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SNCF : aller à Matignon ! Dans quel but ?

Le rail a-t-il plus à gagner avec Edouard Philippe qu’avec Elisabeth Borne ?

Edouard Philippe va rencontrer les syndicats à partir du 7 mai. L’intersyndicale (CGT, SUD, Unsa, CFDT), après avoir claqué la porte au nez de la ministre des transports Elisabeth Borne jeudi dernier, veut voir dans les rencontres acceptées par le premier ministre un « recul » du gouvernement. Mais qu’y aura-t-il vraiment à négocier dans les salons de Matignon, et à quel prix ?

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Crédits photo : Rémy Gabalda / AFP

Oui, les cheminots imposent leur mobilisation

Certes, l’obligation pour le gouvernement de rencontrer les syndicats plutôt que de légiférer directement par ordonnances, comme Macron en avait fait l’annonce au départ, est bien le produit de la lutte déterminée des cheminots et de tous leurs soutiens qui cherchent la convergence. Cette acceptation de la rencontre est d’autant plus significative que le gouvernement et les médias se sont, dès le début, appliqués à minimiser et à dénigrer la mobilisation, tant en truquant les statistiques de grève qu’en manipulant la pseudo-grogne des usagers. Les rencontres entre les syndicats et le gouvernement sont donc effectivement placées sous le signe de ce combat, qui continue à montrer sa capacité de résistance.

Mais s’agit-il vraiment d’un problème de hiérarchie au sein de l’exécutif ? Pour négocier, le sous-chef Philippe aurait-il les coudées plus franches que la sous-sous-chef Borne, alors que le chef Macron, quant à lui, continue d’annoncer qu’il ne lâchera rien… ou presque, avec toute la réserve qui s’impose, notamment sur la question de la dette.

Pour parler de « recul », il faudrait considérer que le rapport des forces est tel que Macron sera, à plus ou moins brève échéance, obligé de céder sur la réforme au point d’être amené quasiment à la retirer. Car, parodiant Brassens, on pourrait dire que « tout est mauvais chez elle, y’a rien à garder »… et surtout pas la privatisation, qui s’annonce pourtant inévitable.

C’est donc plus tard, et avec des renoncements bien plus tangibles de la part de l’exécutif, que l’on pourra parler de « reculs » Ce ne sera évidemment possible que si le mouvement des cheminots, loin de s’aligner sur ce prétendu « recul », se renforce et s’amplifie.

Non, Macron n’est pas prêt à céder aux « exigences »

En ce qui concerne le gouvernement, plutôt que de « recul » il faudrait parler de « changement de stratégie ». En effet, le scénario qui a abouti à l’invitation du 7 mai à Matignon n’est qu’un amuse-gueule préludant à un véritable enjeu politique pour la prochaine période. La porte claquée au nez d’Elisabeth Borne, la demande d’être reçus par le premier ministre, le refus exprimé par le porte-parole du gouvernement, et enfin l’invitation d’Edouard Philippe à Matignon, c’était pour la galerie.

En réalité, l’invitation d’Edouard Philippe a deux objectifs : d’une part, gagner du temps et voir comment les choses vont tourner début mai, notamment après les manifestations du 1er et du 5, et, d’autre part, face à la convergence des luttes qui se dessine grâce à la pression de la base, jouer la division au sommet entre les dirigeants des différentes centrales syndicales.

Ce n’est évidemment pas un hasard si ce qui est proposé à l’intersyndicale à partir du 7 mai, c’est un programme de plusieurs rencontres bilatérales avec chacun des syndicats séparément. L’intention n’est donc pas de « négocier », et encore moins de « reculer », mais bien de « gagner » en prenant les dirigeants syndicaux les uns après les autres, à commencer par les plus favorables, et en portant ainsi les coups les plus sévères au mouvement et à ses revendications.

En ce sens, certaines déclarations ont de quoi interroger, voire inquiéter. D’abord, l’intersyndicale qui, en tant que telle, déclare « demander aux décideurs de modifier leur projet » et rappelle qu’elle souhaite que, sur le contenu, « on puisse discuter de tout ». « Discuter de tout », oui certes, mais pour obtenir quoi ? Laurent Brun précise qu’ils participeront le 7 mai avec de « fortes exigences »… Elles restent cependant à préciser.

Une fois de plus c’est la négociation pour la négociation, le « dialogue social » qui est mis en avant tandis que les revendications demeurent ouvertes. De retrait de la réforme, il n’est à aucun moment question. C’est pourtant ce que les intérêts des cheminots, des usagers, de tous les travailleurs exigeraient.

Il y a de quoi douter de l’intérêt d’aller à Matignon. C’est, à sa manière, ce qu’exprime Erik Meyer de SUD Rail qui, tout en ne s’étant pas démarqué de l’intersyndicale, ajoute « on verra le 7 mai si ce n’est pas un coup de com’ du Premier ministre ».

Plus que jamais, mobilisation et convergence des luttes

Ce qui est sûr, c’est que les négociations risquent encore d’être utilisées, comme le souhaite Macron, comme un frein à la mobilisation. Même si Roger Dillisenger de l’Unsa affirme que « la mobilisation continue de manière unitaire jusqu’au 7, c’est évident », on peut s’inquiéter de la déclaration de l’intersyndicale qui promet que « de nouvelles initiatives de pression seront déclenchées si le Premier ministre ne répond pas sur la méthode de négociation et sur le contenu de la réforme ».

La mobilisation ne doit pas être subordonnée aux négociations. Au contraire, elle doit les conditionner. Quelles que soient les tractations menées à Matignon et les tentatives de division de Macron, la victoire ne pourra se dessiner qu’avec un rapport de force accru, une extension du mouvement et une plus forte convergence des luttes. Pour les cheminots, les personnels hospitaliers, les lycéens, les étudiants, les travailleurs du privé, la rencontre à Matignon est, jusqu’à preuve du contraire, un non-évènement dans leur agenda. Mais ils ont un calendrier bien rempli et des luttes à ne pas rater.


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