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Deuxième Assemblée citoyenne de Podemos, victoire de Pablo Iglesias

La crise de Podemos et la nécessité de lutter pour une alternative anticapitaliste et révolutionnaire

Des milliers de militants se sont rassemblés dans le palais de Vistalegre de Madrid, lieu de la deuxième assemblée citoyenne de Podemos, ce samedi 11 et dimanche 12 février. Après deux semaines d'une lutte interne féroce entre les deux principaux courants de la formation - l’un conduit par le secrétaire général, Pablo Iglesias, l’autre par son numéro deux, le secrétaire politique et directeur de toutes les campagnes électorales, Iñigo Errejón– La liste de Pablo Iglesias obtient la majorité absolue au conseil citoyen – l’organe de direction – avec 50,8 % des suffrages, devant celle d’Iñigo Errejón(33,7 %). Le tribun charismatique et médiatique a été réélu secrétaire général avec plus de 89 % des suffrages. Elise Duvel

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Une nouvelle Assemblée citoyenne marquée par une « guerre civile interne  »

C’est aux cris de Unidad (Unité) que s’ouvre l’Assemblée citoyenne tiraillée entre trois options : «  Podemos para todos » (Podemos pour tous) pour Iglesias ; Recuperar la Ilusion (Regagner l’illusion), liste Errejón ; « Podemos en Movimiento » (Podemos en Mouvement), d’Anticapitalistas. L’appel à l’unité des militants de Podemos montre les profondes divisions internes pour le contrôle de l’appareil du parti.

Les règlements de compte au travers des médias et des réseaux sociaux et les « purges » opérées récemment par Iglesias contre les « errejonistes » ont créé un profond ressentiment et une grande méfiance entre les deux courants, qui s’opposent diamétralement sur la tactique à adopter pour le parti. Tout cela couplé au chantage de Pablo Iglesias de quitter la formation si son projet ne remportait pas la majorité comme il l’avait fait lors du premier congrès.

Les trois ailes de Podemos présentent des nuances et des orientations tactiques différentes mais ils partagent une orientation commune : promouvoir une voie graduelle et réformiste à l’intérieur des institutions. En effet, la forte présence électorale et les sièges obtenus par Unidos Podemos (accord électoral avec la direction de Izquierda Unida) s’est fait au détriment de la lutte et classes et de l’auto-organisation ouvrière et populaire.

La division entre Iglesias et Errejón exprime une lutte pour le contrôle de l’appareil du parti mais aussi les limites de ce projet conduisant à autonomiser la « nouvelle politique » des nécessités des secteurs populaires et des travailleurs. Cela se traduit par une modération programmatique toujours plus importante dans le parti.

Iñigo Errejón prône un renforcement de « l’hypothèse Podemos » : un discours transversal ni de gauche ni de droite, modérer pour « ne pas faire peur », faire des accords électoraux de gouvernement avec le PSOE alors même que ce dernier est entré dans la coalition du gouvernement au pouvoir.

Anticapitaslistas a présenté le projet « Podemos en mouvement », critiquant l’actuelle direction de Podemos ainsi que le modèle centralisé actuel du parti. Mais la solution qu’il présente est de retrouver le Podemos des origines sans mener aucun bilan jusqu’au bout de l’hypothèse stratégique de Podemos, ni aucune rupture avec sa stratégie réformiste. Voilà la position de la troisième aile : la mobilisation et le développement de mouvements sociaux comme « contre pouvoirs » sont indispensables pour une transformation graduelle depuis les positions institutionnelles acquises par les élections. Ainsi le projet d’Anticapitalistas ouvre à nouveau le questionnement programmatique qui avait été mis de côté durant toute la campagne électorale mais il laisse de côté toutes les mesures qui permettent de s’affronter ouvertement le pouvoir capitaliste.

