×

Vers un Printemps guatémaltèque ?

La crise politique se poursuit au Guatemala

Ivan Matewan Le Guatemala connaît actuellement l'un des plus grands mouvements de contestation depuis la chute de l'ancienne dictature militaire. Des milliers de personnes se mobilisent en effet pour dénoncer la corruption du gouvernement et exiger la démission du président Otto Perez Molina. A huit mois des prochaines élections, c'est une véritable crise politique qui s'ouvre dans le pays.

Facebook Twitter

La corruption : le pain quotidien du gouvernement

D’importantes manifestations, accueillant parfois jusqu’à 60 000 personnes dans les principales villes, traversent le Guatemala depuis début mai. Les manifestants condamnent les scandales à répétition dans lesquelles hauts fonctionnaires et membres du gouvernement étaient impliqués. Le Parti patriote, de droite, du président Otto Perez Molina se trouve particulièrement dans le viseur des manifestants.

Depuis le début de son mandat en janvier 2012, le président est jugé par les couches populaires de la société guatémaltèque comme étant peu intéressé à résoudre leurs problèmes. Son mandat a été fortement marqué par ce que certains qualifient de « pillage organisé » du pays : enrichissement illicite, clientélisme, diverses fraudes, détournement de ressources, trafic d’influence, pots de vin, armes « disparus »... La corruption est de toute évidence le pain quotidien du gouvernement au pouvoir.

En mai 2012, le gouvernement a autorisé l’achat par l’Institut national pour la Paix du matériel scolaire à un coût de 40 % au-dessus de son prix réel. En 2013, les liens de la vice-présidente Roxana Baldetti avec les trafiquants de drogue ont été révélés au grand jour. Cette année, une série de faits de corruption a éclaté aussi : de l’évasion fiscale pratiquée par de nombreux hauts fonctionnaires comme le directeur du Fonds du développement social au cas scandaleux de 1 449 grenades militaires vendues aux trafiquants de drogues en passant par les valeurs exorbitantes des propriétés détenues par un certain nombre de ministres, bien au-dessus de leur pouvoir d’achat, ou encore l’espionnage et la censure de la presse.

L’ouverture d’une crise politique

Le cas de « La Línea » a été, cependant, la goutte qui a fait déborder le vase. En avril, l’existence d’un réseau de corruption auquel participaient des membres importants du gouvernement a été rendue publique. En effet, le réseau réalisait d’importants profits grâce au trafic de marchandises qui leur évitait de payer les taxes douanières. Le tout avec la complicité de la vice-présidente Baldetti.

Des dizaines de milliers de personnes ont alors décidé de descendre dans la rue pour exiger la démission de ce gouvernement corrompu. Ces manifestations ont été décrites par la presse comme de « grandes marches citoyennes ». C’est par ailleurs la première fois depuis la chute de la dictature en 1968 que les Guatémaltèques descendent dans les rues de manière spontanée.

L’émergence de cette mobilisation d’envergure a obligé le président, qui niait la crise de sa légitimité, à renvoyer trois de ses 13 ministres – ceux de l’Intérieur, de l’Énergie et des Mines, et de l’Environnement – ainsi que d’autres hauts fonctionnaires de ces ministères. En plus, la vice-présidente Baldetti a été également contrainte à la démission. Néanmoins, le président se maintient au pouvoir et affirme compter y rester jusqu’au 16 décembre, soit le dernier jour de son mandat.

Mais le renvoi de plusieurs ministres n’a pas eu l’effet escompté et le président reste toujours face à un problème de taille : trouver un moyen pour réhabiliter son image après tant d’années de corruption, de collusion avec le crime organisé et de misère imposée sur la classe ouvrière et les peuples originaires.

Vers un « Printemps guatémaltèque » ?

D’une part, de nombreux commentateurs estiment que le président devrait organiser dès maintenant de nouvelles élections. Selon ceux-ci, c’est le seul moyen pour mettre un terme à la crise politique en cours. Mais c’est peu probable. Un tel gouvernement corrompu est incapable d’organiser et de garantir des élections libres. La classe politique sait cependant que la crise d’un gouvernement peut rapidement se transformer en une crise plus importante, c’est-à-dire des institutions et du régime politique lui-même. Ils estiment que l’organisation d’élections leur permettrait de canaliser à nouveau la colère sociale exprimée dans la rue envers les institutions et de rétablir la légitimité du régime.

D’autre part, certains secteurs de la mobilisation proposent la création d’une Assemblée constituante populaire et plurinationale. Incapable d’organiser des élections libres, le gouvernement l’est encore plus quand il s’agit d’apporter des solutions aux demandes démocratiques profondes et sociales des classes populaires, des jeunes et des peuples originaires. Un tel mot d’ordre peut donc jouer un rôle moteur dans le mouvement, permettant de l’unifier non seulement contre le gouvernement, mais aussi contre le régime politique lui-même.

Un « Printemps guatémaltèque » est ainsi possible. Mais la réussite de la mobilisation dépendra avant tout de la mobilisation de la classe ouvrière guatémaltèque qui n’est pas encore entrée en mouvement. Si les jeunes et les peuples originaires jouent un rôle important dans l’extension des manifestations, il faudrait une grève générale pour vraiment venir à bout de ce régime corrompu. Seule la mobilisation indépendante de ces secteurs de la société guatémaltèque peut permettre une issue progressiste à la crise politique en cours.


Facebook Twitter
Netanyahou compare les étudiants américains pro-Palestine aux nazis dans les années 1930

Netanyahou compare les étudiants américains pro-Palestine aux nazis dans les années 1930

Du Vietnam à la Palestine ? En 1968, l'occupation de Columbia enflammait les campus américains

Du Vietnam à la Palestine ? En 1968, l’occupation de Columbia enflammait les campus américains

Invasion de Rafah : une nouvelle étape dans le génocide des Palestiniens

Invasion de Rafah : une nouvelle étape dans le génocide des Palestiniens

Mumia Abu Jamal, plus vieux prisonnier politique du monde, fête ses 70 ans dans les prisons américaines

Mumia Abu Jamal, plus vieux prisonnier politique du monde, fête ses 70 ans dans les prisons américaines

Hongrie : 4 antifascistes menacés de jusqu'à 24 ans de prison ferme pour leur lutte contre des néo-nazis

Hongrie : 4 antifascistes menacés de jusqu’à 24 ans de prison ferme pour leur lutte contre des néo-nazis

Etats-Unis : la mobilisation de la jeunesse étudiante attise les difficultés de Biden

Etats-Unis : la mobilisation de la jeunesse étudiante attise les difficultés de Biden

Surenchère xénophobe : La déportation des migrants vers le Rwanda adoptée au Royaume-Uni

Surenchère xénophobe : La déportation des migrants vers le Rwanda adoptée au Royaume-Uni

Argentine : 1 million de personnes dans les rues pour défendre l'université publique contre Milei

Argentine : 1 million de personnes dans les rues pour défendre l’université publique contre Milei