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Construire la mobilisation du 2 décembre

Le procès des salariés d’Air France reporté au printemps. Des failles dans leur état d’urgence ?

Damien Bernard L’heure du report a sonné. Les 5 salariés d’Air France visés par une plainte de la direction pour « violence en réunion » ont vu leur procès repoussé au printemps 2016. L’audience du 2 décembre devra finalement déterminer cette date de report. Alors que le 19 novembre, qui devait être un grand moment de soutien large aux travailleurs d’Air France, a été sabordé au nom de l’état d’urgence permanent et de la trêve sociale à sens unique, le gouvernement tente-t-il maintenant de tuer dans l’œuf toute mobilisation et notamment la grève à Air France prévue le 2 décembre ?

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Depuis les attentats du 13 novembre à Paris et à Saint-Denis, l’instauration par le gouvernement de l’état d’urgence, prolongé à trois mois avec l’approbation de la quasi-unanimité du parlement, la traque aux signes de « radicalisation » s’intensifie de jours en jours. Mystérieusement, cette chasse s’adresse plus particulièrement aux salariés d’Air France Cargo, où étaient employés quatre des cinq salariés licenciés et accusés de « violence » par la direction de la compagnie aérienne. Coïncidence ou tentative de museler et de licencier tout salarié qui ose s’affronter à la dictature patronale ?

Le cinquième salarié, militant CGT à Air France Industries, licencié

Les quatre salariés d’Air France Cargo, mis à pied puis licenciés et attaqués en justice par Air France, ont tous formulé des demandes de recours gracieux auprès de la direction générale, a indiqué la CGT. Ils sont reçus cette semaine par la direction des ressources humaines. Ce recours leur permettra ainsi de suspendre pour seulement quinze jours la sanction jusqu’à la décision définitive. La sanction pourra alors être soit annulée, amoindrie ou maintenue.

Le délégué CGT, pour qui la procédure de licenciement s’avère plus longue pour des raisons liées à son statut, a été convoqué vendredi 20 novembre lors d’un comité d’établissement extraordinaire à la maintenance, où les représentants du personnel ont voté « à l’unanimité contre le licenciement ».

Pour les deux pilotes « suspectés » d’avoir ouvert de l’intérieur les portes du siège d’Air France le 5 octobre, des entretiens préalables à une sanction étaient prévus ce mercredi, puis reportés suite à la demande des syndicats de pilotes (SNPL, SPAF et ALTER).

Une audience reportée au printemps pour cause « d’épaisseur du dossier » ?

Compte tenu de « l’épaisseur du dossier » retenu contre les salariés pour « violence en réunion », la présidente du tribunal de Bobigny, a annoncé ce mardi le report du jugement, fixé probablement au 27 mai. Le juge unique en charge de l’affaire pourrait y compris décider de demander du renfort et « renvoyer le procès vers une chambre collégiale ».

Alors que l’état d’urgence, prolongé pour trois mois, démultiplie les moyens des forces de répression, de la justice et de la défense, il parait étonnant que la présidente du tribunal choisisse de reporter une affaire à laquelle le gouvernement et la direction d’Air France semble donner autant d’importance. Ce serait la « complexité » de l’affaire qui serait en cause, explique la présidente qui porte l’argumentaire sur un terrain purement formelle.

Mais ne nous y trompons pas. Ce sont bien des choix politiques et notamment la pression du gouvernement qui en sont à l’origine. Mehdi Kemoune de la CGT, évoque ainsi des « pressions du gouvernement sur la PAF (Police aux frontières) lors de l’enquête », il s’est ainsi dit « pas étonné que la présidente du tribunal veuille reporter le jugement pour avoir moins de pression ».

Le gouvernement redoute-t-il un « tous ensemble » contre l’état d’urgence le 2 décembre ?

Malgré le non maintien de l’échéance intermédiaire du 19 novembre, le 2 décembre se veut être une journée de mobilisation générale en soutien aux salariés inculpés et licenciés. Un rassemblement qui symbolise le début d’un « tous ensemble », portant haut et fort le slogan « Pas de négociations tant que les sanctions ne sont pas levées ».

