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Des enjeux non négligeables

Liban. Affrontements meurtriers à Beyrouth sur fond d’enquête sur l’explosion du port

Des tirs contre une manifestation du Hezbollah et ses alliés, qui craignent d’être inculpés pour l’explosion du port de Beyrouth, ont fait au moins six morts de plusieurs dizaines de blessés. Dernier forfait d’un régime profondément corrompu.

Philippe Alcoy

14 octobre 2021

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Ce jeudi la formation politico-militaire chiite Hezbollah et son allié, également chiite, Amal organisaient une manifestation devant le Palais de Justice de Beyrouth pour exiger le remplacement du juge Tarek Bitar, à la tête de l’enquête sur la double explosion du port de Beyrouth en août 2020. Pour rappel, cette explosion avait fait près de 220 morts et plus de 7 500 blessés, détruisant par ailleurs une grande partie de la ville. Les organisations chiites accusent le juge de mener une enquête « politisée » après avoir émis un mandat d’arrêt à l’encontre d’Ali Hassan Khalil, dirigeant du mouvement Amal.

La situation a très rapidement tourné au drame quand des tirs ont été lancés en direction des manifestants. Selon le Hezbollah il s’agissait de snipers. De violents affrontements ont suivi et ont duré au moins pendant trois heures, en plein Beyrouth. On parle d’au moins six morts et de plusieurs dizaines de blessés. Les images postées sur les réseaux sociaux sont impressionnantes : échanges de tirs à l’arme automatique et même des tirs de roquettes. La panique a naturellement gagné la population des quartiers affectés par les affrontements qui tentait de fuir, de se protéger, de protéger les enfants abrités des établissements scolaires.

Cette enquête implique de nombreux enjeux politiques. Tous les gouvernements et membres des gouvernements des dernières années étaient au courant du stockage d’une cargaison dangereuse au cœur de cette ville densément peuplée. Or, dans le contexte politiquement très délicat du Liban une telle enquête ne peut qu’être politisée, et donc avec d’énormes conséquences pour les responsables désignés. Et cela d’autant plus qu’il existe un mécontentement de plus en plus grand parmi la population face au manque de réponses devant une telle catastrophe.

Autrement dit, aussi bien le manque de réponses que les violents affrontements de ce jeudi sont le résultat d’un régime politique complexe et totalement corseté par les intérêts économiques, politiques et même militaires des différentes factions au pouvoir depuis la fin de la guerre civile. En ce sens, si elles n’arrivent pas à trouver un accord de façon « pacifique », le recours aux coups de force et même aux affrontements armés devient pratiquement inévitable. Certains analystes évoquent même des risques de guerre civile, même si pour le moment est très tôt pour l’affirmer.

Les puissances impérialistes comme la France mais aussi les Etats-Unis, dont la sous-secrétaire d’État pour les Affaires politiques Victoria Nuland était dans la capitale libanaise au moment des affrontements, appellent au calme et en même temps plaident pour « l’indépendance » de la justice. Elles n’ont que faire de la vérité et de la justice pour les victimes de cette terrible catastrophe. En réalité elles cherchent à affaiblir un allié fondamental de l’Iran au niveau régional. Car les alliés des occidentaux sont bien évidemment tout aussi corrompus et sanguinaires que le Hezbollah. En d’autres termes, il s’agit d’une attitude hypocrite de puissances comme la France dont le gouvernement se posait en garant et protecteur de la population libanaise après l’explosion d’aout 2020.

Cette situation est d’autant plus tragique qu’elle a lieu au milieu d’une crise économique historique dans le pays. « L’économie s’est pratiquement effondrée, et la société avec elle. Selon la Banque Mondiale, la crise économique que traverse actuellement le Liban pourrait être l’une des trois pires crises économiques que la banque ait connues au cours des 150 dernières années », explique Nazih Osseiran, journaliste du Wall Street Journal basé au Liban. En effet, la lire libanaise a perdu 90% de sa valeur depuis 2019, près de 80% de la population libanaise est tombée au-dessous de la ligne de la pauvreté, il existe des pénuries de carburants et l’électricité a été rationnée étant coupée plusieurs heures par jour, l’inflation s’est également envolée.

Toute cette situation montre que la classe ouvrière et les classes populaires libanaises ne trouveront aucunement des alliés parmi la bourgeoisie nationale, alliée soit à des puissances régionales réactionnaires comme l’Iran, soit aux impérialistes. Le régime corrompu libanais est incapable d’offrir ne serait-ce que des débuts de réponses sur ce qu’il s’est passé lors de l’explosion du port de Beyrouth. Les réponses sur la catastrophe du port mais aussi aux problèmes structurels des classes populaires et de la classe ouvrière libanaise naîtront des ruines de ce régime corrompu.


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