Iglesias a opéré un tournant à gauche dans son discours en s’adressant plus ouvertement à la gauche du régime notamment en consolidant Unidos Podemos comme opposition à l’intérieur du régime tout en préparant les élections de 2020 : dépasser les voix du PSOE et ouvrir la possibilité d’une coalition avec ce dernier pour réformer le régime de 1978 de l’intérieur. Iglesias parle de s’appuyer également sur les mouvements sociaux mais ne propose aucun débouché concret sur la participation à une seule mobilisation.

Or les occasions ne manquent pas. Le gouvernement PP appuyé par la coalition PSOE et Ciudadanos s’apprête à appliquer les mesures d’austérité importantes qui n’avaient pas pu être appliquées jusqu’alors contre la santé, l’éducation, attaquer les retraites et le droit du travail.

Iglesias sort renforcé du congrès et cette large victoire permet à son courant interne de contrôler l’appareil du parti. Iglesias déclare construire un bloc historique pour impulser un processus constituant avec l’ensemble des formations « soeurs » et les « municipalités du changement ».


Lutter pour une perspective anticapitaliste et lutte de classe

Au-delà des résultats, la crise de Podemos marque les limites de l’illusion du politique que ce parti a généré auprès de millions de personnes depuis sa première participation aux élections européennes en 2014.

Podemos est une force d’opposition à l’échelle nationale dans le Parlement mais il fait parti du gouvernement dans les principales villes d’Espagne comme Madrid, Barcelone, Valence ou encore Cadiz avec d’autres forces comme IU. C’est dans les villes qu’il gouverne que la réalité du projet de Podemos se dévoile. Les beaux discours radicaux sur la tribune s’envolent lorsqu’une fois au pouvoir, le mot d’ordre devient modération.

Convertis en gérant de l’ordre capitaliste dans plusieurs métropoles de l’Etat espagnol, les promesses électorales de municipaliser les services publics, le droit à un toit et à un travail, la rupture avec les grands groupes capitalistes qui accaparent les richesses, le non paiement de la dette illégitime... sont oubliées. En échange, ils appliquent des mesures d’austérité, ils expulsent des centres sociaux ou répriment les travailleurs du métro en grève. Pour les travailleurs et les classes populaires, l’expérience au pouvoir de Podemos n’est que de la poudre aux yeux qui ne résout aucune revendication sociale ni démocratique mais qui cède à chaque fois plus aux pressions des classes dominantes et aux banques.

C’est pourquoi il est nécessaire de construire une force anticapitaliste et révolutionnaire qui remet au centre la perspective de la lutte de classes et non la lutte dans les institutions de la démocratie libérale. C’est le sens de l’initiative «  No hay tiempo que perder  » (NHTQP).

Après une première rencontre nationale, plusieurs comités sont nés prenant part dans les mobilisations du mouvement ouvrier, étudiant ou encore pour le droit des femmes comme les collectifs Marche pour la Dignité.

NHTQP a élaboré un programme anticapitaliste et révolutionnaire pour faire face à la crise du régime. Un programme qui part des mesures urgentes pour les travailleurs comme le droit au travail, un vie digne, la nationalisation des banques et secteurs stratégiques sous contrôle ouvrier, la répartition des heures de travail entre toutes et tous, l’augmentation du salaire ou encore le non paiement de la dette. Un programme qui inclut les demandes démocratiques comme le droit à l’auto-détermination, la fin de la monarchie, des droits pour les réfugiés et migrants, ou encore le retrait des lois répressives. Programme qui doit être lié à la lutte pour un processus constituant impulsé par la mobilisation de la classe ouvrière et populaire, dans la perspective d’un gouvernement des travailleurs, la lutte contre l’Union Européenne du Capital et pour l’unité des peuples contre l’impérialisme ou encore pour que les capitalistes payent leur crise, dans l’affrontement direct à ce régime politique. Il s’agit de reconstruire une force qui soit capable d’affronter les directions syndicales et de mettre en place un front unique de lutte contre ce gouvernement de « grande coalition  » et son nouvel agenda de contre-réformes austéritaires et d’offensives liberticides.

Crédits photos : EPE / Ballesteros


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