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Contre le racisme, vraiment ?

La nouvelle campagne du gouvernement « Tous unis contre la haine » : Hollande et Valls se déguisent en « anti-racistes » !

Le gouvernement, à l’initiative de Manuel Valls, lance une campagne « choc » anti-raciste, intitulée « tous unis contre la haine » et dont le coût s’élève à 3 millions d’euros, en réaction à la multiplication des actes « anti-musulmans » et « antisémites » en 2015. La volonté affichée du gouvernement de faire de la « lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie (…) une priorité du gouvernement » apparaît comme une grande mascarade. Cécile Manchet

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Dans la logique de la réponse politique apportée par le gouvernement Hollande aux attentats de 2015, l’État se targue encore une fois de vouloir rassembler les français et les françaises sous un même drapeau en agitant la liberté d’expression, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ou encore en célébrant la France « laïque et pluraliste ». Ainsi, alors même qu’il est le principal artisan de la montée du racisme, comme il en fait la démonstration régulièrement, six spots-chocs diffusés sur internet et retransmis à la télévision jusqu’au 10 avril, invitent sur un ton moralisateur et alarmant les spectateurs à visionner ces agressions racistes « mises en scène » qui ont été expressément réalisées pour choquer, « réveiller » le ou la citoyen.ne français.e. C’est bien connu, assister à une agression raciste rend anti-raciste. A ce gouvernement qui instrumentalise l’islamophobie, qui se prétend anti-raciste, fabrique des ennemis intérieurs et extérieurs, nous voudrions rappeler ici pourquoi nous ne sommes pas « tous unis contre la haine » comme on serait « tous unis contre la cigarette ».

« Ça commence par des mots. Ça finit par des crachats, des coups, du sang ». Voilà la nouvelle punchline du gouvernement dans sa lutte contre le racisme. Six spots disponibles en ligne mettent en scène de manière « réaliste » des agressions « inspirées de faits réels », avec en surimpression sonore des discussions, vraisemblablement tenues lors d’un repas, véhiculant des préjugés racistes. Alors même que les propos haineux fusent, une voix vient stopper l’escalade de violence des propos et de l’agression : « Vous y croyez vraiment à ce que vous dîtes ? », au gouvernement de conclure avec la morale de l’histoire : « Le racisme ça commence par des mots… ».

Cette campagne, qui coïncide avec la « semaine d’éducation contre le racisme et l’antisémitisme » du 21 au 28 mars, pointe l’instrumentalisation du « combat contre le racisme » par le gouvernement « socialiste ». La « lutte contre le racisme » c’est tout d’abord des actions « coups de poing » une semaine par an. Plus précisément, cette campagne de communication est un des projets financés dans le cadre du plan de « lutte contre le racisme et l’antisémitisme » lancé fin 2014 avec un investissement de 100 millions d’euros pour les trois ans à venir. Le gouvernement fait – depuis plusieurs années - du combat « contre le racisme et l’antisémitisme » une affaire d’éducation : « arrêtez avec les clichés racistes, c’est ce qui conduit à des violences physiques ». Les agressions racistes ne seraient alors que le produit de comportements individualisés et isolés. Le racisme est ainsi pensé hors de tout contexte politique, social et économique (l’exploitation, le chômage, l’impérialisme..). Honteuse opération de communication, à l’image des politiques publiques en matière de lutte contre le racisme et les discriminations, pour un gouvernement qui ne cesse de produire et de nourrir le racisme.

En effet, le racisme dans la société française capitaliste se caractérise aujourd’hui par un racisme et une islamophobie d’État - c’est-à-dire un racisme de classe, structurel, institutionnel et idéologique. Le « racisme » ce n’est pas un problème d’attitude individuelle, de « mots » prononcés lors de dîner entre amis ou en famille, c’est avant tout un racisme institutionnalisé : la discrimination à l’embauche, au logement, le contrôle au faciès, les violences policières. De quelle haine parle-t-on quand un jeune lycéen noir de 15 ans se fait tabasser lors du blocage de son lycée le 17 mars dernier par trois policiers blancs ? L’État créé et nourrit le racisme et l’islamophobie. Il l’a fait dernièrement en avançant sa loi sur la déchéance de nationalité. Parallèlement, l’état d’urgence a notamment permis au gouvernement de perquisitionner et assigner à résidence des personnes musulmanes ou supposées comme telles, sous couvert de menaces terroristes. Puis, il a continué de révéler son visage raciste, policier et liberticide, avec la situation des migrants à Calais : la répression policière, le parcage des migrants, le démantèlement dans la violence de toute une partie du camp en février dernier.

Il s’agit également de déceler dans cette campagne une logique qui ne date pas du gouvernement Hollande et qui tend à hiérarchiser les racismes avec d’un côté l’euphémisation de l’islamophobie qui n’est jamais nommée comme tel et la construction d’une « exceptionnalité » de l’antisémitisme (qui est en lien avec le soutien affiché de nos gouvernements successifs aux politiques de l’État d’Israël envers la Palestine). La semaine intitulée « semaine d’action contre le racisme et l’antisémitisme » en est d’ailleurs l’illustration.
Ce développement du racisme – plus spécifiquement de l’islamophobie - et de la répression est politiquement central aujourd’hui pour la classe dominante, notamment pour diviser notre classe : face à la crise économique – internationale - et sociale qui le touche dans sa légitimité, l’État se renforce sur le plan répressif mais aussi idéologique.

Le gouvernement « s’attaque » aux « actes racistes » et voudrait que tous et toutes nous nous joignions à lui pour faire baisser cette courbe. Or, cette campagne est un projet de communication fortement idéologique qui vise à entretenir l’illusion que le gouvernement « prend en charge », avec un discours toujours plus sécuritaire, « la lutte contre le racisme » pendant que ce même gouvernement, avec à sa tête Hollande et Valls, font le terreau du racisme, à travers leurs politiques.

Le racisme vient d’abord d’en haut et loin de combattre le racisme « d’en bas » ou « populaire », il l’entretient. Pour mener à bien la lutte anti raciste, il nous faut d’abord comprendre d’où il vient, ce qui le structure, et l’alimente. En effet, le racisme est avant tout un problème d’oppression lié au capitalisme et aux politiques des gouvernements qui l’usent pour nous diviser afin de nous imposer au mieux leurs contre-réformes économiques. Il existe et évolue étroitement avec le développement de ce système économique d’exploitation. De ce fait, le gouvernement « socialiste » de François Hollande n’est pas « anti-raciste » et aucun gouvernement ne peut l’être, dans ce système qui développe de façon structurelle le racisme. Cependant, bien que la fin de toutes oppressions de classe, de race ou de genre ne se fera pas sans la fin du capitalisme, il faut se battre pour y mettre fin et le fait que le mouvement ouvrier et ses organisations prennent à sa charge la lutte contre ces oppressions est indispensable.

C’est en développant notre conscience de classe que nous ferons reculer le racisme. Ainsi, en premier lieu, s’opposer à l’état d’urgence et exiger le retrait de la loi travail, c’est refuser des contre-réformes qui ne font qu’attaquer frontalement nos libertés démocratiques, nos acquis sociaux, fruit de dizaines d’années de luttes.

Certainement pas « tous unis contre la haine », mais tous et toutes uni.es contre le racisme d’État, le gouvernement et le capitalisme. Peut-être devrions nous éteindre notre télé jusqu’au 10 avril !


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