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70% de plus de femmes sans-domicile depuis 2008

La féminisation de la pauvreté contre le mensonge Macron

En juillet dernier, Macron promettait qu’il n’y aurait plus personne dans les rues en 2018. Cette fadaise marketing pour laquelle aucun moyen n’a été alloué était évidemment un mensonge. De fait, une centaine de personnes manifestaient le 1er janvier à Paris, réclamant la réquisition de l’hôpital du Val-de-Grâce pour s’attaquer frontalement au problème du non-logement ; une situation qui touche toujours plus de femmes, nouvelles figures de proue des travailleurs pauvres.

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IL N’Y A PAS DE VOLONTE POLITIQUE D’ERADIQUER LA MISERE !

Les femmes sans-domicile représentent à Paris la bagatelle de cinq mille personnes. Un effectif qui a augmenté de 70% depuis 2008, et qui nous ferait presque cyniquement sourire en entendant la promesse insincère de Macron en juillet dernier, si vivre à la rue n’était pas aussi cruel et dangereux. L’espérance de vie des SDF est inférieure à 50 ans, et on imagine sans peine ce en quoi être femme peut accroître les risques lorsqu’on vit dehors. Ainsi, une centaine de personnes manifestaient le 1er janvier à Paris pour demander la réquisition de l’hôpital du Val-de-Grâce pour loger au plus vite un maximum de sans-abris, insistant notamment sur le nombre croissant de femmes SDF. Une requête déjà bien ambitieuse, mais qui reste pourtant dans les cadres du droit bourgeois. La réalité parfois invraisemblable de l’inégalité face au logement pourrait pousser notre camp à être encore plus ambitieux.

Il y a en France plus de 140.000 SDF, et plus d’un quart d’entre eux a pourtant un emploi. Dans le même temps,les données du Droit au Logement (DAL), de l’Insee ou encore d’Emmaüs convergent pour affirmer qu’il y a plus de 2,5 millions de logements libres. Soit assez pour loger les sans-abris, mais aussi pour répondre aux près de deux millions de demandes de logements sociaux. Mais entendons-nous bien, cela n’est possible que dans une société volontaire sur la réfection des habitations vétustes, mais surtout prête à exproprier les propriétaires de logements vacants et à s’opposer radicalement à la spéculation qui fait de certains biens des réserves de valeurs ne servant jamais à leur usage initial. Le fait que nombre de ces logements vides soient concernés par des transactions est d’ailleurs un des arguments des opposants au droit au logement pour minorer le nombre de logements vides. Mais ces arguments sont hypocrites et loin d’être susceptibles d’infirmer la tendance lourde. Par ailleurs, il n’existe pas de contre-argument contre un autre intolérable scandale du domaine : la surface des bureaux inoccupés à Paris excèderait la surface du Luxembourg (Désobéir pour le logement, Le Passager Clandestin)…

Il n’y a pas de pénurie, nous ne vivons pas dans l’économie de la rareté décrite par les néo-libéraux ; il y a des injustices fondamentales dans l’accès aux conditions de vies et à l’expression politique. Seule la lutte politique pourra donc inverser ces tendances, dans un contexte d’augmentation massive et continue des inégalités patrimoniales, partout sur Terre, depuis la reconstruction post-WWII.

Les services existant actuellement sont très loin de pouvoir endiguer le fléau ; il est quasiment impossible d’obtenir une place d’accueil au 115, et seulement une femme sans-abri sur quatre arriverait à se faire loger au Samu Social, seul moyen de se refaire une santé et d’avoir le temps d’économiser pour chercher un logement décent. Pour la masse innombrable de sans-abris restants, la lutte fait rage autour de rares places en centre d’accueil pour une seule nuit. Pour l’essentiel des SDF, il s’agit de survivre au froid, à la violence de la rue, à la faim. Pour beaucoup de femmes dans cette situation, cela revient à devoir vivre cachées et à se retrouver exposées à des violences de genre. Le Samu Social a d’ailleurs souhaité mettre cette question en avant pour sa campagne d’hiver.

UNE PAUVRETE TRANSFIGUREE PAR LE NEO-LIBERALISME

S’il est pertinent d’insister sur la question de la féminisation de la misère, ce n’est certainement pas parce qu’il serait pertinent d’opposer hommes et femmes sans-abris, ou que leurs intérêts seraient différents. Cela est surtout important pour comprendre les mutations à l’oeuvre dans notre société, dont une des conséquences est la féminisation de la pauvreté. Rappelons avant tout que si le phénomène d’exclusion sociale est bien lié à des situations de pauvreté, ces dernières sont bien souvent le résultat d’une conjonction complexe de ruptures professionnelles, géographiques, conjugales, familiales et sociales. La pauvreté extrême puis l’exclusion viennent régulièrement couronner les existences les plus accidentées de ces points de vue. La mesure de la pauvreté est également un enjeu important ; si l’on place le seuil de pauvreté à 60% du revenu médian en France (environ 950 euros), nous sommes près de huit millions à y vivre pauvres.

