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MEETING DE RENTREE UDT 2022

« La nouvelle génération ouvrière a relevé la tête, à nous d’en faire des révolutionnaires ! » : Gaëtan, ouvrier

À l’occasion de l’université d’été de Révolution Permanente, un grand meeting de rentrée a réuni 500 personnes, déterminées à affronter la séquence ouverte de crises, de guerres et de révolutions. À la tribune, Gaëtan Gracia, ouvrier dans la sous-traitance aéronautique et militant à Révolution Permanente est revenu sur la nécessité d’armer politiquement la nouvelle génération ouvrière qui a émergé dans les derniers processus de lutte de classes, afin d’engager une bataille contre le capitalisme dans son ensemble.

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Avant toute chose, je voudrais apporter notre salutation et notre soutien total aux grévistes du Royaume-Uni. Avec ces premières grèves de cheminots, de postiers, de dockers, de manutentionnaires d’Amazon, c’est toute la classe ouvrière britannique qui commence à reprendre espoir. Après avoir été écrasée par Thatcher il y a 40 ans et subi les attaques pendant plusieurs décennies, ces travailleurs et travailleuses ont relevé la tête, se sont réappropriés la force de la grève et ont crié « nous sommes de retour, nous refusons d’être dociles et nous refusons d’être pauvres » !

Comme vous le savez, la cause principale de ces « grèves de la colère », c’est l’inflation. Là-bas elle dépasse les 12%, et elle continue d’augmenter. Face aux revendications salariales, les patrons et le gouvernement ont partout la même réponse : « il ne faut pas augmenter les salaires, sinon l’inflation va monter ».

Ce discours, on nous l’a servi dès les premiers signes de hausse des prix. Pourtant, les salaires n’ont pas augmenté et l’inflation a explosé. Les salaires de nos camarades des raffineries de Total n’ont pas augmenté, mais les carburants ont pris plus de 30%, et la multinationale bat ses records de profit. Les salaires de nos camarades de Neuhauser et de l’industrie agroalimentaire n’ont pas augmenté, mais les prix du blé, du pain, de la farine, des pâtes, augmentent dans des proportions jamais vues depuis 30 ans. Ces grands groupes non seulement continuent de faire des bénéfices, mais augmentent tous leurs profits en spéculant sur de la nourriture. Nous n’avons pas à accepter un monde où on galère pour un besoin aussi basique que celui de se nourrir, nous n’avons pas non plus à accepter que des régions entières de ce monde risquent la famine en 2022 !

Heureusement, les premières luttes commencent déjà à émerger. Après le creux de la pandémie, c’est le retour de processus révolutionnaires comme au Sri Lanka, le retour des grèves dans des pays où elle semblait disparue comme l’Angleterre et l’Allemagne. C’est aussi le retour d’une vague de syndicalisation – la plus forte depuis les années 30 – comme le fait la « génération U » aux États-Unis, la jeune génération ouvrière qui après avoir lutté pour le droit de vivre et contre les violences policières, s’organise aujourd’hui pour le droit de vivre de son travail, en tenant tête aux géants de Starbucks ou d’Amazon.

En France, après 5 ans de lutte de classes, après l’explosion de colère des Gilets jaunes, après les manifestations de la jeune génération Adama, de la génération climat et de la génération MeToo, après l’énorme grève des transports contre la réforme des retraites, le gouvernement de Macron se prépare à nous combattre. Il sait qu’il est minoritaire, qu’il n’a pas le soutien de la population donc il se prépare à faire passer en force ses réformes. Il se prépare à nous faire partir à la retraite plus tard, à nous diviser en s’attaquant aux chômeurs et aux allocataires du RSA, à nous faire accepter l’inflation et à faire taire toute opposition, toute grève, et toute résistance.

D’une part, il renforce depuis des années son appareil de répression. En inscrivant l’état d’urgence dans la loi, en imposant la loi sécurité globale ou en donnant toujours plus de moyens à la police et la gendarmerie. Face aux féminicides, ils offrent plus de moyens pour la police. Face à la crise écologique, Darmanin promet des "gendarmes verts". Face à n’importe quel problème, le gouvernement propose toujours plus de flics. Bref, ils se préparent à mutiler, à éborgner, voire à tuer comme ils le font depuis toujours dans les quartiers populaires et comme ils l’ont fait récemment face aux Gilets jaunes.

