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Tchao Pantin

Laurent Berger quitte la direction de la CFDT, pour mieux quitter le mouvement ?

Alors qu’une majorité de la population veut que le mouvement contre la réforme des retraites se poursuive, Laurent Berger a annoncé aujourd’hui qu’il quitterait la direction de la CFDT en juin. Un signal supplémentaire de son désir d’en finir avec la mobilisation.

Joël Malo

19 avril 2023

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Dans une longue interview au Monde, publiée ce mercredi matin, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, annonce qu’il quittera ses fonctions le 21 juin prochain. Il devrait laisser la place à l’actuelle numéro 2 de la confédération, Marylise Léon. « J’ai beaucoup d’autres aspirations – par exemple consacrer plus de temps à ma famille, à mes amis » explique notamment Laurent Berger.
 
Si le dirigeant de la CFDT, affirme que la décision aurait été prise de longue date, cette annonce n’a évidemment rien d’anodin. Elle s’inscrit dans la volonté réitérée du dirigeant syndical de refermer la séquence du mouvement des retraites après le 1er mai. De ses déclarations assurant reconnaître par avance la décision des « sages » du Conseil constitutionnel ou affirmant que la « CFDT ne fera pas des manifestations pendant six mois », le leader de la CFDT cherche ces dernières semaines une porte de sortie.
 
Face à une colère toujours forte, alors que 60% de la population souhaite la poursuite de la mobilisation et que près de 300 rassemblements étaient organisés ce lundi contre l’allocution de Macron, le signal est clair. Ce que prépare Laurent Berger, comme il l’exprime dans cette interview, c’est le retour progressif à la discussion avec Macron et ses ministres et l’enterrement du mouvement.
 
Dans ce cadre, le 1er mai doit faire office de baroud d’honneur, comme l’affirme explicitement Laurent Berger : « Le risque serait de faire croire aux salariés que c’est la succession de journées de mobilisation qui feront revenir le président de la République en arrière alors qu’il y en a eu douze et qu’il ne nous a ni reçus ni écoutés. Je n’ai pas envie de faire perdre des journées de salaire, du fait de grèves, à des travailleurs de la deuxième ligne, en faisant miroiter une issue positive et en terminant avec des mobilisations chétives, à 100 000 personnes dans la rue sur toute la France. »
 
Un aveu brutal de l’inefficacité de la stratégie portée par l’intersyndicale depuis le 19 janvier. Les perspectives énoncées dans cette interview expliquent en effet que la suite du dossier se réglera loin de la rue, en évoquant « la deuxième demande de référendum d’initiative partagée – sur laquelle le Conseil constitutionnel doit se prononcer le 3 mai » ou la contestation « devant le juge administratif des décrets d’application »…

Cette attitude est le débouché naturel de la logique de pression institutionnelle adoptée par l’intersyndicale depuis le début du mouvement. Laurent Berger a ainsi multiplié les marques de déférence et de respect envers toutes les institutions, et a maintenu le mouvement dans une attitude de pression vis-à-vis des députés, puis des sénateurs, puis de Macron, puis du Conseil constitutionnel. Ainsi, Laurent Berger a multiplié les sorties pour condamner des violences, des excès, refuser le blocage de l’économie ou les velléités de grève générale – jusqu’à condamner la violence de ses propres propos alors qu’il appelait ces derniers jours à « casser la baraque » le 1er mai.
 
Pour le résumer, le bilan que tire le leader cédétiste pourrait être celui-là : j’ai été gentil et respectueux mais personne ne m’a écouté. Une vertu pour Laurent Berger qui conclut : « A titre personnel, vous ne trouverez personne qui pourra dire que je lui ai manqué de respect : quand on exerce des responsabilités dans la vie publique, ce n’est pas rien. » Quand dans le même temps le leader CFDT assume que « le président de la République s’est essuyé les pieds sur les travailleurs et les travailleuses », pas sûr que ces derniers lui soient reconnaissants d’avoir été poli et bienséant jusqu’au bout…

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Plus largement, cette interview témoigne de l’impasse et de l’impuissance à laquelle fait désormais face le syndicalisme d’accompagnement et de collaboration de classe qu’incarne Berger depuis 10 ans. Face à une bourgeoisie qui n’est prête à aucun compromis et à aucune concession, les stratégies de pression et de dialogue sont vouées à l’échec. Alors que l’intersyndicale s’est largement adaptée à cette logique depuis le 19 janvier, il est fondamental de discuter de la nécessité d’une autre stratégie, qui assume de chercher les moyens de construire le rapport de forces par la grève.
 
De fait, les travailleurs ne sont pas prêts à lâcher l’affaire, et c’est probablement ce qui a empêché la CFDT de quitter jusqu’ici le navire, comme elle avait pu le faire lors des grands mouvements sociaux de 2003 ou de 2010. Plus que jamais ceux qui voient la nécessité de construire le mouvement doivent se regrouper pour proposer une alternative à la stratégie perdante imposée par Laurent Berger et le reste de l’intersyndicale. Face à un Macron déterminé à détruire nos conditions de vie et de travail, seul un saut dans la coordination et l’organisation des forces conscientes de la nécessité d’un large rapport de force et de la grève générale peut permettre une issue positive pour notre classe. C’est la tâche que se propose de relever le Réseau pour la grève générale ces derniers mois, et qu’il entend poursuivre après sa réunion nationale ce mardi.


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