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Chirac, Sarkozy et Hollande sur écoute…

Le « nouveau scandale » NSA : Les écouteurs écoutés

Jean-Patrick Clech Nouvelle secousse transatlantique. Alors que l’Hermione, réplique du vaisseau de La Fayette, a rejoint Yorktown le 5 juin symbolisant une amitié deux fois séculaire entre la France et les Etats-Unis, les révélations de Wikileaks, reprises par Mediapart et Libération le 24 juin, ont radicalement refroidi l’ambiance. La NSA étatsunienne, la puissante agence d’écoute, sur la sellette depuis les révélations d’Edward Snowden, aurait écouté les différents locataires de l’Elysée, au moins, entre 2006 et 2012.

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François n’est pas content !

François Hollande, endossant pour l’occasion son habit de quasi-chef de guerre qui lui va si bien, a organisé un Conseil de Défense spécial, le 24 juin, à l’Elysée. Laurent Fabius, dans la foulée, a convoqué l’ambassadrice américaine, Jane Hartley, alors que le directeur de la DGSE, Bernard Bajolet, et le nouveau coordinateur du renseignement, Didier Le Bret, s’apprêtent à prendre un vol pour Washington afin de dire à leurs homologues étasuniens que, vraiment, ce ne sont pas des gentlemen.
Mais comme le rappelle un diplomate français, « il va y avoir scénarisation de notre mauvaise humeur. On va froncer les sourcils, rappeler que c’est inacceptable, et obtenir toutes les assurances politiques. Mais de toute façon, on les avait déjà ». De même que Paris se sait pertinemment sur écoute. Il s’agit, par ailleurs, de pratiques dont l’Etat français est lui-même adepte. Par-delà ce jeu de rôle, l’histoire n’en est pas moins intéressante et riche en enseignements.

Après l’espionnage allemand, les écoutes américaines

Fin mai, il y avait déjà eu de l’eau dans le gaz au sein du couple franco-allemand après les révélations du quotidien allemand Bild au sujet de l’espionnage d’EADS (aujourd’hui Airbus) et d’Eurocopter (aujourd’hui Airbus Helicopters) par le BND, les services secrets allemands. Puis c’était au tour de la très sérieuse Süddeutsche Zeitung de dénoncer les pratiques du BND dont « le cœur de l’activité, selon le quotidien munichois, est l’espionnage politique de nos voisins européens et de l’Union Européenne », sur service commandé de Washington, à partir de la base bavaroise de Bad Aibling. L’Elysée, très poliment, n’avait alors fait aucun commentaire.
Cette fois-ci, Hollande est très fâché. « Il s’agit de faits inacceptables, a souligné le président français, qui ont déjà donné lieu à des mises au point entre les Etats-Unis et la France ». Ce n’est pas, en effet, la seule fois que les plus hauts personnages de l’Etat et leurs proches conseillers ou ministres sont sur écoute nord-américaine. C’est la troisième fois depuis mai 2012 que l’exécutif formule de telles protestations et l’Elysée réagit uniquement parce que l’information a, de nouveau, fuité dans la presse. Les services français sont, en effet, parfaitement au courant des pratiques de leurs « correspondants » à Washington.

Alors bien entendu, il y a eu, dans la foulée de la publication par Médiapart de ces informations, les déclarations effarouchées des ténors de l’opposition, à commencer par Sarkozy, mais également du Monsieur-Flicage-légalisé du PS, le rapporteur de la Loi (scélérate) sur le Renseignement , Jean-Jacques Urvoas. Ce dernier a manqué de s’étouffer en régurgitant un peu de chauvino-gaullisme franchouillard, affirmant « qu’une nouvelle fois nous découvrons que les Etats-Unis n’ont pas d’alliés, ils n’ont que des cibles ou des vassaux ». Le plus honnête de tous a été l’ancien directeur de la Police nationale, actuellement directeur général des Républicains (ex-UMP), Frédéric Planchenard. L’ancien chef des pandores a eu le mérite de reconnaître qu’il n’était « pas surpris » par les révélations sur les écoutes parce que « la NSA a des moyens d’interception dans le monde entier ». Les toits de toutes les chancelleries étasuniennes, et l’Europe ne fait pas exception, sont en effet des plateformes d’interception.

