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La police et les violences faites aux femmes

Les féministes détestent-elles la police ?

En tant que féministes révolutionnaires, nous n'avons pas d'illusions sur le rôle que joue la police dans le maintien de l'ordre dominant. Pourtant, nous nous heurtons régulièrement à cette affirmation : « Si tu te fais violer, tu seras bien contente de pouvoir aller porter plainte ! ». Alors, la police : allié ponctuel ou ennemi à abattre ? Léonie Piscator

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Quand on parle de violences faites aux femmes…

Tout d’abord il y a les chiffres. Une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son compagnon. On estime à près de 200 le nombre de femmes qui se font violer chaque jour, en France. Si l’on se rapporte au nombre de tentatives de viol et d’agressions sexuelles, le chiffre atteint des sommets. Plus de 220 000 faits de ce type sont enregistrés chaque année, ce qui est bien en-deçà de la réalité puisque le nombre de plaintes déposées est nettement inférieur au nombre de crimes commis.
Ces chiffres, sans même parler des violences esthétiques ou psychologiques qui sont faites aux femmes, sont emblématiques de la société dans laquelle nous vivons : un système dans lequel patriarcat et capitalisme marchent main dans la main. Un système où l’oppression structurelle des femmes et minorités de genre renforce la domination et l’exploitation de notre camp social en le divisant.

La police, vecteur de violences machistes

Et la police dans tout ça ? En tant qu’appareil répressif d’État, elle n’a jamais été du côté des exploités et des opprimés. Les multiplications récentes de comportements violents commis par ses membres ne sont pas de simples « bavures », elles révèlent la véritable nature de la police. « C’est une institution totalement séparée (beaucoup parlent de « culture de la police » en ce sens), professionnelle, où chaque individu est formé, entraîné dans ce but, la défense de l’ordre établi. La conscience de ses membres est façonnée en ce sens dans les idées et l’expérience quotidienne, et n’a très vite plus grand-chose à voir avec ce qui a pu être les valeurs et les préoccupations de leur classe de provenance » ainsi que le précisait un précédent article.

Dans ce contexte, quoi d’étonnant à ce que les pires manifestations du sexisme structurel se retrouvent dans les rangs de ceux qui protègent ce même système ? Car la police est loin d’être neutre en matière de violence machiste. On songera notamment aux policiers de la prestigieuse brigade de recherche et d’intervention (BRI) mis en examen pour viol et acquittés cet été par une justice complice. Mais aussi, plus récemment, au CRS parisien qui proposait de faire sauter des PV en échange de rapports sexuels. Nous avions également recueilli le témoignage d’une femme accostée par trois policiers alcoolisés. Et ces éléments ne sont que quelques illustrations de ce que peuvent être les pires agressions sexistes commises par des policiers, institution qui érige la violence virile comme qualité et où elle façonne les rapports entre ses membres mais aussi leur façon d’asseoir leur toute-puissance face à leurs interlocuteurs.Les propos tenus par les policiers agresseurs de Guillaume Vadot sont en ce sens très éclairants. Ce dernier expliquait alors : « Je ne sais pas quelles paroles ont été les pires entre mourir ou être violé. En tout cas, les menaces de viol ont été accompagnées d’attouchements. Pour moi, c’est la volonté de démontrer une toute-puissance de la police. Une manière d’exprimer sa domination en la virilisant dans un contexte d’agression sexuelle… »

Car les policiers, lorsqu’ils menacent, agressent ou violent, sont pleinement conscients que leur statut d’hommes et de « représentants de l’ordre » leur confère un double pouvoir sur leurs victimes.

La police : allié ponctuel ou ennemi à abattre ?

Le caractère structurellement sexiste de la police, tout comme celui de la justice, reflet de notre société patriarcale, s’exprime également lorsqu’ils sont sollicités pour des cas d’agressions sexistes. Si moins d’un quart des victimes de viols portent plaintes, seuls 2 % des cas aboutissent à des condamnations. Dans les locaux de la police, la parole des victimes est constamment mise en doute, on tente souvent de les dissuader de porter plainte. Le témoignage de cette femme, violée puis condamnée pour avoir voulu dénoncer les propos tenus par les policiers par la suite, est édifiant :

« Elle [l’agente de police] trouve alors tout un tas de prétextes à son agression, me disant qu’il est « mignon », que je me suis « mise en danger », que je suis « naïve d’avoir suivi un serveur ». Une des brigadiers me dit que si j’avais saigné, c’est parce que j’avais mes règles lors du viol. Il y a une différence entre ses règles et saigner parce qu’une personne force. Surtout quand on n’a pas ses règles. Pour moi, c’est de l’humiliation.
Bien entendu, elle ne me dirige pas vers la cellule d’accueil aux victimes d’agressions (CAUVA) puisque pour elle ce n’en est pas une. Pourtant ayant passé un examen le lendemain, des lésions sont visibles. Grâce à cette fonctionnaire de police, mon dossier pour viol est classé sans suite le 18 avril 2016, chose que je n’ai apprise que récemment par ma juriste, puisque je n’ai reçu aucun appel téléphonique, ni courrier pour m’en informer. »

Il est nécessaire de dénoncer tous les actes sexistes, racistes et homophobes de la police pour briser l’illusion que parfois, la police pourrait être notre alliée. Mais pour répondre à l’affirmation selon laquelle « Si tu te fais violer, tu seras bien contente de pouvoir aller porter plainte ! », il faut rappeler que la décision appartient à chacun.e de le faire, et que le fait de poser les mots sur une agression est souvent libérateur. Le combat pour faire condamner un agresseur est presque toujours long, douloureux et loin d’être gagné d’avance, et il ne revient à personne d’autre que la personne concernée de choisir si elle souhaite le mener.

Réformer et féminiser la police ?

L’illusion selon laquelle il serait possible de former les policiers sur les questions de sexisme pour résoudre ces contradictions est forte. D’aucuns soutiennent également que puisque les femmes représentent à peine 20 % des effectifs de police, il faudrait féminiser cette institution pour éradiquer le sexisme en son sein. Mais les femmes peuvent aussi être vecteur d’oppression sexiste, l’extrait du témoignage ci-dessus en est l’illustration ! Il ne s’agit pas de personnes individuellement sexistes ou non, mais bien d’une institution dans son ensemble qui véhicule et défend l’idéologie de la classe dominante. En ce sens, la lutte contre la police est indissociable de la lutte contre le capitalisme et le patriarcat !

C’est pourquoi nous défendons un mouvement des femmes et des minorités de genre indépendant des institutions, anticapitaliste et antiraciste, qui puisse prendre en charge collectivement ces luttes !


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