pour diffamation par l’homme qu’elle a accusé

La journaliste Sandra Muller, créatrice du mot-clé viral #BalanceTonPorc, sera jugée ce mercredi pour avoir brisé le silence autour des propos sexistes d’Eric Brion, ancien directeur général de la chaîne de télévision Equidia.

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Dans le sillon du mouvement #MeToo qui a éclaté avec le scandale de l’affaire Weinstein, le hashtag #Balancetonporc apparaît pour la première fois sur Twitter avec un tweet de la journaliste Sandra Muller qui dénonce les propos de l’ancien directeur général de la chaîne de télévision Equidia, Eric Brion. Un tweet devenu rapidement viral, qui déclenche une série de dénonciations d’agressions et de harcèlement sexuel, mettant en évidence l’ampleur et le caractère structurel des violences sexistes.

De son côté, Eric Brion n’a jamais nié les faits, déclarant un mois après la publication du tweet, dans le journal Le Monde,« réitérer ses excuses » à Sandra Muller et reconnaissant avoir « tenu des propos déplacés ». Mais peu après, Brion décide de l’attaquer en justice pour diffamation et réclame 50 000 euros de dommages d’intérêts ainsi que 15 000 euros de frais de justice et la suppression du tweet divulguant son nom. « C’est de la délation. A aucun moment il n’a la possibilité de se défendre, il est cloué au pilori » a ainsi déclaré son avocat pour justifier les poursuites. « Il a été détruit, c’est la victime expiatoire. »

Sandra Muller et ses avocats établissent un parallèle entre ce procès et l’affaire Baupin. Cet ancien député d’EELV avait fait l’objet d’une enquête pour agression et harcèlement sexuel, suite aux témoignages de nombreuses femmes avec qui il avait travaillé. A l’issue de cette enquête classée sans-suites pour prescription, il avait retourné l’offensive contre ses victimes en les poursuivant pour diffamation.

En réalité, ce schéma de défense, où un homme accusé de violences sexistes retourne l’accusation et se fait passer pour la victime, au travers de poursuites pour calomnie ou diffamation, est extrêmement courant. Une stratégie de défense rendue possible par une justice patriarcale, bien plus prompte à museler les femmes qui osent sortir du silence qu’à condamner les hommes qui les ont harcelées, agressées ou violées, d’autant plus s’ils sont issus des classes dominantes. A titre d’exemple, en 2016, plus de 7 personnes sur 10 poursuivies en justice pour violences sexuelles ont fait l’objet d’un non-lieu.

Ce qu’illustre cette affaire, quelle que soit l’issue du procès, c’est que la justice est un maillon dans un système qui banalise et légitime les violences subies par les femmes – et dont l’ampleur et le caractère systémique ont été révélés par les vagues #MeToo et #BalanceTonPorc. La lutte contre les violences de genre ne sera pas victorieuse si elle est déléguée à une justice patriarcale dans une logique exclusivement punitive. Car le sexisme est structurel, possède de nombreux visages, et il s’agit de s’organiser collectivement, indépendamment des institutions, pour le combattre.


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