Face à cela, nous continuerons de dénoncer les violences policières, nous continuerons de nous tenir fermement aux côtés des familles de victimes et de crier avec force que oui, la police tue, et que tant qu’il n’y aura pas de justice, il n’y aura pas de paix !

Mais pour nous dominer, il ne leur suffit pas de renforcer la répression. Ils cherchent aussi à créer autant qu’ils le peuvent un sentiment national pour effacer la division entre les classes, et la lutte de classes du dernier quinquennat. C’est déjà ce qu’ils font depuis longtemps en construisant un ennemi intérieur, les musulmans, qui sont toujours suspecté de soutien au terrorisme, et ont subi mille polémiques et attaques : la loi séparatisme, les dissolutions d’association et la stigmatisation, en premier lieux celle des femmes musulmanes.

La logique de « guerre au terrorisme » a justifié non seulement ce racisme d’Etat à l’intérieur du pays, mais aussi les interventions extérieures de l’impérialisme français, notamment en Afrique. C’est ce qui a justifié en 2013 l’intervention de l’Armée française au Mali. Aujourd’hui, après 9 ans de présence, d’exactions et de victimes civiles, un fort sentiment contre la présence française s’est développé dans la population. Les dernières troupes de l’opération Barkhane se sont retirées du Mali il y a une semaine, mais se sont redéployées aussitôt dans les pays frontaliers. Malgré la colère montante, malgré les manifestations, malgré les jeunes qui brûlent des stations Total au Tchad ou au Sénégal, les impérialistes français n’envisagent à aucun moment de quitter le Sahel, de retirer leurs troupes et leurs grandes entreprises de la région, d’abolir le franc CFA ou d’abandonner l’uranium du Niger.

Ce rejet par la population est un problème stratégique pour l’impérialisme français, mais en aucun cas un problème pour notre classe. Contrairement à tous les politiciens, même de gauche comme Mélenchon qui regrette que la France soit chassée du Mali, nous crions haut et fort avec nos frères maliens : « troupes françaises, hors d’Afrique ! A bas la Françafrique » !

Comme si ça ne suffisait pas, les interventions de la bourgeoisie française vont bien au-delà de ses anciennes colonies. Elle a montré ces derniers mois qu’elle était prête à s’aligner sur l’OTAN et les États-Unis, à participer à d’autres conflits et aux sanctions économiques, aux embargos et à la militarisation de l’Europe.

Mieux, elle participe aussi aux menaces de guerre avec la Chine. Elle s’exerce déjà à déployer ses Rafales et ses porte-avions dans la zone info-pacifique. Des officiers de l’Armée française tentent même de nous faire croire que nous serions déjà en guerre. L’Amiral Vandier par exemple, qui n’est pas un simple soldat mais le chef d’État Major de la Marine nationale, a déclaré : « Contre la marine chinoise, nous gagnerons si nous nous battons ensemble » !

Camarades, face à leurs délires guerriers, nous devons combattre tous les préparatifs de guerre, toutes les augmentations des budgets militaires, et toute unité nationale. Face à l’ambiance de guerre, face au patriotisme qu’ils veulent imposer, nous devons renouer avec l’internationalisme de classe, avec le courage des révolutionnaires qui, même minoritaires, même à contre-courant, n’ont pas accepté que la classe ouvrière aille mourir pour défendre sa patrie. Nous ne sommes pas les amis de Bernard Arnaud, de Bolloré et des patrons français : on emmerde la guerre, on emmerde les frontières, car la classe ouvrière n’a pas de frontières !

Macron a expliqué il y a quelques jours que « la guerre tonne à nos portes » et qu’on devra « payer le prix de notre liberté ». Dans une autre interview, il a utilisé le prétexte de la crise climatique, de la sécheresse et de la guerre en Ukraine pour annoncer que c’était la « fin de l’insouciance et la fin l’abondance ». Mais personne d’entre nous n’a connu ni l’insouciance, ni l’abondance et l’objectif de ce discours est surtout d’utiliser les crises qu’ils ont eux-mêmes généré pour nous les faire payer.

Pendant qu’ils veulent nous faire payer la crise, qu’ils détruisent la planète, qu’ils préparent la guerre, que font les organisations qui se revendiquent de gauche, qui se revendiquent populaire, qui se revendiquent ouvrière ?

