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La schizophrénie dans une société d’exploitation et d’oppression

Nous ne pouvons pas échapper à notre temps. Nous vivons une époque profondément réactionnaire : exploitation, oppression et souffrance font partie du quotidien de l'écrasante majorité des milliards de personnes qui habitent cette planète.

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Les patients schizophrènes, et tous celles et ceux qui subissent des troubles de la santé mentale en général, n’échappent évidemment pas à cela. Bien au contraire. Souvent, ils la payent au prix de profondes souffrances, voire de leur propre vie. Rares. Ultra-rares sont celles et ceux qui ont la chance de pouvoir suivre des traitements plus sophistiqués, qui sortent du simple « bourrage avec des médicaments ». Des traitements que certains qualifient « d’alternatifs » et qui permettent aux patients schizophrènes d’avoir la possibilité de mener une vie « comme tous les autres ». Même s’il faudrait se demander quelle vie mènent « tous les autres » ?

En France, on estime que 600.000 personnes sont atteintes de schizophrénie. Autrement dit, 1% de la population totale du pays. Il s’agit d’une maladie très complexe qui trouve partiellement son origine dans le domaine de la génétique, bien qu’on en soit loin d’en trouver les causes précises. En effet, entre 10% et 20% de la population mondiale serait génétiquement vulnérable à cette maladie, mais seulement 1% la développe.

Ce qui amène beaucoup de chercheurs à se poser la question de savoir si les facteurs sociaux pourraient favoriser le déclenchement de la schizophrénie chez certains individus. Ainsi, des recherches indiquent que les habitants des zones urbaines auraient entre 1,5 et 3 fois plus de chances de développer la schizophrénie que ceux des zones rurales. Un autre groupe social particulièrement vulnérable serait celui des migrants, et parmi ceux-ci les immigrés venus de pays où la population est majoritairement noire.

Cela s’expliquerait par le fait que ces individus sont exposés à une forte « concurrence sociale » où une expérience de long-terme dans une position sociale subordonnée (« défaite sociale ») pourrait faciliter le développement de la maladie. Jean-Paul Selten et Elizabeth Cantor-Graae écrivent dans le The British Journal of Psychiatry en 2005 que « la discrimination pourrait certainement contribuer à l’expérience de défaite [sociale] vécue par les migrants. Il est à noter qu’une étude aux Pays-Bas a estimé que la discrimination perçue était un facteur de risque pour le développement de symptômes psychotiques ».

Quant aux traitements, le New York Times a publié récemment un article sur les résultats d’une recherche d’un groupe de psychiatres aux Etats-Unis (où deux millions de personnes sont diagnostiquées schizophrènes). Cette recherche pointe l’importance des traitements basés sur l’échange et le dialogue avec le patient, sur l’engagement de la famille, la compréhension par celle-ci de la maladie et la réduction des doses des médicaments antipsychotiques, qui ont souvent des effets indésirables très lourds pour les patients.

Selon les conclusions de l’étude, « les patients qui reçoivent de plus petites doses d’antipsychotiques et un traitement mettant plus d’emphase dans la thérapie de discussion un à un et un soutien plus grand de la famille, font des plus grands progrès dans la récupération au cours des deux premières années de traitement que les patients qui reçoivent l’habituel traitement axé sur les médicaments ».

Evidemment, ces recherches sont encourageantes et permettent de trouver de meilleurs traitements pour les patients schizophrènes, avec le moins d’effets indésirables. Mais encore une fois, il s’agit de traitements qui impliquent beaucoup de facteurs sociaux très difficiles à réunir, notamment dans une société aussi brutale et violente que le capitalisme.

Le premier serait une politique de la part des Etats et des gouvernements qui donne les moyens financiers aux hôpitaux et cliniques publics pour faire face à cette question de santé publique, et qui permette aux patients de suivre des traitements adaptés – et de qualité – totalement gratuits. En temps de crise économique, c’est tout le contraire que l’on observe. Et cela sans dire que les questions liées à la santé mentale sont très souvent traitées non pas sous l’angle de la santé publique, mais sous celui de la « sécurité » : aux Etats Unis, cette question est posée régulièrement suite aux fusillades qui ont lieu dans les campus universitaires ou dans les lycées… Il s’agirait donc d’empêcher que les « fous tuent des innocents ».

D’autre part, l’implication des familles dans le traitement peut aussi devenir un obstacle important. Evidemment, cela vise à lutter contre le fait que, parfois, des familles abandonnent le parent schizophrène. Or, souvent (très souvent) c’est aussi à l’intérieur de la famille elle-même que naissent les traumatismes. Sans parler des tabous liés aux maladies psychiatriques.

Nous vivons effectivement dans une société où l’exploitation et l’oppression sont des éléments structurels. En ce sens, ces facteurs ne peuvent pas être négligés dans le traitement des maladies psychiatriques dont une partie repose sur des facteurs sociaux (même si des recherches sont encore à approfondir dans ce domaine).

Cependant, face à une société qui nous détruit physiquement et psychologiquement (comme tant de cas de souffrance au travail et autres peuvent en témoigner), on ne peut que faire l’hypothèse qu’une élimination des sources de souffrance et de traumatismes liées à l’exploitation et aux oppressions, intrinsèques au capitalisme, pourrait réduire largement les facteurs rendant la vie des schizophrènes et autres patients psychiatriques aussi difficile. Se débarrasser du capitalisme, ce serait en ce sens un premier pas très significatif du traitement social des maladies psychiatriques.

Alors oui, nous sommes prisonniers de notre temps, mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas nous battre pour bouleverser ce temps, pour bouleverser notre époque. Renverser l’existant. Construire un temps nouveau. Une société nouvelle débarrassée de l’exploitation et des oppressions. C’est une question de survie...


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