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Une justice à la rescousse des groupes criminels

Le groupe Lafarge n’est plus poursuivi pour « complicité de crimes contre l’humanité »

La cour d’appel de Paris vole au secours du groupe Lafarge SA. Elle vient d’abandonner les poursuites de complicité de crimes contre l’humanité mais confirme sa mise en examen pour financement du terrorisme et violation d’un embargo. Des ONG dénoncent une « décision politique ».

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Ce jeudi 7 novembre, la cour d’appel de Paris a donné raison au groupe Lafarge sur un point : faire des affaires avec Daesh ne constitue pas « une complicité de crimes contre l’humanité ». Pour autant, les mises en examen pour « financement du terrorisme », « violation d’un embargo » et « mise en danger de la vie » de ses salariés, sont maintenues.

Pour maintenir coûte que coûte sa production de son usine de Jalabiya dans le nord de la Syrie, alors en pleine guerre, le Groupe Lafarge SA aurait versé entre 2013 et 2014 près de 13 millions d’euros à des groupes djihadistes, dont l’État Islamique et le Front al-Nusra, un groupe affilié à Al-Qaeda, via sa filiale Lafarge Cement Syria.

Le groupe est également soupçonné d’avoir vendu plusieurs dizaines de milliers de tonnes de ciment à Daesh et d’avoir payé des intermédiaires afin de se fournir en matières premières auprès des djihadistes.

La défense a expliqué qu’il n’y avait « aucun document expliquant précisément les éléments constitutifs » de ces crimes et « aucune enquête susceptible de réunir les preuves nécessaires » à leur caractérisation n’a été établie.

Étrangement, l’avocat général est également allé dans ce sens. Il a expliqué qu’il n’existait « aucun indice grave et concordant » montrant que les anciens salariés parties civiles « auraient été victimes » de la « complicité des crimes contre l’humanité » reprochée à Lafarge, selon L’Obs

Les avocats de la défense s’en sont félicité. « La cour reconnaît que Lafarge n’a jamais participé ni de près ni de loin à un crime contre l’humanité » et a « corrigé une décision totalement infondée » des juges d’instruction des pôles financier et antiterroriste du tribunal de Paris, explique [Le Monde→https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/11/07/lafarge-en-syrie-la-justice-annule-les-poursuites-pour-complicite-de-crimes-contre-l-humanite_6018329_3224.html]. Selon l’avocat général, il n’y a donc pas d’intention de participer à un crime contre l’humanité, ce qui est une interprétation différente de celles de juges d’instructions en 2018.

D’après Le Monde, ils avaient estimé que cette « intention » était « caractérisée par le simple fait que Lafarge avait connaissance des crimes perpétrés par l’EI et qu’elle y contribuait en finançant divers groupes dont certains lui étaient affiliés ».

Des éléments importants ont pourtant été portés au dossier. Comme le rappelle l’ONG Sherpa, l’une des parties civiles, l’accusation de « complicités de crimes contre l’humanité » se fondait sur des « preuves directes », fournies par les témoignages d’anciens employés syriens. La cours d’appel de Paris a d’ailleurs pris la décision surprenante en octobre dernier d’écarter les ONG qui s’étaient portées parties civiles. Ces dernières ont annoncé qu’elles allaient se pourvoir en cassation devant cette « décision politique » dans « un mouvement extrêmement dangereux » de « restriction de l’accès des associations à la justice ».

Des décisions plus qu’étranges, surtout lorsque l’on regarde les éléments du dossier. L’État français aurait encouragé Lafarge à faire affaire avec les groupes djihadistes. L’usine de Jalabiya a coûté la petite bagatelle de 600 millions de dollars. Christian Herrault, ancien directeur général adjoint opérationnel du groupe Lafarge en a témoigné. « On allait voir, tous les six mois, l’ambassadeur de France pour la Syrie [à Paris], et personne ne nous a dit : “Maintenant, il faut que vous partiez”. Le gouvernement français nous incite fortement à rester, c’est quand même le plus gros investissement français en Syrie et c’est le drapeau français. Donc oui, Bruno Lafont dit : “On reste.”  »
Plusieurs des responsables mis en examen ont indiqué avoir eu des contacts réguliers avec le ministère des Affaires étrangères et la direction générale de la Sécurité extérieure.

Le gouvernement a donc sa responsabilité dans le fait que le groupe Lafarge ait fait des affaires avec Daesh. On comprend mieux pourquoi la justice cherche à diminuer les charges, car derrière se cache la responsabilité de l’État français.

Crédit photo : France 2/ Brice Baubit


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