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Contre le « Travailler plus » de Macron

Tribune. La retraite à 60 ans c’est possible !

Ce jeudi, Emmanuel Macron annoncera les mesures qui font suite au Grand Débat. Depuis plusieurs jours, le « travailler plus et plus longtemps », pour soi-disant contribuer à la solidarité, tourne en boucle dans les rédactions. Mais que cache cette dichotomie volontaire, pour justifier à nouveau l’attaque de l'un de nos acquis les plus fondamentaux, la retraite ?

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Une bagarre idéologique

Les économistes et les éditorialistes, se relayent nuit et jour pour justifier les attaques faites au moindre des acquis sociaux obtenus grâce aux luttes des travailleurs de ce pays. Avec les allocations chômages, le SMIC ou les 35h, l’âge de départ à la retraite est l’une des batailles idéologiques majeures que mène la bourgeoisie depuis des années maintenant.

Il faut savoir tout d’abord que le système de caisse nationale d’assurance vieillesse est excédentaire depuis 2016, c’est-à-dire qu’il y a plus de cotisations perçues que de pensions de retraite versées.

Pourtant cette bataille apparaît volontairement non pas comme idéologique dans les médias, mais plutôt comme pragmatique économiquement. Mais de quel point de vue on se place ? Il est clair que pour la bourgeoisie, qui conçoit le rapport de domination et d’exploitation comme un rapport de bienveillance, presque comme de la charité faite aux travailleurs, la question de faire plus de profit en rognant sur les acquis sociaux ne se pose pas. Il y a ceux qui essayent de faire croire au monde entier, que ce sont les patrons qui font vivre les travailleurs et qu’il est normal qu’ils puissent en tirer profit.

Je suis de ceux qui affirment le contraire : sans travailleurs les entreprises n’existeraient pas et les patrons non plus. La richesse est celle produite par la classe ouvrière, sur le dos de millions de personnes exploités partout dans le monde chaque jour. Est-ce que les usines Renault ont arrêté de tourner depuis que Carlos Ghosn est en prison ? Non ! À quoi sert un patron, qui pourtant lui aura le droit à 30 millions d’euros pour sa retraite, quand les salariés de Renault travaillent pour des miettes ? Nous avons enlevé le patron de Renault et les usines tournent comme si de rien n’était, mais à l’inverse essayons d’enlever toutes les travailleuses et tous les travailleurs de Renault et laissons Carlos Ghosn tout seul pour voir combien de voiture est-il capable de sortir ! Après ce petit exemple parmi tant d’autre, voila que la question de « qui nourrit qui ? » à une autre réponse.

La retraite est au même titre une bataille idéologique, dans laquelle ont instrumentalise la solidarité, pour qu’une fois de plus ce soit ceux d’en bas qui payent ce que ceux d’en haut ne sortent pas des banques et des paradis fiscaux.

Pourtant avec la crise sociale ouverte par les gilets jaunes et les mouvements sociaux depuis plusieurs années, les inégalités se creusent de plus en plus. On a vu par exemple, lors des dons pour l’incendie de Notre Dame, que les riches ont de plus en plus de difficultés à justifier ces inégalités, créant la colère de ceux qui sont à découvert, quand d’autres peuvent sortir d’un claquement de doigt 1 milliard d’euros.

Actif contre inactif ?

On a tous déjà entendu les éditorialistes nous expliquer inlassablement qu’aujourd’hui les gens vivent plus longtemps et qu’il était normal de payer pour cela. Quoi de plus normal pour eux, que d’allonger l’âge de départ à la retraite ou le temps de travail. Nous sommes donc dans une société qui glorifie la recherche, la science, la médecine et la possibilité de vivre plus longtemps, mais de l’autre côté cette longévité ne peut servir que les intérêts du patronat. À savoir : travailler plus longtemps. A quoi cela sert donc de gagner plus d’années d’existence si c’est pour les perdre au travail ?

Lorsque le patronat a fini de faire culpabiliser les retraités de vivre plus longtemps, il fait culpabiliser les travailleurs de ne pas suffisamment travailler pour les inactifs. Dans le cas des retraites donc, faire croire que le problème est intergénérationnel, que l’époque a changé et que les retraités ne seraient que les « privilégiés » d’un âge d’or aujourd’hui révolu. Pas de meilleure définition que l’expression « diviser pour mieux régner ».