Le sociologue Serge Paugam a beaucoup travaillé sur l’évolution des formes de pauvreté, mais aussi sur les représentations sociales associées à la pauvreté. Depuis les années 80 et le tournant néo-libéral des sociétés occidentales, et du monde entier dans leur sillage, deux nouvelles formes-type de la pauvreté extrême émergent, essentiellement dans le monde d’urbain, liées au développement de l’emploi précaire, du travailleur indépendant au salarié à temps partiel en passant par l’explosion des contrats à durée déterminée. D’une part les « travailleurs sans-papiers » forment un groupe social vivant souvent dans l’exclusion et l’illégalité, et permettent à de nombreux secteurs de disposer d’une main-d’oeuvre peu qualifiée et prête à accepter des piètres conditions de travail et de rémunération. D’autre part, l’explosion des « travailleurs pauvres » illustre la tendance croissante à la précarisation du travail et à l’instabilité des situations sociales. Une précarité qui revient en force dans tous les milieux, touchant notamment de plein fouet les jeunes diplômés de la classe moyenne… et les femmes.

En effet, l’entrée massive des femmes sur le marché du travail s’est faite en grande partie au profit du temps partiel. Si le niveau d’éducation et de rémunération moyen des femmes ne fait qu’augmenter, huit emplois précaires sur dix sont occupés par des femmes (notamment via le temps partiel imposé). Et si ces dernières sont devenues le symbole des « travailleurs pauvres » c’est parce qu’elles subissent plus violemment que les autres un « effet cliquet » : les femmes cumulent d’une part davantage de temps partiels imposés et des rémunérations inférieures aux hommes à poste égal, et d’autre part une plus grande responsabilité des tâches ménagères. Comme le dit Paugam, s’en sortir aujourd’hui sur le marché du travail pour une femme seule avec enfants et un contrat précaire est « quasiment impossible ». Ajoutons également une autre variable, et non des moindres, qui est le surendettement croissant des ménages pauvres, et qui constitue souvent une des raisons de leur « disqualification sociale ».

Enfin, si la pauvreté des années 60 concernait souvent des ménages de retraités, elle pourrait assez vite retrouver ce visage. Si les générations dorées ayant cotisé à la Sécurité Sociale toute leur carrière dans des contextes de plein-emploi échappent aujourd’hui à de vieux jours difficiles, l’accumulation de périodes de chômages, de temps partiel et de faibles revenus risque bien de projeter des cohortes nombreuses de jeunes retraités dans la pauvreté. De plus, Paugam insiste longuement sur les représentations associées à la pauvreté : pour résumer, celui-ci associe les phases de chômage de masse avec le développement d’explications collectives reposant sur « l’injustice sociale » et de politiques publiques d’assistance pure comme le Revenu Minimum d’Insertion. Depuis les années 90 et le recul relatif du chômage au profit du travail précaire et à temps partiel, les explications s’individualiseraient et laisseraient place à une « explication du chômage par la paresse » culpabilisant les chômeurs (Sarkozy faisant campagne en 2007 contre la « France des assistés »), accompagnées de politiques publiques centrées autour de la reprise du travail (disparition du RMI au profit du RSA et de la prime d’activité…). A ces phénomènes de cycles économiques, Paugam propose d’ajouter également la volonté politique des décideurs visant à normaliser un marché du travail précaire : les politiques de retour à l’emploi servant en fait à faire accepter aux couches les plus défavorisées l’accès à un emploi de plus en plus dégradé. Et ainsi « le tour de passe-passe consiste à faire passer pour de la solidarité ce qui, en réalité, est une variable d’ajustement économique ».

Le phénomène de la pauvreté reste une constante dans la population jeune, et tend donc à atteindre les futurs retraités et à s’accroître pour la population féminine notamment sous sa forme la plus extrême. En ajoutant à cela la quantité inimaginable de logements et de bureaux possédés pour des raisons spéculatives et l’accroissement chronique des inégalités de patrimoine dans les phases « normales » du capitalisme (donc en-dehors des crises économiques entraînant les guerres mondiales) qui démontre que les intérêts des capitalistes et des travailleurs sont organiquement antagoniques dans ce système, une issue s’ouvre pour toutes les classes laborieuses de cette planète : le renversement du capitalisme par la grève générale et la socialisation de la production de valeur, et ainsi la possibilité de moyens de subsistance décents et garantis par l’impossibilité de l’accumulation prédatrice de moyens de production. A nous de jouer.


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