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La jeunesse à l'aune du néo-libéralisme

Le Percent à Bordeaux : quand la mairie et le système n’ont que des coups de matraque à offrir aux lycéens et aux étudiants

Le Percent c'est une tradition lycéenne pratiquée notamment dans la région d'Aquitaine mais aussi dans d'autres régions comme dans les Deux-Sèvres et son chef-lieu, la ville de Niort ou la Charente-Maritime à la Rochelle et à Saintes. Il est pratiqué aussi, mais avec moins de succès, dans la Loire, le Maine-et-Loire, le Finistère et enfin en Alsace-Lorraine. 100 jours exactement avant la première épreuve du baccalauréat, les lycéens de Bordeaux et des alentours se réunissent pour entarter avec de la farine, des œufs et et du ketchup ceux de Terminale qui finissent le lycée, engageant de petites batailles entres lycéens. Parfois, quelques débordements s'ensuivent : des vitrines ou des passants enfarinés, rien de très méchant, mais jugé suffisamment grave par un gouvernement répressif et autoritaire, qui ne cesse de faire preuve de sa violence.

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Cette année, tout comme l’année dernière, la Mairie de Bordeaux a préparé un dispositif de dissuasion important, tant par le biais d’internet que matérialisé par les forces de l’ordre. Apparemment, les lycéens déchagrinés ne sont pas du goût de la mairie de Bordeaux... Peut-être qu’en créant quelques emplois fictifs, ils pourraient bien les occuper ? Qui sait… Juppé est un expert en la matière à vrai dire. Ce qui est sûr c’est qu’à l’heure actuelle, nombre d’évènements festifs dégénèrent. Ce fut par exemple le cas de la dernière Coupe d’Europe où des ultras et supporters ont laissé un arrière-goût amer au bilan de cette Coupe ; ou encore les fêtes de Bayonne où des viols et des meurtres ont été déjà à l’ordre du jour mais dont l’événement n’a jamais été remis en cause. Et la distinction entre ces évènements et le Percent, même si l’échelle n’est pas la même, semble avant tout d’ordre lucratif. Bien-sûr, dépenser quelques euros dans une douzaine d’œufs, deux kilogrammes de farine et un pot de ketchup ne se compare pas aux centaines d’euros dépensées par les milliers de fêtards lors des championnats de football ou les fêtes annuelles traditionnelles qui dégénèrent dans de vraies batailles et qui laissent des bilans bien plus noirs que ceux du Percent bordelais.

La presse, dans un élan de sensationnalisme, a évidemment fait des siennes. Les journalistes y évoquent des « tenues de combats », comprendre quelques blouses blanches, écharpes et foulards pour protéger les zones respiratoires et des lunettes de natation pour protéger la vue au milieu des jets de farine (les jeunes sont peut-être bruyants mais loin d’être imbéciles). La place de la Victoire a été le champ de bataille principal et la faculté de Bordeaux 2 la cible préférée des étudiants, des « dégradations » dans les cafés aux alentours ont eu lieu : chaises cassées ou balancées, courses affolées dans les rues adjacentes, perturbations de la circulation des trams... Et comme d’habitude la police est intervenue en empirant la situation. Intervention qui s’est soldée par des flash-balls pointés dangereusement vers les étudiants, des menaces avec des matraques télescopiques et une dizaine d’interpellations de lycéens placés en garde à vue au commissariat central de Bordeaux, accusés de s’être servi d’extincteurs pour soi-disant arroser les passants. Une fois de plus la police aide à ce que la jeunesse les détestent encore un peu plus.

Une société en décomposition engendre des fêtes décomposées

La crise dans laquelle est plongée la société à tous niveaux (social, économique, politique…) reflète le niveau de décadence d’un système qui n’a à offrir que de l’incertitude aux plus jeunes : chômage, précarité, baisse des salaires et répression policière à l’intérieur des frontières tout en développant les « fleurons technologiques » de l’industrie militaire pour engendrer des guerres impérialistes sanglantes et innombrables à l’extérieur pour sauvegarder les intérêts économiques des industries nationales.

La pression des organismes appartenant à la « superstructure » est affreuse, à la télé la jeunesse se voit obligée de s’identifier à des standards de beauté normatifs, est soumise à l’hyper-sexualisation des corps : violences sexistes, violence tout court de tous les cotés, violence aussi d’un discours basé sur la réussite et l’accumulation des biens, peut importe le prix pour les obtenir… Des années à l’ère du néo libéralisme ont laissé une trace bien profonde dans le psychisme collectif.

Si la situation sociale est une catastrophe, imaginez-vous la condition des jeunes générations aujourd’hui ! Selon un étude de l’INSERM réalisée par Marie Choquet, entre 12 à 13% des adolescents sont dans une situation de « profonde détresse ». « presque tout le monde a dans son entourage un jeune dans une situation de détresse » affirme Boris Cyrulnik neuropsychiatre, « Ces sondages reflètent des désirs et pas des réalités » conclut-il.

Chaque année près de 50000 jeunes de moins de 24 ans tentent de se suicider, un chiffre extrêmement sous-évalué selon Thérèse Hannier, présidente de l’association Phare Parents-Enfants (Association de prévention contre le mal-être et le suicide des jeunes).

Les jeunes filles et les jeunes LGBTI payent le prix fort... Coïncidence ? Absolument pas ! Car en plus de subir la violence du capitalisme de plein fouet comme tout adolescent, elles subissent, et d’une façon systématique, la violence patriarcale. Pas seulement de leurs pairs adolescents mais aussi de la part des hommes adultes, et encore plus de la structure même de la société, éminemment sexiste. Certaines et certains, issus de l’immigration, subissent également une terrible discrimination xénophobe et raciale à leur encontre...

Les experts en la matière confirment les données hospitalières d’augmentation des admissions d’adolescentes pour tentatives de suicide. Leur âge moyen ne cesse de diminuer. « Dans mon service, il est passé de 17 ans à 15 ans en vingt ans » , remarque également Xavier Pommereau, psychiatre spécialiste des adolescents en difficulté, qui dirige le pôle aquitain de l’adolescent, au CHU de Bordeaux.

Vu le contexte actuel, l’interdiction du Percent démontre une étroitesse d’esprit de la part des milieux aisés et des autorités bordelaises mais surtout une politique systématique de répression et de contrôle envers ceux et celles qui seront les prochains exploités de notre société. Le message est clair : l’État veut les faire rentrer dans le moule à coups de matraque et de flashball s’il le faut.

Mais la jeunesse n’a pas dit son dernier mot, et la rumeur s’est répandue que le 10 mars il y aurait peut-être un deuxième Percent. Les « bavures » étudiantes tant décriés et condamnés ne sont-elles pas simplement le reflet d’une société malade ou l’on apprend depuis la plus tendre enfance l’individualisme et la haine envers son prochain ? Parmi de multiples explication plus ou moins bancales, il ne faut pourtant pas chercher loin : la « crise d’adolescence » n’est pas une maladie, loin de là.. Il s’agit du rejet de la jeunesse qui ouvre les yeux et comprend ce que signifie passer à l’âge « adulte » dont ils ne veulent pas faire partie, et, à vrai dire, c’est tout à fait compréhensible.

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