Les directions de la CGT et des autres syndicats n’ont pas bougé depuis le début du Covid. On nous a laissé nous battre seuls dans nos usines, d’abord pour protéger notre santé, ensuite pour défendre nos emplois et aujourd’hui pour nos salaires. Alors que les grèves salariales se multiplient et touchent tous les secteurs d’activité, du privé comme du public, des ouvriers et même des cadres, que proposent Martinez et ses amis ?

Pour la direction de la CGT, ça sera une journée de mobilisation du secteur de la santé le 22 septembre, et une grève interpro le 29. Mélenchon, de son côté, appelle à une marche contre la vie chère un samedi, pour ne surtout pas poser la question de la grève. Aucun ne propose le moindre plan de bataille qui aille plus loin que ces journées isolées. Même si nous participerons à ces manifestations, même si nous saisirons toutes les occasions de nous faire entendre, nous le ferons en défendant nos propres perspectives, en défendant la nécessité d’un vrai plan de bataille, qui cherche à unifier dans un même combat l’ensemble de notre classe.

Ce plan de bataille devrait s’appuyer en priorité sur les grèves qui existent aujourd’hui.
Les grèves salariales de cette dernière année ont donné un élan, ont redonné la confiance à de nombreux travailleurs qui n’avaient jamais fait grève de leur vie. Là où je travaille, dans une usine qui n’avait connu ni grève ni syndicat depuis presque 50 ans, on est fiers d’avoir relevé la tête, de nous être battu et d’avoir fait grève pour nos salaires.

Mais ces premières grèves ont aussi leurs limites. Souvent, elles sont restées dans le cadre des négociations boite par boite que prévoit la loi. Divisées et désynchronisées, elles n’ont pas encore eu la force d’une lutte nationale pour les salaires. Notre première tâche et tant que militants combatifs est de chercher à coordonner ces grèves, à construire de vraies rencontres à la base entre grévistes, de vraies coordinations, que les bureaucrates syndicaux le veuillent ou non.

Dans les années 80, alors que les ouvriers de base s’auto-organisaient dans des coordinations de cheminots, d’infirmières ou de travailleurs de l’aviation, les bureaucrates appelaient ces travailleurs-là « racaille du mouvement ouvrier ». Si s’organiser nous-mêmes, reprendre nos affaires en main, et s’auto-organiser mérite cette insulte de leur part, alors on peut se réapproprier ce terme avec fierté car oui, nous sommes la racaille du mouvement ouvrier et personne ne nous fera taire !

Dans la période qui vient, il est urgent de défendre nos propres revendications, de défendre des mots d’ordre qui valent la peine de se battre toutes et tous ensemble. Contrairement à la France Insoumise qui propose une conférence nationale sur les salaires – autrement dit une discussion de plus entre patronat et syndicat – , contrairement aux directions syndicales qui ne jurent que par le « dialogue social », nous savons qu’il n’y a aucun dialogue à avoir avec ceux qui veulent nous faire payer la crise.

Il n’y a rien à attendre de Macron et sa soi-disant « nouvelle méthode » de dialogue social, rien à attendre de son Conseil National de la Refondation, et on considère que le moindre dirigeant syndical qui ira s’asseoir dans ces réunions pour discuter des retraites, de la réforme du chômage ou du RSA trahira l’ensemble de notre classe.

Dès la rentrée, partout où on le pourra, on défendra un programme d’urgence, qui ne cherche pas la discussion pacifique avec le Medef. Comme on l’a fait avec notre camarade Anasse Kazib au moment de la présidentielle, on revendique un SMIC à 1800€ net. Nous revendiquons une augmentation immédiate des salaires, d’au minimum 300€ comme l’ont réclamé les grévistes de l’aéroport de Roissy !

Mais il ne suffit pas d’obtenir des augmentations de salaires si c’est pour qu’elles soient bouffées par l’inflation juste après. De nombreux salariés en France ont eu cette année entre 2 et 3% d’augmentation, pendant que l’inflation atteint les 7%. Ce genre d’augmentation a un nom : une baisse de salaire réel. C’est pourquoi il est central que tous les salaires et les pensions soient indexés sur l’inflation, et que plus aucune augmentation ne soit en dessous de ce niveau.

