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« L'austérité, c'est l'Allemagne ! »

La « gauche de la gauche » hexagonale, Hollande et Tsipras

Yano Lesage Difficile exercice d'équilibriste pour la « gauche de la gauche » hexagonale face à l'échec cinglant de Tsipras contre la Troïka, pour ceux-là mêmes qui ont fait de Syriza et, plus largement, des phénomènes néo-réformistes comme Podemos, un modèle à suivre. En effet, avec l'imposition d'un nouveau mémorandum à la Grèce par la Troïka et, surtout, la trahison de Tsipras vis-à-vis de l'expression du peuple grec, comment sauver la face politiquement ? Les prises de position sont à l'évitement de la question de fond et à l'expression d'un soutien... à Hollande que cette gauche voudrait faire passer pour l'allié du peuple grec contre l'Allemagne.

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Rien de mieux qu’une situation de crise pour révéler le véritable visage des politiques. La situation en Grèce, avec la capitulation de Tsipras, qui est en passe de devenir le nouveau relais des politiques d’ajustement structurel imposées par la Troïka, impose des repositionnements révélateurs de la part des gauches hexagonales. Sous couvert d’un soutien indéfectible à Tsipras, la « gauche de la gauche » française montre, une fois de plus, qu’elle n’a rien à envier à cette gauche de gouvernement en qui elle accorde, en dernière instance, sa confiance et qu’elle copie une fois au pouvoir. Pis encore, la crise grecque a ouvert les vannes d’un patriotisme débridé, qui omet les responsabilités de Hollande dans la mise sous tutelle de la Grèce, le couvre sur sa gauche et fait de l’Allemagne l’ennemi désigné.

Valls fier d’être hollandais

Manuel Valls a exprimé sa « fierté d’être aux côtés de Hollande », n’hésitant pas à convertir l’issue des négociations avec la Grèce et l’évitement d’un Grexit en ressources politiques internes. Hollande est ainsi devenu « sauveur » d’un maintien de la Grèce dans la zone euro. Si on n’en attendait pas moins de la part du gouvernement et de sa majorité, il est plus étonnant de voir la « gauche de la gauche » répercuter le même son de cloche ou presque.

Du côté d’Europe-Ecologie les Verts (EELV), on salue la ligne défendue par l’Elysée au sommet de Bruxelles et on se félicite que l’Allemagne et la France soient parvenues à un compromis. Quant à la « mise sous tutelle de la Grèce », François de Rugy, député EE-LV de Loire Atlantique la réfute : c’est l’intérêt de l’Union Européenne qui a été sauvé, qu’importe que cela se fasse au prix d’une semi-colonisation d’un des pays-membre. Juste retour à l’ordre des choses pour ces anciens de la majorité gouvernementale qui n’attendent qu’une chose : y retourner. A ce propos, de Rugy ronge son frein depuis des mois.

La vraie surprise vient plutôt du PCF : non content de falsifier la réalité en faisant titrer l’Humanité, le 10 juillet, « Les nouvelles propositions de Tsipras font souffler un vent d’espoir sur la Grèce », le PCF s’est également aligné sur la position de Hollande. Pierre Laurent, son principal dirigeant, c’est ainsi satisfait de voir « la France hausser le ton » face aux diktats de Berlin. « Je me félicite du rôle positif qu’a joué la France dans la conclusion de cet accord. J’avais moi-même conduit une délégation (...) à l’Elysée pour demander que la France joue ce rôle [et] ce combat ne peut pas s’arrêter », a ainsi déclaré Pierre Laurent sur BFM-TV.

Si le Parti de Gauche est plus réticent face aux conditions imposées à la Grèce et dénonce un accord obtenu « le revolver sur la tempe » la responsabilité française est également évacuée. Durant les négociations avec l’Eurogroupe, Eric Coquerel, porte parole du PG, n’a pas eu peur de déclarer que « le plan du gouvernement Tsipras et la restructuration de la dette doivent être validés en l’état. Beaucoup de choses vont dépendre de la France : nous demandons à François Hollande de passer des paroles aux actes et d’apporter son plein soutien aux propositions de la Grèce ».

Confiance apportée à Hollande donc, et à sa politique. Oubli manifeste des mesures d’austérité passées en France durant ces derniers mois sous la houlette socialiste pour lui préférer la critique virulente de l’orthodoxie allemande. La manœuvre gouvernementale a ainsi bien fonctionné : la liquidation de l’option Syriza et la possibilité d’une contestation de la politique de la Troïka par des voies institutionnelles se fait en miroir d’une liquidation de l’opposition anti-austérité au niveau national.

Devant l’impossibilité d’analyser les contradictions qui se creusent entre les intérêts de la bourgeoisie allemande et la bourgeoisie française (qui serait beaucoup plus impactée par les conséquences économiques d’un Grexit) mais qui sont, in fine, les deux visages d’une même politique au service du capital et hostile au travailleurs et au peuple grec, la gauche de la gauche tombe dans le panneau patriotique. Comble de l’ironie, c’est autour d’un soutien à Tsipras et Syriza, et à cause d’un aveuglement politique qui conduit y compris à accorder du crédit aux pires ennemis des travailleurs et du peuple grec que sont l’Elysée et le gouvernement français, que la gauche de la gauche se retrouve phagocytée par Hollande.

Il n’aura fallu que quelques mois pour que Syriza recule. Il n’aura suffit que de quelques heures, le temps d’un sommet de l’Eurogroupe, pour que la gauche de la gauche française revienne dans le giron du Parti Socialiste et valide la position de la bourgeoisie française pour imposer sa politique sur la scène européenne.


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