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Le « Leave » qui aura été entendu autour du monde

Le « Brexit » l’emporte : le Royaume-Uni quittera l’Union européenne

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C’est le « Leave » qui aura été entendu autour du monde. A 51,9%, les électeurs britanniques se sont prononcés hier en faveur du départ du Royaume-Uni de l’Union européenne. Une décision à conséquences nationales importantes, certes, mais également européennes. Celles-ci ne se sont pas faites attendre : dès l’ouverture des marchés ce matin, les bourses européennes étaient en chute libre et la livre sterling en pleine dégringolade.

Ivan Matewan

Le Premier ministre conservateur David Cameron s’est fait prendre à son propre jeu. Alors qu’il avait organisé ce référendum sur le maintien ou non du Royaume-Uni dans l’Union européenne afin d’apprivoiser l’aile ultra-droite de son propre parti, c’est finalement celle-ci qui remporte la partie.

Les sondages publiés à la veille du scrutin montraient tous à quel point il était difficile de prédire l’issue du référendum. Les deux camps – « Remain » et « Leave » – se retrouvaient, toutes choses considérées, à quasi-égalité. Aux alentours des 5 heures du matin, le gouvernement a finalement annoncé la victoire du « Leave » avec 51,9 % des voix exprimées et une participation de plus de 70 %.

L’eurosceptique et xénophobe Nigel Farage, chef du Parti de l’Indépendance du Royaume-Uni (UKIP, extrême-droite), s’en est félicité aussitôt, décrivant la journée comme « le jour de l’indépendance du Royaume-Uni ». Avec son discours populiste xénophobe et de droite habituel, il a affirmé qu’il s’agissait du triomphe des gens « décents » sur les grandes entreprises multinationales et les banques qui souhaitaient rester dans l’Union européenne. Grand vainqueur du référendum, il n’a pas hésité à crier victoire, vantant que le peuple britannique a pu se libérer de l’Union européenne « sans avoir eu à tirer une seule balle. »

Du côté des marchés financiers, l’annonce du « Brexit » a déclenché un krach boursier conséquent. Les bourses européennes étaient en chute libre ce matin. A l’ouverture, la Bourse de Paris a perdu 8 % et celle de Londres plus de 7 %. La chute la plus brutale s’est produite à la Bourse de Francfort qui a sombré plus de 10 %. Quant à la livre sterling, elle était en pleine dégringolade, perdant plus de 10 % de sa valeur par rapport au dollar pour atteindre son niveau le plus bas depuis 1985. Les commentateurs économiques n’ont pas attendu de multiplier les mises en garde, qualifiant cette réplique de la « même ampleur que la faillite de de Lehman Brothers » aux Etats-Unis en 2008. L’agence de notation SP est même allée jusqu’à déclarer que le Royaume-Uni pourrait perdre son « triple A ».

Une crise politique importante s’est également ouverte avec l’annonce du « Brexit ». Dans un discours prononcé devant le bureau du Premier ministre au 10 Downing Street à Londres, le Premier ministre a annoncé sa démission prochaine. C’est une lourde défaite politique pour David Cameron qui avait jusqu’à présent réussi tous ses paris politiques. Cette décision aura des conséquences profondes sur le paysage politique britannique. Les secteurs les plus rétrogrades des classes dominantes et leurs partis xénophobes et nationalistes se verront certainement renforcés dans les semaines et les mois à venir. En Écosse et en Irlande du Nord, des voix dissidentes appellent à l’organisation de nouveaux référendums. La Première ministre écossaise Nicola Sturgeon a exprimé son souhait d’organiser un référendum sur l’indépendance de l’Écosse, où l’électorat était majoritairement en faveur de rester dans l’UE. Le président honorifique du Parti républicain nord-irlandais Sinn Féin, Declan Kearney, a affirmé, lui, que la victoire du « Brexit » dans l’ensemble du Royaume-Uni devait impulser l’organisation d’un référendum sur l’unité irlandaise.

La victoire du « Brexit » constitue également une crise politique considérable pour l’Union européenne et les classes dominantes européanistes. C’est la première fois qu’un pays capitaliste européen de l’importance du Royaume-Uni remet en cause cet outil formidable pour la bourgeoisie de coordination et d’attaques contre le monde du travail et la jeunesse qu’est l’Union européenne. La conséquence, en dernière instance, de huit ans de crise capitaliste et de la prolifération des discours populistes xénophobes, mais aussi des illusions parmi les classes populaires quant à la possibilité d’échapper à des conditions de vie de plus en plus dégradées juste en sortant de l’UE. Les gouvernements européens respectifs se sont tous réunis d’urgence ce matin pour discuter de la façon de procéder face à la gravité de la situation pour eux. Une réunion extraordinaire est également prévue à Bruxelles où les dirigeants se disent « en état de choc ».

L’extrême-droite européenne était, elle, au contraire, en état d’euphorie à l’annonce du « Brexit ». Marine Le Pen a salué « la victoire de la liberté » sur Twitter ce matin. « Comme je le demande depuis des années, il faut maintenant le même référendum en France et dans les pays de l’UE » a-t-elle poursuivi. Les populistes de droite à travers le continent se sont mis à appeler à multiplier de tels référendums. Aux Pays-Bas, les leaders de l’extrême-droite ont jugé que « le chemin vers le futur et la libération » a été montré par les Britanniques. En Italie, le leader de la Ligue du Nord a également rejoint le chœur.

David Cameron a annoncé qu’il transmettrait les clés au niveau leader du Parti conservateur à l’issue de la conférence du parti en automne prochain, laissant à son successeur la tâche de mettre à exécution la décision du référendum.

Pour le moment, bien que la réaction des marchés ait été forte mais en cohérence à ce à quoi on pouvait s’attendre, le scénario reste ouvert. Afin de faire face au choc, les banques centrales ont déjà annoncé leur intervention, y compris par l’injection des liquidités considérables. Les prochains jours montreraient si cette tentative de stabilisation des marchés financiers marchera comme escompté.

C’est bien sur le plan politique que le risque est le plus élevé. Ce départ du Royaume-Uni de l’Union Européenne est une première qui pourrait bien crée un précédent. Bien qu’une victoire du « remain » n’aurait en rien été profitable aux salariés et aux classes populaires, la victoire du Brexit engage le paysage politique dans un virage à droite, lequel favorisera avant tout les secteurs les plus rétrogrades de la bourgeoisie anglaise et leurs partis les plus xénophobes et réactionnaires. Le renforcement de l’ultra-droite ne saura qu’inaugurer une nouvelle série d’attaques contre les travailleurs et les jeunes du pays.


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