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Argentine

Le FIT à une semaine de faire histoire

A quelques jours des élections présidentielles, les 3 principaux candidats des patrons peinent à progresser. L'extrême gauche, par contre, peut obtenir un résultat historique pour des élections présidentielles.

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Fernando Rosso

Scioli, Macri et Massa, les trois principaux candidats à la présidentielle peinent à progresser dans les sondages. Scioli est autour de 39 %. Ces derniers jours, il a eu plus de succès à diviser le soutien de l’opposition traditionnelle entre les deux autres candidats qu’à faire augmenter ses propres voix. Pour l’instant il n’arrive pas aux 40 % qui, avec une différence de 10 % avec le deuxième, lui permettrait d’éviter le ballottage.

Pour sa part, Macri stagne autour de 24 % et il serait au deuxième tour seulement si Scioli ne dépasse pas les 40%. Massa, qui rêve de dépasser Macri, après avoir progressé, a l’air de revenir aux 17 % obtenus lors des primaires.

La stratégie du Kirchnerisme, parti au pouvoir et dont Scioli est le candidat, semble avoir changé dans la dernière étape de la campagne. Au début son objectif était d’arriver aux 45% nécessaires pour gagner dès le premier tour sans que le score du deuxième candidat n’importe. Pour cela, il cherchait la polarisation. Puis, voyant que les 45% étaient inatteignables, il a décidé d’aider Massa pour mieux diviser l’opposition et s’assurer un avantage de 10%. En exemple de cette « petite » aide, on peut mentionner le journaliste Gustavo Sylvestre, un soutien inconditionnel du kirchnérisme, qui, tous les jours, invite à ses émissions un candidat des listes de Massa.

L’impasse dans laquelle se trouvent les trois forces traditionnelles qui disputent la présidence met en évidence leur incapacité à enthousiasmer les couches populaires. Ceci est une démonstration du fait que, face à la crise économique, les différences de projets – qui se basent seulement sur les rythmes de l’austérité - ne permettent pas d’obtenir un soutien populaire.

Tous les candidats – même la « progressiste » Margarita Stolnitzer – ont participé au colloque annuel IDEA qui regroupe patrons et chefs d’entreprise. La seule exception à été Nicolas del Caño du FIT. Lors de ce colloque, le kirchnerisme a même applaudi les partisans du paiement de la dette aux fonds vautours, ce qui contraste avec ses déclarations au cours de la campagne électorale. Si, devant les caméras, ils disent une chose, et devant les patrons une autre, il faut croire qu’ils disent la vérité aux patrons et que le reste n’est que pure démagogie.

L’évident épuisement du modèle économique, sans néanmoins l’ouverture d’une crise catastrophique, implique la configuration d’un scénario particulier, certes contradictoire, mais qui ouvre la possibilité du développement de l’extrême gauche représentée par le FIT. Cependant, ce qui tend à primer est une situation conservatrice, sans radicalisation et seulement avec quelques épisodes de lutte de classes.

Dans cette situation, il faut se souvenir de l’adage de Lénine : il ne peut pas y avoir un parti révolutionnaire sans un mouvement révolutionnaire réel. Cependant, l’absence d’une explosion chaotique de l’économie empêche l’émergence des illusions et des demandes pragmatiques « pour sauver la nation ».

Dans ce cadre, la dynamique du processus social et politique permet le renforcement et la consolidation, certes de façon évolutive mais constante, d’un pôle inédit, politique et social, de l’extrême gauche qui a la possibilité de faire un score historique pour une élection présidentielle.

Deux éléments additionnels s’ajoutent pour comprendre le scénario actuel : la crise de toutes les composantes de la gauche historique – le progressisme – et un contexte où l’ensemble des coalitions politiques ont fini par être représentées par leur référents les plus à droite : le kirchnerisme derrière Scioli, le parti radical derrière Macri. Margarita Stolbizer n’est pas une exception car elle est l’une des référents les plus conservateurs de tous ceux qui auraient pu se présenter pour représenter le « progressisme ».

Ce « consensus à droite » de toutes les forces politiques pèse sur l’agenda idéologique – la question sécuritaire et le renouveau de l’église avec le pape – mais il trouve une limite dans le rapport de forces avec les classes populaires.

L’extrême gauche dans les dernières décennies

Un petit rappel des scores de l’extrême gauches lors des élections présidentielles des dernières décennies permettra de mieux comprendre l’importance de l’élection de cette semaine.

