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Moyen-Orient

Liban. La mobilisation freine la loi visant à amnistier les élites corrompues du régime

Depuis le 17 octobre une mobilisation historique secoue le Liban. Après la démission du premier ministre Saad Hariri ou l’échec du paquet de réformes visant à calmer la colère, le régime cherche maintenant à se sauver avec une loi d’amnistie générale.

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De nouveau, ce mardi 19 novembre, le Parlement libanais a été forcé de reporter l’examen d’une proposition de loi d’amnistie générale permettant notamment d’absoudre les personnes impliquées dans le cadre de crimes environnementaux mais aussi d’évasion fiscale ou de détournement de fonds. Cet aspect de la loi a été fortement contesté dans la rue car en effet celui-ci ouvre la possibilité d’exonérer les élites politiques et économiques corrompues du régime alors que celles-ci sont la première cible de la révolte du peuple libanais.

La colère qu’a soulevée cette loi s’est incarnée dans une forte mobilisation qui est allée jusqu’au dépassement des barbelés qui entouraient le Parlement et qui a réussi à empêcher l’arrivée d’un certain nombre de députés malgré la répression policière. De par cette situation convulsive et l’absence de quorum lors de la séance la proposition de loi a été reportée. « La séance a été reportée à une date qui sera déterminée ultérieurement », a annoncé Adnane Daher, responsable du Parlement « les conditions exceptionnelles actuelles, en particulier sécuritaires ».

Le nouveau recul du gouvernement et la mise en échec de cette manœuvre visant à sauver les élites du pays sous l’excuse du rétablissement de la « paix sociale » ont été fêté par les manifestants. Ceux-ci, méfiants des débouchés institutionnels que leur propose le régime, prennent confiance dans la puissance de la mobilisation et revendiquent le rapport de force imposé par la rue contre le gouvernement. Comme le témoignait Mohamed Ataya, un manifestant de 28 ans, « c’est un nouvel accomplissement pour la révolution ».

Cette loi d’amnistie générale, qui vise à contenir dans le cadre du régime la colère populaire en faisant tabula rasa comme un nouveau pacte pour rétablir la paix sociale, n’est pas la premier tentative du gouvernement pour canaliser institutionnellement la révolte historique qui secoue le Liban depuis un mois. En effet le gouvernement avait déjà annoncé dans ce sens toute une série de réformes, comme la mise en place d’aides pour les plus pauvres, ou encore la baisse des salaires des ministres et des députés. Mais la tentative a échoué, les manifestants sont ressortis en exigeant la chute du régime. Plus tard, en voyant les mobilisations et les blocages se poursuivre, Saad Hariri, le premier ministre, s’est vu obligé d’annoncer ce 29 octobre sa démission. Encore un geste dans le vent.

Dans ce contexte de convulsion sociale, où à la crise de liquidité sans précédent du pays s’ajoute à le manque d’alternative politique claire pour remplacer Saad Hariri, la loi d’amnistie n’est pas seulement une mise en scène d’une nouveau pacte pour la « paix sociale », mais un projet pour consolider les trois partis partageant le pouvoir du pays ainsi que leurs alliances.

Comme l’explique l’avocat Rabih El Chaher « le texte a été cuisiné entre trois partis : le Courant du Futur (du premier ministre démissionnaire Saad Hariri) souhaite l’amnistie pour des islamistes en détention provisoire depuis des années, jamais jugés ; le Hezbollah pour divers délinquants dont des trafiquants de drogue ; enfin, le Courant Patriotique Libre du président [Michel Aoun] l’invoque pour les anciens alliés d’Israël lors de l’occupation du sud du pays », « Ils ont ajouté une quatrième catégorie, bien cachée, pour les délits financiers » ce qui arrange bien évidement tous les trois.

Dans cette manœuvre où le régime cherche à se renforcer en consolidant les alliances entre ses différentes factions politiques sous la mascarade d’un nouveau pacte social, rien d’étonnant à ce que le Président Michel Aoun se soit prononcé favorable à inclure des représentants du mouvement populaire dans un éventuel nouveau gouvernement : « Le nouveau gouvernement sera politique et inclura des spécialistes et des représentants du mouvement populaire ».

Si d’un côté le régime vise à consolider l’unité de ses différentes factions pour mieux faire face à la crise ouverte par la révolte, de l’autre côté il cherche à désactiver et à diviser cette dernière en la menant vers un débouché institutionnel.


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