Pourtant la question centrale lorsqu’on parle des retraites, c’est de comprendre que la question n’est pas celle du nombre d’actifs et d’inactifs, mais d’assiette de cotisation retraite. Car les retraites sont payées par répartition, grâce aux cotisations salariales et patronales, reparties directement dans le versement des pensions de retraite du mois. C’est donc cette assiette de cotisation qui nous importe et non le nombre d’actif ou d’inactif. Comprenez par exemple si dix personnes cotisent chacune 10€, cela revient au même que si 5 personnes cotisent chacune 20€, l’assiette de cotisation est identique à savoir 100€ qu’on soit 10 ou 5.

C’est dans ce sens que le PIB et l’augmentation des salaires jouent un rôle central pour comprendre que si dans le passé il fallait plus d’actif pour contribuer à la solidarité, aujourd’hui l’assiette de cotisation, permet d’avoir moins d’actifs sans problème. En 1970 par exemple le coût des retraites représentait 8 % du PIB, qui a l’époque était de 140 milliards d’euros, quand aujourd’hui le cout des retraites représente 14 % du PIB qui monte à 2300 milliards d’euros. On voit donc que si le coût des retraites a augmenté, le produit intérieur brut, à savoir la richesse produite, a explosé. Quand en 1970 il restait 129 milliards pour l’investissement, le capital et les salariés, aujourd’hui malgré l’augmentation du coût des retraites il reste quasiment 1900 milliards pour le reste. Dans le même temps la part du PIB en faveur du capital et des actionnaires à largement progressé, atteignant aujourd’hui plus de 700 milliards dans l’investissement et les dividendes.

Si on projette dans les 30ans à venir avec les chiffres de croissance les plus faibles, le coût des retraites atteindra par exemple en 2050 18 % du PIB, quand celui-ci atteindra quasiment 4000 milliards d’euros selon la plupart des économistes les plus pessimistes, avec une croissance à 1,7 %. D’autres comme le cabinet d’audit économique PwP chiffre le PIB de la France à 4700 milliards d’euros en 2050. Laissant donc à minima plus de 3300 milliards d’euros pour les salariés et le capital.

Il n’y a là donc ni bataille économique, ni problème de longévité, mais bien une bataille idéologique pour rogner encore plus sur les acquis sociaux, surexploiter des travailleurs plus longtemps et renforcer le dumping social.

La retraite à 60ans et 37,5 annuités pour tous !

Avant les lois Auroux en 1982 – abaissant l’âge de la retraite à 60 ans – sous la présidence de François Mitterrand, l’âge de départ était à 65ans. Cela répond déjà à la première question qui viserait à dire que c’est impossible de revenir en arrière : cela a déjà existé et le PIB a continué à grimper, assurant le financement. Pourtant à l’époque le Medef s’était levé contre cette annonce, utilisant les mêmes refrains qu’aujourd’hui, pour faire reculer encore l’âge de départ, avec l’opposition des générations. C’est pour cela qu’il était important de comprendre dans un premier temps que la retraite se calcule par assiette de cotisation et non par nombre d’actifs et inactifs.

Il faut comprendre que dans un pays où le chômage atteint presque 10% de la population, on ne peut pas concevoir la question de la retraite, uniquement sous le prisme des travailleurs qui payent pour les retraités. Mais bien de voir que l’âge de départ à la retraite à un rôle central pour l’emploi. Dans un monde ou justement on annonce que la robotisation, l’automatisation ou encore l’intelligence artificielle vont remplacer de plus en plus l’homme, créant au passage de nouveaux emplois, cela va cependant en supprimer des millions d’autres dans les décennies à venir. En d’autres termes, alors que l’avancement technologique pourrait permettre moins de pénibilité et une baisse du temps de travail entre toutes et tous, cela se traduit en régime capitaliste par une maximisation des profits, par des licenciements, par le non remplacement des départs en retraite et par la précarisation des emplois restant et l’augmentation du temps de travail, avec l’argument-massue du risque du chômage.

Nos intérêts sont tout autres, et nécessitent de se battre pour le remplacement des départs en retraite, ainsi que la baisse du temps de travail pour partager les emplois et en finir avec le chômage de masse. Qu’allons-nous faire de la robotisation ou de l’intelligence artificielle, si elle ne sert qu’à détruire des emplois, augmenter le temps de travail et rallonger le départ à la retraite. Cela n’a aucun sens, mis à part pour les patrons qui aiment le développement non pas pour que les travailleurs profitent de leurs familles et des loisirs, mais pour faire plus de profit sur les licenciements.

