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Bruno Leroux et l’inversion de la hiérarchie des normes

Le patron des députés PS veut une évolution de l’article 2 de la Loi Travail. Nouvelle manœuvre ?

Invité de l'émission « Question d'info » sur LCP ce matin, le chef de file des députés PS à l'Assemblée, Bruno Leroux, s'est dit prêt à des évolutions sur l'article 2 de la Loi Travail qui prévoit d’instaurer la primauté des accords d'entreprises sur les accords de branche, principal point d'achoppement pour la direction de Force Ouvrière (FO), qui se dit toujours ouverte à la discussion. Prémisse d'un recul gouvernemental, nouvelle division au sein de la majorité ou manœuvre dilatoire ?

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Yano Lesage

Bruno Leroux n’a pourtant rien d’un contestataire de la ligne gouvernementale. Après une frilosité passagère quant à la possibilité du gouvernement de dégainer le 49.3, celui-ci s’y est vite résolu en allant même jusqu’à déclarer que ce dernier « favorise la discussion ». Pourtant, ce matin, sur LCP, il s’est positionné en faveur d’une évolutionde l’article 2de la Loi Travail qui concerne son aspect le plus sensible : le principe de l’inversion de la hiérarchie des normes.Il souhaite ainsi l’aménager de sorte qu’il soit possible« que la branche donne un avis a priori » et non a posteriori sur l’accord d’entreprise, « ce qui est demandé par de nombreux syndicats ». Reste également à savoir quelle valeur pourra avoir cet avis, ce qu’il ne précise pas.

Quant aux heures supplémentaires, Bruno Leroux ajoute que « la discussion doit être ouverte sur le fait [de savoir si on] laisse le paiement des heures supplémentaires à l’appréciation d’un accord d’entreprise ou [si on] fait en sorte que ce soit ce qui a été discuté dans l’accord de branche ». Une vaste supercherie, qui a notamment été utilisée pour démobiliser les routiers, notamment FO Transport, les accords majoritaires de branches ne garantissant en aucune manière que ces « acquis » ne seraient pas remis en cause à terme.

En émettant la possibilité de faire évoluer le textesur ce point lors de son second passage à l’Assemblée (le 49.3 ayant assuré de force le premier passage de la loi), Leroux non seulement lance un appel du pied aux députés frondeurs, mais exprime également une dissonance avec la lignegouvernementale qui joue la surenchère autoritaire. Du côtédu gouvernement, la position reste identique. En effet, Stéphane Le Foll, représentant du gouvernement et a réaffirmé que l’exécutif ne céderait pas. Gouvernement et majorité, se seraient-ils donné le mot pour mettre en place cette manœuvre, laissant à l’Assemblée le rôle de calmer la contestation, tout en permettant au gouvernement de garder la face ?

Alors que le gouvernement est fragilisé, ces nouvelles annonces pourraient bien présager d’une nouvelle manœuvre pour faire passer la loi Travail.. Le gouvernement est en effet inquiet de la tournure de la situation sociale et la montée d’un mouvement de grève dans les raffineries, les routiers, la SNCF, Air France, l’énergie... Derrière cette révision de l’article 2, il se pourrait bien qu’il s’agisse de proposer une voie de sortie « honorable » pour la direction de Force Ouvrière, qui tout en se proclamant officiellement « pour le retrait », continue à se dire ouverte aux négociations, se distinguant ainsi de la CGT et de Martinez dont, « le discours se politise » et se « radicalise » si l’on en croit les déclarations en off de Jean-Claude Mailly aux journalistes du Monde.

Cette nouvelle mesure pourrait avoir pour but de faire une concession mineure pour « sortir » une autre centrale du front syndical, isoler la CGT et désenclencher la montée des mouvements de grève dans tout le pays. Par exemple, dans les raffineries, c’est bien l’alliance des équipes syndicales de la CGT et de FO qui donne cette teneur radicale au mouvement. Face à cela, Leroux offre un argument à Jean-Claude Mailly pour démobiliser ses troupes : ce dernier pourrait ainsi faire valoir la simple possibilité qu’une partie de la majorité défende cette évolutionen deuxième lecture, sans plus de garantie, pour décider de se désolidariser de la CGT, reprenant à son compte le discours gouvernemental à son encontre ?

Nouvelle manœuvre du gouvernement ou nouvelle brèche ouverte au sein de la majorité, il n’en reste pas moins, que cette nouvelle évolution si elle parvenait à passer en seconde lecture, n’enlève rien au profond recul social que représente le texte:les accords d’entreprise généralisés même si plus « contrôlés » par la branche,la facilitation des licenciements économiques, la possibilité de dépasser la représentation syndicale par la tenue d’un référendum au sein de l’entreprise sont des reculs majeurs.Plus que jamais,face aux manœuvres gouvernementales, le terrain reste celui de la lutte de classe, de l’auto organisation, des grèves et des manifestations, qu’il nous faudra généraliser pour arracher le retrait de la loi travail.


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