Petites cachotteries

Que nous disent ces interceptions ? Pas grand-chose. Elles révèlent surtout les mesquineries, petitesses et veuleries de ceux qui nous gouvernent. On apprend ainsi que Sarkozy-petit-pied était convaincu, en 2008, « d’être le seul homme capable de résoudre la crise financière » internationale. Rien que ça. Et avec le succès que l’on sait. Les écoutes déclassifiées nous disent également que le vieux père-Chirac, en fin de mandat, en 2006, faisait pression et jouait sur son entregent pour placer l’un de ses amis au poste de secrétaire général adjoint de l’ONU. Pour ce qui est de Hollande, à qui la gauche de la gauche vient de quémander un « traitement humain » du cas grec , les révélations sont croustillantes. Trois jours à peine après son investiture, il organisait dans le dos de la Chancelière allemande une réunion avec les sociaux-démocrates d’Outre-Rhin au sujet de la sortie de la Grèce de la zone euro.

Quelques enseignements

Les écoutes entre alliés n’ont rien de nouveau, donc. Ce qui l’est davantage, c’est cet affolement des services et ces disfonctionnements à répétition qui finissent dans la presse et qui sont le symptôme, avant tout, des rivalités sourdes et des dissensions entre la première des puissances impérialistes et ses partenaires, que ce soit par rapport à la question de la crise de la zone euro que vis-à-vis du dossier ukrainien .
Mais comme nous le disions déjà à propos de l’affaire des écoutes allemandes pour le compte de Washington, entre 2005 et 2009, ce nouveau rebondissement de la série à épisodes multiples, « petit espionnage entre alliés », peut être l’occasion de tirer quelques enseignements. Des conclusions diamétralement opposées à ce que s’est empressé d’écrire Jean-Luc Mélenchon, sur son blog, le 24 juin, affirmant que « cet espionnage est une violence contre la souveraineté de la France. Il s’est même poursuivi après le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN sous Nicolas Sarkozy ! Les bisounours du pro-américanisme primaire sont les idiots du village ». Car la « souveraineté » de la France a beau dos, dans cette affaire.

Les services secrets français n’ont de leçon à donner à personne

Les « méchants yankees » n’ont, en effet, pas le monopole des coups bas en matière de services de renseignement. Pour ne prendre que l’exemple le plus récent, c’est au nom de la « lutte contre le djihadisme » dans le Sahara et au Sahel que l’Etat français espionne ses propres « alliés » et « partenaires » africains à partir de ses bases de renseignement, notamment celle de Niamey, au Niger. Pour ce qui est de la « souveraineté de la France », c’est l’argument qui est avancé depuis toujours pour défendre les pires des barbouzeries, à commencer par les opérations militaires extérieures dont l’une des dernières en date, l’Opération Sangaris en Centrafrique, a donné lieu à des viols sur mineurs de la part de l’armée.

Un fonctionnement des plus normaux

Comme, il y a quelques semaines, à propos des écoutes allemandes, ce nouvel imbroglio diplomatique entre la France et les Etats-Unis révèle également autre chose : la bourgeoisie ne recule devant rien, pas même ses propres lois nationales et les accords internationaux passés entre gouvernements, pour défendre ses intérêts. Entre la nouvelle Loi sur le renseignement des socialistes, ultérieurement grevée d’amendements liberticides , et cette affaire d’espionnage, c’est tout l’appareil d’Etat tel qu’il existe qui montre sa vraie nature : c’est le pire ennemi des droits démocratiques les plus élémentaires.

Si entre « partenaires » on s’espionne à qui mieux mieux, on imagine aisément comment les choses s’organisent en coulisses. C’est dans notre dos que tout se fait, que tout se trame, que l’on conspire. Cependant il ne s’agit en rien d’un complot exceptionnel ni d’une pratique inhabituelle. Ce que révèle cette affaire entre grandes puissances, c’est le fonctionnement normal de l’Etat capitaliste, ici, sur le Vieux Continent, ou Outre-Atlantique : un Etat qui n’est pas réformable et qui doit être renversé et détruit, avec l’ensemble de ses rouages et instruments de flicage, de surveillance et de répression.


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