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Réforme des retraites

Les sénateurs en guerre contre tous les régimes spéciaux... sauf celui des sénateurs

L’arrivée de la réforme des retraites au Sénat est l’occasion pour la droite sénatoriale d’accélérer l’offensive du gouvernement contre les régimes spéciaux. Tout en accélérant la destruction de ces acquis, les sénateurs préservent tous leurs privilèges et leur système de retraite unique.

Seb Nanzhel

3 mars 2023

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Crédits photo : SONIA KERLIDOU / AP

Ce 28 février marquait le début de l’examen par le Sénat du projet de loi de la réforme des retraites, avec une première séance publique le 2 mars. Un examen que le gouvernement aborde comme un « moment de réassurance », et une occasion d’offrir une légitimité démocratique à son texte face à la colère qui s’exprime dans la rue. En effet, l’institution profondément réactionnaire et anti-ouvrière que constitue le sénat est acquise à la retraite à 64 ans, et n’a pas manqué de le faire savoir.

Ce début d’examen est d’ailleurs l’occasion pour la droite sénatoriale de durcir le texte, notamment sur la question des régimes spéciaux. Alors que le gouvernement entend y mettre fin grâce à la clause du grand-père, qui prévoit que les nouveaux arrivants seront incorporés au régime général, la droite sénatoriale compte elle accélérer l’attaque et supprimer carrément cette clause. Le président du groupe LR au Sénat Bruno Retailleau explique ainsi : « Nous souhaiterions qu’ici aussi, la convergence soit plus rapide et que l’on n’attende pas 43 ans pour la suppression de ces régimes spéciaux ».

Une proposition à laquelle le gouvernement répond « pourquoi pas » par la bouche d’Olivier Dussopt. Ce dernier est toutefois soucieux de la colère que pourrait susciter cette accélération de l’offensive contre les régimes spéciaux, expliquant : « Il faut voir comment est proposée la disposition et comment on l’articule au respect de ce contrat social qui lie les salariés qui ont été recrutés dans un cadre et qui demandent, assez légitimement, à ce que ce cadre soit conservé ». La clause du grand-père mise en place par le gouvernement pour mieux saper les régimes spéciaux a en effet l’avantage de diviser les secteurs entre ceux bénéficiant de ces régimes et les nouveaux arrivants, et ainsi de tenter de juguler la mobilisation face à cette attaque. Ainsi, les divergences entre LR et le gouvernement sur ce terrain ne sont que tactiques, et l’expression d’un débat sur la meilleure manière de saper à moindre frais ces acquis des travailleurs.

Des acquis pour lesquels Bruno Retailleau n’a pas de mots assez durs. Il explique ainsi que « Les régimes spéciaux sont des cas flagrants d’injustice ». Mais si les régimes des industries électriques et gazières, de la RATP, ou encore des membres du Conseil économique, social et environnemental déclenchent l’ire des sénateurs, il en est un qui ne semble pas susciter la même indignation face à une « injustice flagrante » : le leur.

Un mandat de 6 ans au Sénat assure en effet une retraite plus que confortable de 2190 euros net en moyenne. Comme les banquettes de la chambre haute sont confortables et la sape des conquêtes des travailleurs une activité peu usante, les sénateurs enchainent souvent les mandats, si bien que la pension de retraite versée par le Sénat tournait en moyenne autour de 3 856 euros net en 2019.

Une somme qui se cumule à la retraite que ces spécialistes des attaques antisociales se constituent au cours du reste de leur carrière dans le public ou le privé. Un système unique, hybride et sur-mesure permet de la financer. Ainsi, les cotisations des sénateurs sont rassemblées dans un pactole qui est placé sur différents investissements. Les pensions versées sont ainsi constituées d’un mix entre les cotisations des sénateurs et la rente de ce pactole. Le Monde rapporte ainsi que « les revenus générés par le placement des actifs cumulés depuis 1905 ont permis à la caisse de constituer des fonds propres de près de 620 millions d’euros à la fin de l’exercice 2021, d’après le dernier rapport sur les comptes du Sénat. » De quoi voir venir.

On sera par ailleurs ravis d’apprendre que les sénateurs toucheront bientôt une retraite certifiée 100% écolo pour leurs bons et loyaux services, ces derniers réfléchissant à « proscrire les investissements issus des réserves de la caisse dans les projets d’énergie fossile ».

Un système que le Sénat compte bien préserver, et continuer à faire prospérer, tout en détruisant les régimes spéciaux issus des luttes de différents secteurs du monde du travail. L’avantage de faire les lois, c’est qu’on ne les subit pas ! Une nouvelle démonstration qu’il n’y a rien à attendre de cette institution ultra réactionnaire et que toute stratégie de pression à son encontre est vouée à l’impasse. Alors que Laurent Berger et l’intersyndicale continuent d’enfermer la mobilisation dans ce cadre, il est essentiel de s’appuyer sur le 7 mars pour construire par en bas la reconduction de la grève. La seule manière de faire reculer le gouvernement sur sa réforme, préserver et étendre les acquis que sont les régimes spéciaux, et de faire ravaler aux sénateurs leurs privilèges.


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