Pour imposer un véritable rapport de force et toucher directement le patronat là où ça fait mal, c’est-à-dire ses profits, des journées de mobilisation et de grève sont notamment appelés par la CGT du 2 au 4 décembre. Le syndicat SUD Aérien ainsi que certaines sections de FO appellent aussi à la grève le 2 décembre. Le deuxième syndicat de pilotes (SPAF) réunira prochainement son conseil pour prendre sa décision, tandis que la SNPL n’a pour le moment pas appelé à la grève.

Alors que cet état d’urgence « permanent » montre des signes encourageant de résistances, avec notamment la manifestation du 22 novembre en solidarité avec les migrants qui a bravé l’interdiction, le gouvernement souhaite éviter toute mobilisation à une période critique de son quinquennat. Il s’agit notamment de faire de l’échéance de la COP21, que Francois Hollande organise et accueille à Paris du 30 novembre au 11 décembre, une « réussite » pour le climat, une vitrine internationale.

Une grève à Air France contre les licenciements et la répression syndicale, dans cette période cruciale aux yeux et au nez de l’ensemble de ses alliés et concurrents de tout bord, pourrait lui être fatale pour son image à l’internationale aussi bien qu’auprès de sa base électorale, dans sa quête d’un second mandat. Et cela, d’autant plus, que Francois Hollande reprend espoir quant aux élections présidentielles, lui qui a vu sa côte de popularité bondir de 8 points, suite aux attentats du 13 novembre. C’est aussi le premier tour des élections régionales qui se joue quatre jours après le jugement du 2 décembre, un véritable « étalon » à moins de deux ans des présidentielles pour Francois Hollande.

Le gouvernement est ainsi pris en étau, entre un état d’urgence, qu’il arrive pour le moment à légitimer, instrumentalisant le deuil légitime, à coup de fuite en avant guerrière en Syrie, et de la mise en place d’un état policier et de lois liberticides, enchainant les perquisitions à la recherche de « radicalisation », et une côte de popularité retrouvée, même si elle reste faible, qui lui laisse entrevoir un espoir, qu’il pensait perdu, de renouveler son mandat. Cela pourrait notamment expliquer, les pincettes qu’ont prises les forces de répression, durant la manifestation interdite de ce dimanche, en ne réprimant pas directement devant les médias, les manifestants ayant bravé l’interdiction, lui préférant la tactique de la répression judiciaire en coulisse des 58 manifestants, des attaques moins visibles, mais pourtant tout aussi terrible contre notre camp.

Face à la terreur policière et judiciaire teinté d’islamophobie, plus que jamais faire front

Ainsi le gouvernement et sa police souhaite instaurer la peur chez les salariés de la plupart des filiales et entreprises sous-traitante d’Air France, ce sur fond d’amalgame raciste et islamophobe, à travers des perquisitions à Air France Cargo, Fedex, Servair, en recherche d’éléments de « radicalisation ». Ces pseudo "signes" s’assimilent notamment chez Servair, filiale d’Air France, à des Corans « annotés, selon une lecture radicale ou rigoriste », des « polycopies en arabe », et des tapis de prières saisis. Il s’agit bien de la politique islamophobe et xénophobe du FN que le gouvernement et ses forces de police « valident » et appliquent au nom de « l’union nationale ».

Face à ces intimidations, la perspective du 2 décembre revêt pour l’ensemble des salariés et des équipes syndicales combatives une importance toute particulière. Dans la continuité des mobilisations pour la levée des sanctions et contre les licenciements, il est plus que jamais nécessaire de construire un véritable rapport de force lors de cette journée nationale, cela pour donner un coup d’arrêt à cette terreur policière et judiciaire que le gouvernement veut instaurer chez Air France et ses filiales, mais aussi à la RATP et à la SNCF, créant un précédent pour l’ensemble des salariés. Le coup d’arrêt qui prévaut, c’est celui d’un « tous ensemble » contre l’état d’urgence, contre la guerre et le chômage de masses, et la misère qui sont le véritable terreau de la « radicalisation », contre le racisme et l’islamophobie.


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