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Dans les éditos du week-end

La presse hexagonale applaudit Tsipras des deux mains

Martin Noda Jeudi dernier Tsipras a présenté à ses créanciers une nouvelle proposition pour débloquer les négociations et obtenir un nouveau « plan d'aide » pour la Grèce. Sans respecter le résultat du référendum de dimanche dernier et en faisant une proposition encore pire que celle qu'il avait refusé quelques jours auparavant, Tsipras a pourtant reçu un satisfecit avec mention de la part de la presse hexagonale.

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« Compromis »

Libération de samedi sortait ainsi un édito avec pour titre « Compromis ». Pour Laurent Joffrin le pire, à savoir une sortie de la Grèce de la zone euro, a été évité. L’extrême droite et la gauche radicale ont été battues, politiquement, et Joffrin s’en félicite. L’accord, s’il se concrétise, et même s’il ne satisfait pas toutes les parties et « surtout pas le peuple grec », arrive à résoudre ce qui est essentiel : il « maintient la Grèce en Europe [sic] et lui procure de quoi honorer ses échéances ». La Grèce reste en Europe, que Joffrin se rassure, lui qui est moins fort en géo qu’en éco, semble-t-il. Cela évitera d’énormes dépenses pour remettre à jour l’ensemble des manuels scolaires et les planisphères. Mais pour « rester en Europe », Athènes doit continuer à payer. C’est le plus important.

Joffrin ne regarde pas à la dépense quand il s’agit d’éloges : « on pourra tout dire d’Alexis Tsípras, sauf une chose : qu’il manque de courage ». Mais celui qui est ovationné, le grand acteur, en dernière instance, c’est le gouvernement français qui a « joué un rôle discret mais décisif dans une négociation entre leaders libéraux et militants de la gauche radicale qui débouche sur une solution... sociale-démocrate. ». On était déjà habitués à la défense de François Hollande par Libération, mais avec Joffrin, on est toujours surpris. Il ne suffit pas de dire que Hollande n’est pas libéral, mais l’accord austéritaire ne le serait pas non plus. Il serait simplement social-démocrate : la bonne solution, le juste milieu entre extrême droite et gauche radicale.

La « mue gaullienne » de Tsipras

« Grèce : retour à la sagesse » : voilà pour le titre de l’éditorial du Monde. Pour Jérôme Fenoglio, « Les dernières propositions formulées par le gouvernement grec offrent cette possibilité de revenir à la raison [et] d’éviter ce dont personne n’a envie [ :] une sortie de la Grèce de la zone euro, aux conséquences ravageuses pour ce pays et pour l’Europe. ». Certes, une sortie de l’euro dirigé par les capitalistes serait une catastrophe pour les travailleurs grecs. Une dévaluation aurait comme conséquence une chute brutale du pouvoir d’achat, comme cela est arrivé en Argentine, en 2002. Mais continuer avec l’austérité et l’approfondir, comme le fait Tsipras, ce n’est pas le retour à la raison, sauf si on raisonne pour trouver les moyens de continuer à spolier le peuple grec.

Mais, en analysant plus profondément la situation en Grèce, l’éditorialiste du Monde, explique que le résultat du référendum de dimanche dernier renforce le gouvernement de Tsipras pour avancer avec les réformes structurelles et discipliner sa majorité parlementaire. Ainsi « sa mue gaullienne –référendum suivi d’un vote au Parlement –lui donne une assise politique très large en Grèce, comme aucun dirigeant n’en a disposé à Athènes depuis bien longtemps ». Des applaudissements pour Tsipras, qui nous montrent le seul chemin alternatif à la sortie de la Grèce de la zone Euro : des applaudissements pour celui qui va réussir finalement à appliquer l’austérité. Une véritable leçon de réalisme politique et, de surcroît, le meilleur moyen de s’affronter à l’extrême droite qui pousse pour une rupture de l’Union Européenne, selon Fenoglio

Le populisme ne paie plus

Gaëtan de Capèle, l’éditorialiste du Figaro, préfère ne pas gaspiller ses applaudissements pour Tsipras, mais de les réserver pour l’accord trouvé avec les organismes internationaux. Dans la même ligne que Le Monde, de Capèle nous dit que le pire a été évité et que la Grèce continue dans la zone euro. Cependant c’est « La preuve par Tsipras » (titre de l’édito) que le populisme ne paye pas. « Aucun populiste n’a la recette pour raser gratis ». C’est une fin de non recevoir, pour Le Figaro, pour l’ensemble de la « gauche radicale », qu’il s’agisse de Podemos pour l’Etat espagnol, ou du Front de Gauche de Mélenchon. Aucun n’offre de solutions, pas plus que le Front National. Tous ces partis sont, pour de Capèle, des partis populistes qui ne peuvent offrir d’alternative, parce que il n’y en a pas. La seule solution est l’austérité pour payer la dette.

Si « la bombe grecque semble bel et bien désamorcée », s’il semble qu’un accord est à la portée de main, il faut cependant se méfier. Il faut bien contrôler Tsipras qui, aujourd’hui, se serait bien comporté mais, comme il s’agit d’un populiste, n’a pas de parole. « Il va de soi qu’aucun écart, fût-il minime, ne pourra être toléré dans l’avenir et que [Tsipras] devra rendre des comptes régulièrement à ses créanciers ». Pour de Capèle le pouvoir est dans les mains des créanciers, qui sont ceux qui possèdent les titres de la dette, la souveraineté grecque, et même le gouvernement. C’est devant eux, et seulement devant eux, que Tsipras doit rendre comptes. Mais que Tsipras ne respecte pas ses promesses n’est qu’une demie vérité. Certes, il n’a pas respecté ses promesses de campagne et il n’a même pas respecté le résultat du référendum auquel il a appelé. Mais ceci n’est pas important pour ce journal de droite : Tsipras n’a pas de comptes à rendre devant le peuple grec. Ce qui importe, c’est de tenir ses promesses face à la Troïka.

Des applaudissements pour Tsipras, le grand prestidigitateur qui transforme le « non » à l’austérité en un « oui », avec l’excuse qu’en réalité, il s’agissait d’un « non » à la sortie de l’euro. Applaudissons Tsipras, qui approfondira l’austérité, encore plus que ses prédécesseurs de droite. Applaudissons le courage de Tsipras à s’affronter aux souhaits populaires au lieu de s’affronter à l’impérialisme. Voilà ce que proposent les médias hexagonaux. Certes, Tsipras est un bon comédien, mais, malheureusement, on n’est pas au théâtre.


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