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Libye

Les Rafales made in France vendus à l’Égypte appuient en secret le "maréchal" Haftar

C'est "French Arms" qui révèle dans un dossier l'implication de la France aux côtés de Haftar, un appui militaire très important pour ce "seigneur de la guerre". Alors que l'Élysée continue de nier les faits, le discours officiel reste celui de vente d'armes à l'Égypte, quatrième acheteur d'armement français, contre les djihadistes.

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Crédit photo : DR

Véhicules blindés, navires de guerre, et avions de chasse : depuis 2012, la liste des équipements militaires français livrés à l’Égypte s’allonge. Depuis 2015, six milliards d’euros de contrats ont été signés, dont 24 avions de chasse Rafale, mettant l’Égypte en quatrième position sur la liste des acheteurs d’armement français. Pour la France, l’Égypte est un allié stratégique : "un pays de 100 millions d’habitants, absolument essentiel pour la sécurité et la stabilité du Moyen Orient et de l’Europe" déclarait l’Élysée lors de sa dernière visite en Egypte en janvier dernier. Selon le discours officiel, ces armes sont censées appuyer les opérations contre les djihadistes et le renforcement de la sécurité de la frontière libyenne.

Mais la réalité est toute autre : comme le souligne Mediapart dans son dossier, la France a adopté un rôle ambigu dans la guerre civile libyenne. En effet, si elle reconnaît comme l’ensemble de la communauté internationale le gouvernement d’union nationale (GNA) installé à Tripoli, elle soutient également son adversaire principal, le "maréchal" Khalifa Haftar, celui qu’on nomme "l’homme fort de l’est libyen", en train de mener, depuis avril, une offensive contre l’ouest du pays tenu par le GNA. Et en plus de cela, la France est soupçonnée d’avoir livré des armes à l’Armée nationale libyenne (ANL) du "maréchal". 

Plusieurs éléments le montrent : en juillet dernier, le GNA a retrouvé sur une base militaire de l’ANL qu’il avait reprise de force, quatre missiles antichars Javelin, de fabrication américaine mais qui appartenaient à l’origine à l’armée française. L’Élysée a démenti la vente de ces armes, et la ministre de la défense Florence Parly, a insisté sur le fait que ces missiles étaient destinés à de "l’autoprotection" et qu’ils étaient depuis "hors d’usage", mais elle n’a donné aucune autre information à la question évidente : comment se sont retrouvés ces missiles entre les mains des troupes de Haftar ? 

Selon un rapport d’Amnesty International publié en octobre 2018, des armes françaises ont été utilisées dans la répression sanglante des manifestations de 2013, comme pour la "dispersion" des manifestants avec les véhicules blindés MIDS et Sherpa made in France. Le 14 août 2013, ces Sherpa sont déployés au Caire : près de 1000 personnes sont mortes. 

Mais dans le conflit libyen, au-delà des Javelin, d’autres équipements d’armement français ont été utilisés. Selon les révélations de l’enquête "French Arms", qui associent plusieurs médias comme Lighthouse Reports, Disclose, ou encore Bellingcat et Médiapart, des avions de combat Rafale vendus par la France à l’armée de l’air égyptienne, ont participé en 2017 à un raid aérien sur les localités libyennes de Derna et Houn, pour soutenir les forces du maréchal Haftar, en contradiction avec le gouvernement reconnu par la communauté internationale. L’Élysée, Matignon, et le ministère de la Défense, ainsi que Dassault Aviation qui fabrique ces ‘’Rafale’’, n’ont pas répondu ou ont refusé tout commentaire sur le sujet.

En 2017, l’Égypte a commencé à mener des bombardements aériens en Libye visant notamment une milice djihadiste basée à Derna, le Conseil de la choura des moudjahidines (CCM), accusée d’avoir participé à l’assassinat de chrétiens coptes en Egypte. Abdel Fattah al-Sissi, président égyptien, avait annoncé "L’Égypte n’hésitera pas à frapper les camps d’entraînement terroristes partout, sur son sol comme à l’étranger". Toujours selon les informations de French Arms, les ‘’Rafale ‘’made in France sont entrés en action quelques jours après l’offensive menée par al-Sissi. Le CCM n’est pas lié à l’État islamique, qui avait revendiqué l’assassinat de ces 29 coptes, nie toute implication, et l’Égypte n’a fourni aucune preuve de son implication dans le meurtre. Des éléments qui pour French Arms dévoilent une offensive de bombardements visant à soutenir l’ANL, du "maréchal" Haftar, pour conquérir l’est libyen. 

Un autre élément dévoilé donne plus d’éléments dans l’hypothèse de bombardements en soutien à Haftar. Lors du même raid, les appareils égyptiens ont bombardé aussi la ville de Houn, en Libye, située à 700 kilomètres de Derna, qui était l’objectif officiel. Selon Wolfram Lacher, chercheur à l’Institut allemand pour la politique internationale et spécialiste de la Libye, la région de Houn était tenue en mai 2017 par « des groupes armés locaux, des forces de Misrata et les Brigades de défense de Benghazi, qui ne sont pas liés à l’État islamique. Certains d’entre eux avaient même combattu l’EI à Syrte en 2016. ».

Haftar avait en effet tout intérêt à lancer cette offensive, puisque ce groupe des Brigades de défense de Benghazi (BDB) avaient lancé différents assauts contre les forces du même Haftar... Il paraît donc évident que l’objectif du raid égyptien était d’aider les forces de Haftar, un raid auquel ont participé des Rafale français, l’illustration d’un impérialisme qui, derrière ses grands discours de lutte contre le terrorisme, soutient et alimente ces tensions géopolitiques pour ses propres intérêts.

Le "maréchal" Haftar est pour la France un allié discret de poids : à la tête d’une armée régulière et de diverses milices, il dispose d’environ 25 000 hommes que ses alliés (Égypte et Émirats) ont doté de tout un arsenal belliqueux de taille, et soutenu par plusieurs pays arabes alliés, partenaires et clients de la France : l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, et la Jordanie. Un soutien aussi de la Russie et des États-Unis, confirmé par l’appel téléphonique avec Trump pendant l’offensive de Tripoli, au cours de laquelle Haftar et Trump ont partagé une « vision commune pour un avenir démocratique en Libye ». 

Des révélations qui remettent en cause les refus de réponse de l’Élysée, Matignon et le ministère de la Défense, alors que plusieurs preuves montrent leur implication dans ces offensives, et notamment aux cotés du seigneur de guerre Haftar, avec un appui militaire. Derrière les discours de lutte contre le terrorisme, se cachent en fait nombre d’offensives belliqueuses, qui souvent tuent des civils, pour des intérêts impérialistes. 


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