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Des miettes pour la cop21

La finance verte, une aberration écologique

Ce dimanche 4 septembre, François Hollande a confirmé la mise en place d’« obligations vertes » dont le but est de financer des projets visant la protection de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique. La France, soucieuse de son image, se présenterait alors comme le premier pays, parmi ceux du G20, à investir dans des projets environnementaux d'envergure, devenant de fait la « pionnière » de la « finance verte »... Mais avec quelle part de véracité et surtout pour quelle finalité ? Kasia Razowski

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À l’approche des présidentielles, François Hollande annonce la mise en place « d’obligations vertes ». Mais comme le souligne l’économiste Maxime Combes sur Mediapart, le président ne déclare aucune mesure précise. À ce jour « il n’existe pas de critères clairement établis, universellement acceptés et contraignants, permettant de distinguer les projets compatibles avec l’environnement ou le climat de ceux qui ne le sont pas ». On peut donc à ce stade définir la situation comme une décision visant probablement à financer des projets du patronat.

En effet, les obligations vertes sont des emprunts financiers émis sur le marché, avec les mêmes caractéristiques que les obligations standards, mais dans le but unique de financer des « projets contribuant à la transition écologique » (exemple : énergie renouvelable, gestion de l’eau, transports publics…). Ces investissements privés se placeraient principalement dans des projets de construction d’infrastructures permettant la réduction des émissions de carbone ou la construction d’usines capables de faire face aux changements climatiques ; tout cela financés par l’argent public, soit « trois milliards d’euros par an sur les trois prochaines années [qui seraient prélevés] afin de financer la lutte contre le réchauffement climatique ».

Des intérêts capitalistes par-dessus tout


L’intérêt pour les investisseurs est double : placer leurs capitaux dans les obligations « vertes » leur permettrait de valoriser leur politique environnementale et donc de mettre en avant leur éthique – typique du greenwashing [1] –, tout en ayant l’assurance de bénéficier de retours sur investissement puisque ces projets sont en général ceux des institutions, collectivités ou de l’Etat.

Prenons l’exemple des obligations souveraines carbones (OSC), un des projets du gouvernement français. Selon Les Echos : « Contrairement aux obligations vertes classiques, les OSC versent une rémunération à taux variable, liant la performance environnementale et le taux d’intérêt payé par l’Etat. Concrètement, la rémunération versée aux investisseurs augmenterait si les engagements français de réduction de CO2 n’étaient pas tenus. »

En d’autres termes, alors que l’Etat français a pour intérêt de respecter ses engagements afin de minimiser le montant des obligations, celui des investisseurs est de le maximiser afin d’engranger des profits les plus importants possible.
On peut donc s’interroger sur la pertinence de ce dispositif, qui rappelle la marchandisation du carbone suite au Protocole de Kyoto, qui n’a pas permis de réduire ses émissions mais a simplement créé un système économique d’échange de quotas entre les compagnies - qui est encore aujourd’hui très prolifique.

Mais par-dessus la question de son efficacité, le problème du financement se pose, puisque les « impôts collectés ou les emprunts contractés [à cet effet] ne peuvent être affectés à des dépenses précises ». De plus, les entreprises et multinationales polluent de leur propre initiative. Pourquoi le peuple devrait-il en faire les frais ? Avec un marché libéral qui est en harmonie avec leur intérêt, il paraîtrait plus juste qu’ils prennent en charge les dégâts qu’il s occasionnent en recyclant leurs propres déchets, en traitant les eaux usées au lieu de les rejeter dans la nature. Ce n’est pas l’argent qui leur manque pour y parvenir. Mais cet investissement correspond à une baisse de profit. De ce fait, il semble que pour les PDG l’environnement peut attendre, son état n’est pas si grave. Alors que la croissance mondiale ne peut être suspendue sans le risque d’un effondrement financier.

De belles promesses. Toujours et encore


Ce nouveau dispositif financier serait le fruit de l’Accord de Paris établi lors de la COP21 dont le but officiel était de réduire les émissions pour stabiliser les températures, anticiper les catastrophes naturelles et leurs impacts, et soutenir les pays touchés par les changements environnementaux (montée des eaux, ouragans…). Pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire de sortir du système capitaliste et productiviste qui est l’une des causes principales du changement climatique, et dont la finance est l’un des piliers.

A aucun moment le gouvernement ne parle d’une politique écologique plus respectueuse de l’humain, d’une autre approche de la consommation et des moyens de production. En d’autres termes, ce projet est une énième arnaque qui permet au gouvernement de se réaffirmer comme premier défenseur de l’environnement, mais qui va en réalité dans le sens de la finance. Une finance qui se voit ouvrir un nouveau marché.

N’oublions pas les quotas de CO2 qui, depuis 2003, sont censés contrôler les taux d’émission des entreprises. Au final, cette réglementation a été rapidement détournée grâce à la marchandisation du carbone, comme d’autres auparavant. Le capitalisme réinvestit les outils en sa possession afin de se renforcer, tout en mettant à mal l’environnement et en permettant l’exploitation des classes ouvrières de tous les pays, qui souffrent ensuite des impacts environnementaux (changement climatique, maladies liées à la pollution, mauvaise alimentation).

Les véritables solutions permettant de lutter pour l’environnement existent mais le « capitalisme vert » ne peut les apporter, puisque son but reste le profit et que sa politique écologique passe par la financiarisation environnementale. En effet, le système capitaliste fait que la finance est traitée avec beaucoup d’attention, aux dépens du bien-être de la population et de l’avenir de la planète. Le terme même de « finance verte » illustre bien cette situation absurde.

Au sein du G20, les ministres des Finances et des gouverneurs de banques centrales de nombreux pays impérialistes et émergents se réunissent une fois par an pour traiter de sujets économiques et du maintien du système financier. Dans ces conditions, il est impossible d’associer écologie et capitalisme puisque les motivations et objectifs de chacun sont incompatibles.

En définitive, ne garantissant aucun résultat, la France, dite « pionnière » sur le papier, ne fait en réalité que reprendre de vieilles recettes déjà vues - notamment en Chine, avec sa banque agricole nationale - tout en se pavanant sur le devant de la scène.


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