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Tensions économiques

Le gouvernement allemand met sous tutelle la filiale du gazier russe Gazprom pour éviter la pénurie

Le ministre de l’économie allemand, Robert Habeck a annoncé lundi 4 avril que l’Etat allait prendre temporairement le contrôle sur la filiale germanique du géant gazier russe Gazprom. Une réponse aux tensions entre Poutine et l’Union européenne sur les exportations de gaz russe, et à la peur de la pénurie.

Ariane Anemoyannis

5 avril 2022

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Ce lundi 4 avril, le gouvernement fédéral allemand a annoncé par l’intermédiaire de son ministre de l’économie Robert Habeck que la filiale de Gazprom en Allemagne serait mise sous tutelle jusqu’au 30 septembre. Cette déclaration ferait suite à la décision de Gazprom de vendre sa filiale à deux sociétés russes, JSC Palmary et Gazprom Export Business Services LLC.

« Le gouvernement fait le nécessaire pour assurer la sécurité d’approvisionnement en Allemagne, et ceci implique notamment de ne pas exposer les infrastructures d’énergie à des décisions arbitraires du Kremlin. » a-t-il indiqué, faisant allusion aux tensions relatives aux exportations de gaz russe.

Celles-ci sont en effet au cœur du bras de fer entre la Russie et les puissances occidentales, largement dépendantes des importations russes en matière d’énergie, ce sur quoi tente de jouer Poutine pour contrebalancer les conséquences économiques des sanctions, et semer la discorde dans les rangs de l’OTAN. C’est avec cet objectif qu’a été publié un décret le 31 mars, indiquant que les exportations de gaz russe auprès des partenaires « inamicaux » devraient être réglés en rouble et non en dollar ou en euro. « Si ces paiements ne sont pas faits, nous le considérerons comme un défaut de paiement de la part des acheteurs, avec toutes les conséquences qui s’ensuivent » ajoutait-il alors.

La mise sous tutelle de la filiale allemande du géant gazier russe Gazprom est donc une réponse à ce coup de pression, et vise à éviter l’escalade autour du gaz qui pourrait avoir pour conséquence de plonger l’Allemagne dans une pénurie. L’inquiétude est en effet réelle du côté des pays de l’Union européenne. L’entreprise GRDF appelait ainsi les Français à réduire leur consommation de gaz pour pallier d’éventuelles coupures d’approvisionnement du côté de l’Etat russe tandis que Catherine MacGregor, directrice générale d’Engie s’inquiétait dans les colonnes des Echos d’une difficulté à remplir les cuves dès l’été 2022 en conséquence de la guerre en Ukraine.

Une situation qui a pour conséquence de tendre les relations au sein de l’OTAN. En effet, les scènes de guerre de Bucha et l’enlisement de la situation réveillent les contradictions de l’alliance atlantique quant à la nature et l’étendue des sanctions, en particulier concernant la position de l’Allemagne. A cet égard, Emmanuel Macron dans une interview pour France inter indiquait vouloir aller de l’avant quant au sujet du gaz et du charbon russe, assurant vouloir prioriser la coordination des membres de l’Union européenne et « en particulier avec l’Allemagne ». Dans la même lignée, le premier ministre polonais accusait l’Etat fédéral d’être le « principal barrage routier » sur la route du durcissement des sanctions contre la Russie. De l’autre côté de l’Atlantique, Joe Biden pousse à un 2e round de sanction et envisage depuis plusieurs semaines déjà à cibler les pays qui continuent leurs échanges commerciaux avec la Russie. Une menace qui ne pèse donc pas que sur cette dernière mais également les membres de l’Union européenne, qui s’est empressée par la voix de la présidente Ursula Von der Leyen d’exiger l’arrêt des importations de charbon après les crimes de Bucha.

Dès le début du conflit, l’Allemagne s’était opposée aux propositions étatsuniennes d’interdire les importations de pétrole russe. Encore aujourd’hui, il semblerait que l’aggravation des sanctions plébiscitée par les Etats-Unis et une partie de l’Union européenne ne soit pas du goût du pouvoir allemand. « S’il existe une ligne rouge, elle n’a probablement pas été franchie pour l’Allemagne », indiquait ainsi Marcel Dirsus au Washington Post, politologue allemand et chercheur non-résident à l’Institut de politique de sécurité de l’université de Kiel.

Une position plutôt partagée par le ministre des finances autrichiens qui rappelait à son arrivée à Luxembourg ce lundi l’importance de « garder la tête froide » afin que les sanctions « ne nous affectent pas plus que la Russie ». De quoi embarrasser l’alliance atlantique, qui mise depuis le début de la guerre sur son unité, malgré l’émergence précoce de dissensions.

Le contrôle temporaire sur la filiale allemande de Gazprom vise néanmoins à les atténuer en sécurisant pour quelques mois l’approvisionnement en gaz de l’Allemagne et en donnant des gages de sérieux à ses homologues. Dans le même sens, le ministre de l’économie avait également annoncé la suspension de la procédure d’homologation de Nord Stream 2, gazoduc reliant la Russie à l’Allemagne via la mer Baltique.

Dans cette situation, et alors que les massacres civils augmentent, possiblement pour peser dans les négociations comme c’est souvent le cas dans les guerres de ce type, il est urgent d’exiger le retrait des troupes russes d’Ukraine ainsi que la levée des sanctions économiques dont les conséquences ne pèsent que sur les populations de Russie et d’Europe.


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