Réduire l’âge de départ à la retraite à 60 ans ouvrirait déjà de nombreux emplois pour des millions de chômeurs, notamment dans la jeunesse – il y a plus de 25 % de chômage chez les 18-25ans. C’est pour cela que la durée d’occupation d’un emploi au-delà de 60ans a des conséquences directes, car elle retarde la libération d’un emploi, pour un chômeur ou un jeune après ses études. Ce que l’on paye donc en solidarité pour l’allocation chômage nous pourrions le payer pour diminuer le chômage et faire partir les gens en retraite plus tôt.

Il y’a donc non pas une seule solution que propose le patronat à savoir augmenter l’âge de départ. Mais nous en avons des dizaines à l’inverse solide et serieuse, notamment par le dégel des cotisations retraites patronales, qui augmenterait l’assiette de cotisation et le cout sur le salaire des travailleurs. L’augmentation des salaires, qui de fait augmente automatiquement la part de cotisation pour les pensions. Un économiste comme Bernard Friot chiffre à environ 3% du PIB la hausse du cout des retraites pour revenir à 60ans et 37,5 annuités, ainsi qu’un calcul de la retraite non plus sur les 25 meilleurs années comme l’avait fait passer Balladur, mais au 10 meilleurs années comme cela était auparavant à minima, voir imposer le calcul au 6 derniers mois de salaire comme dans la plus part des régimes spéciaux.

Pour les retraites, la vieillesse, la santé, les services publics, exigeons plus de taxes sur le capital et les grandes fortunes !

On vient donc chercher des centimes dans la poche de ceux d’en bas, quand ceux d’en haut, se gavent officiellement et planquent officieusement l’argent que l’on ne voit pas. La banque UBS en suisse explique par exemple qu’elle détient presque 40 000 comptes en banque de Français. Eric Vergnier chercheur à l’IRIS et spécialiste de la fiscalité estime la fraude des grandes entreprises à 100 milliards. La fraude à la TVA coûte 16 milliards chaque année en France. Dans le même temps Macron double le coût du CICE à 40 milliards d’euros, sans aucune garantie de résultat, voire pire : sans aucun résultat quand on lit le rapport du comité de suivi du CICE ou encore les derniers chiffres des créations d’emplois qui ont diminué en 2018. On estime que d’ici la fin du quinquennat Macron, l’impôt sur les sociétés aura perdu 30 milliards d’euros et pareil pour le crédit impôt recherche avec environs 6,8 milliards.

Des chiffres qui font tourner la tête, auquel nous pourrions ajouter les milliards d’économie en évasion et optimisation fiscale.

Voila donc pourquoi la retraite à 60 ans est plus que possible, sinon urgente à revendiquer par toutes et tous. Le gouvernement continue à jouer sur l’âge de départ, alors que c’est une date d’ouverture de droit à la retraite, tout en sachant qu’il faut dorénavant 43 annuités de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein. C’est dans ce sens que l’âge de la retraite à 60 ans à minima doit être accompagné de la revendication à cotiser 37,5 annuités comme auparavant et revenir sur le calcul des 25 meilleures années.

Enfin, on parle souvent des régimes spéciaux pour justifier un nivellement par le bas, mais depuis la reforme de 2010 sur les retraites, les cheminots par exemple doivent cotiser comme les salariés du privé, 43 annuités également. De plus, la reforme du ferroviaire de 2018, avec l’arrêt des embauches au « statut » vont mettre fin à la caisse de prévoyance, financée par la cotisation des cheminots au statut.

Une bataille idéologique qui vise, comme je l’ai démontré, à opposer les travailleurs, et laisser le patronat et la bourgeoisie tranquilles. Pourtant quand on analyse cette question de près, on s’aperçoit que la somme totale de la fraude fiscale, « l’optimisation » fiscale, la suppression de l’ISF, la réduction Fillon sur les bas salaires, le CICE, ou encore la fraude à la TVA, qui est la fraude fiscale la plus importante en France, couvrent très largement le coût de la retraite ou de la solidarité. Bien au contraire, les intérêts des travailleurs et des classes populaires vont dans le sens de la lutte, pour exiger une taxation directe sur le capital des grandes entreprises et sur les grandes fortunes, pour permettre le financement des retraites, des services publics actuels et pour créer une hausse générale des salaires et l’indexation des pensions et des salaires sur l’inflation.


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