Enfin, dans toutes les boîtes qui prétendent qu’elles n’ont pas l’argent pour nous augmenter, toutes celles qui veulent licencier parce qu’il n’y aurait pas d’autres choix, nous revendiquons l’ouverture et la transparence totale des comptes. Un ouvrier à qui l’on demande de sacrifier son emploi ou son salaire a le droit de contrôler par lui-même où va l’argent et la richesse qu’il a lui-même créée. Si c’est un premier pas, on sait que contrôler leur comptabilité ne suffira pas. De plus en plus, nous voulons contrôler la production : ce qui est produit, comment, et les prix. Nous devons nous attaquer en premier lieu aux grands groupes qui spéculent sur nos vies, aux grandes entreprises du secteur de l’énergie, du secteur de l’agro-alimentaire. Notre mot d’ordre est clair : nous voulons récupérer ces entreprises et nous revendiquons leur nationalisation et leur mise sous contrôle des ouvriers et de la population, pour que plus jamais ils ne fassent du profit en jouant avec nos vies.

Mais ces quelques mesures d’urgence ne suffiront pas. Il ne suffit pas de nous battre pour nos salaires, nos emplois ou nos conditions de travail. Les questions qui se posent à nous, qui se posent à toute la société, sont des questions profondément politiques. Les canicules, la sécheresse et les incendies de cet été ont fait prendre conscience de l’ampleur du réchauffement climatique. L’ambiance de guerre se fait de plus en plus présente. Le racisme, la xénophobie, la présence de l’extrême droite se renforce de jour en jour. Les féminicides se comptent encore par centaines.

Toutes ces questions sont politiques. En tant que révolutionnaires, nous savons qu’il ne nous suffira pas de construire des syndicats combatifs, nous savons qu’il ne nous suffira pas de résister aux attaques. Depuis tous petits, on nous a expliqué à nous ouvriers et fils d’ouvriers, qu’on était trop bêtes pour faire de la politique et que ces questions-là étaient réservées à une élite, aux politiciens professionnels et à ceux qui ont fait les bonnes écoles.

Nos camarades ouvriers et tous les camarades présents ici sont la preuve du contraire.

La nouvelle génération ouvrière a montré qu’elle était capable de relever la tête, qu’elle était capable de se battre. A nous de faire de cette génération une génération qui se fixe des objectifs plus larges, qui vise l’abolition de ce système capitaliste. À nous de transformer cette nouvelle génération ouvrière en une génération de révolutionnaires !

Hier, je ne savais pas comment conclure cette intervention. Puis j’ai discuté avec les camarades de Corée du Sud, et j’ai été vraiment touché par leur histoire. Sans pouvoir tout vous retranscrire ici, je voulais vous raconter une chose. Pendant 30 ans entre les années 50 et 80, il n’y avait plus aucune organisation de gauche, plus aucun syndicat, plus un livre marxiste : tout avait été détruit. Dans les années 80 et 90 avec les premières luttes ouvrières, quelques noyaux militants ont commencé à réapparaître et à se réapproprier le marxisme, en traduisant des textes de Marx, Lénine, Rosa ou Trotsky.

Tout ça dans des conditions difficiles et illégales. Un camarade ici présent a même fait deux ans de prison pour avoir traduit des textes militants. Le courage avec lequel ces militants ont recousu le fil des idées révolutionnaires, et la passion avec laquelle ils discutent avec nous aujourd’hui est vraiment un honneur pour nous.

En plus de ces camarades, nous avons la chance d’avoir dans cette université d’été des camarades qui ont milité dans les années 90, qui ont su défendre les idées révolutionnaires dans une période de capitalisme triomphant, dans une période où toute idée d’émancipation était rejetée et associée au stalinisme. Nous avons des camarades qui ont vécu la grande grève de mai 68 et qui n’ont jamais renié leurs convictions. Nous avons des camarades comme Jean-Marc Rouillan, qui malgré ses 28 ans passés en prison, n’a jamais abandonné ses idées révolutionnaires.

Nous, la jeune génération militante, nous devons faire honneur à ces camarades et nous approprier à notre tour la pensée révolutionnaire, en l’étudiant avec autant de sérieux qu’ils l’ont fait. C’est à ce prix que nous pourrons insuffler à cette tradition toute l’énergie et la passion qui caractérise la jeunesse. C’est à ce prix que nous construirons une nouvelle tradition révolutionnaire en France et que nous finirons enfin par nous libérer de nos chaînes.


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Gaëtan Gracia, CGT Ateliers de Haute-Garonne

Militant à la CGT Ateliers Haute-Garonne
Twitter : @GaetanGracia

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