En 1983 les trois candidats de l’extrême gauche obtenaient, en tout, 0.46 % des voix, en 1989 deux listes obtenaient 2.72 % (2.45 % appartenaient à Izquierda Unida – Gauche Unie – qui obtenait un député national). En 1995, trois candidats faisaient 0.61 % et en 1999 1.63 %. En 2003, deux listes obtenaient 2.44 %. Pour finir en 2007, trois listes (une d’entre elles prédécesseur du FIT) faisaient 1.80 % des voix.

Il faut prendre en considération que le critère utilisé pour prendre en compte les listes de l’extrême gauche est assez arbitraire – dans certains élections on aurait pu inclure d’autres forces en plus – mais on est aussi assez généreux car on considère le Parti Communiste – qui aujourd’hui est presque dilué dans les files du kirchnerisme – ou le MST qui s’est dilué dans différentes alliances avec le progressisme. Il faut souligner qu’en 2003 une expérience de gauche « autonomiste » - menée par Luis Zamora- avait obtenu de très bons scores à Buenos Aires, mais ce parti s’est effondré pendant les années de « restauration » kirchneriste. Deux ans auparavant, peu avant la crise de 2001, le vote à l’extrême gauche ou en blanc ont eu de très bons scores pendant les législatives, en particulier dans la ville de Buenos Aires et dans la province de Buenos Aires.

Aux présidentielles de 2011, la formule présidentielle Jorge Altamira – Christian Castillo du FIT a obtenu 503.370 voix, ce qui représentait 2,30 %. Lors des législatives de 2013, le FIT a recueilli 1.200.000 voix dans tout le pays – autour de 5% - en conquérant trois députés nationaux et plusieurs députés provinciaux et des élus locaux. Dans plusieurs régions, le FIT a obtenu des résultats historiques, notamment à Salta ou à Mendoza où Del Caño a fait 17 % des voix dans la capitale de la province. Dans d’autres (Córdoba, Jujuy, Neuquén), les résultats du FIT oscillent entre 9 et 12 % lors de différentes élections.

Lors des primaires du mois d’août, les deux listes du FIT recueillaient 732.852 voix, soit 3,25 %, et la formule Nicolás del Caño-Myriam Bregman s’imposait sur celle de Jorge Altamira-Juan Carlos Giordano.

Toute cette histoire mériterait une explication liée à l’évolution du conflit de classes (l’après dictature, le menemisme néolibéral, la crise de 2001) et même un cadre international, ainsi que les bons et mauvais choix de l’extrême gauche. Mais on veut seulement pointer les résultats électoraux pour comprendre l’importance des possibilités actuelles par rapport à la dernière période.

Le défi et l’histoire

Pour le 25 octobre, la liste du FIT avec Nicolás del Caño comme candidat à la présidence est l’une des six listes qui se présentent. Elle concentre toutes les voix de l’extrême gauche dans un pôle unifié de toutes les forces qui se revendiquent trotskystes. La possibilité de faire un score similaire à celui de 2013 implique que le FIT ferait la meilleure élection présidentielle de l’extrême gauche des derniers 40 ans.

Mais il faut aussi considérer d’autres facteurs qui vont au-delà de l’arithmétique électorale. Le FIT a la possibilité d’augmenter sa présence déjà inédite au parlement – aujourd’hui trois députés. Il est près d’en obtenir au moins deux autres, voire un maximum de cinq nouveaux députés, et d’avoir ainsi un groupe parlementaire de 8 députés. Il a aussi de grandes possibilités d’élargir sa représentation dans les assemblés provinciales – notamment à Jujuy – et d’augmenter sa présence dans d’autres – province et ville de Buenos Aires, Córdoba, Mendoza, Neuquén et Salta.

Avant leur émergence politique-électorale, les forces du FIT ont conquis des positions et des forces militantes dans le mouvement ouvrier – le PTS a été à l’avant-garde dans l’industrie – dans le mouvement étudiant et dans le mouvement féministe.

Pour le nouveau gouvernement, ce sera de plus en plus difficile d’avancer lentement vers l’austérité. Aucun des assesseurs économiques de Macri, Massa ou Scioli n’a nié la possibilité d’une dévaluation et tous cherchent des moyens de continuer avec l’endettement du pays. La structure de l’économie cumule de grandes contradictions qui mènent vers l’austérité – et tous reconnaissent qu’ils essayeront de l’appliquer, et qui, dans une certaine mesure a déjà commencé – et à l’affrontement entre les classes sociales.

L’enjeu du 25 octobre n’est pas seulement de faire la meilleure élection présidentielle de l’extrême gauche des dernières années, mais aussi la possibilité – et le besoin – de renforcer et de consolider ce pôle politique et social qui pourrait s’affronter à l’austérité et imposer une sortie de crise qui bénéficierait aux travailleurs. Un défi historique.


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