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Moyen-Orient

Liban. Le gouvernement craint la fuite de capitaux, la mobilisation continue

Depuis le 17 octobre une mobilisation historique secoue le Liban. Malgré le paquet de réformes – parmi lesquelles la baisse de 50 % sur les salaires des ministres – pour calmer la colère et la récente démission du premier ministre Saad Hariri, la contestation continue et vise l’ensemble du régime. Le gouvernement craint une déstabilisation économique

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Crédits photo : Joseph eid / AFP

Depuis le 17 octobre, dans le cadre du retour de la lutte de classes à l’échelle internationale, une mobilisation de masses secoue le Liban. Le déclencheur des mobilisations a été l’annonce de l’imposition de nouvelles taxes notamment sur les couches populaires de la société. Alors qu’une partie de la population n’a pas d’accès stable à l’eau et l’électricité, que les prix du logement explosent, et que les salaires baissent, la classe politique libanaise cherche à appliquer des mesures de plus en plus austéritaires, notamment pour rembourser la dette contractée, qui actuellement atteint le 150% du PIB.Devant cet attaque centaines de milliers de personnes ont rapidement pris les rues de Beyrouth mais aussi de tout le pays.

Le caractère historique de cette mobilisation qui a réussi à rassembler des manifestants de confessions différentes mais également des travailleurs, des chômeurs ainsi que les couches inférieures de la société avec des secteurs des classes moyennes s’inquiétant de leur perte de pouvoir d’achat, a poussé le gouvernement à tenter de calmer la colère grandissante en annonçant toute une série de réformes, annonçant la mise en place d’aides pour les plus pauvres, ou encore la baisse des salaires des ministres et des députés. Mais la tentative a échoué et les manifestants sont ressortis en exigeant la chute du régime. Plus tard, en voyant les mobilisations et les blocages se poursuivre, Saad Hariri, le premier ministre, s’est vu obligé d’annoncer sa démission.

Cependant, comme nous le soulignions dans l’article Liban. Le soulèvement populaire continue après la démission du premier ministre, «  derrière cette première victoire pour le soulèvement populaire au Liban, se cache aussi une tactique politique pour Saad Hariri. De fait, ce dernier ne va pas quitter le pouvoir immédiatement, mais bien plutôt conserver un rôle dirigeant dans les affaires, le temps de constituer un nouveau gouvernement qui accorde les différents partis politiques. Comme l’a signalé le président Aoun, il a « demandé au gouvernement de poursuivre la gestion des affaires courantes jusqu’à la formation d’un nouveau gouvernement ». De plus, aucune alternative claire n’est envisageable pour le remplacer, et sa volonté de mettre en place un nouveau gouvernement pour conserver la stabilité du régime pourrait aboutir. »

L’économie libanaise dans les cordes

Dans ce contexte fragile où le régime cherche à dévier institutionnellement le processus de lutte, le gouvernement craint une fuite de capitaux pouvant plonger l’économie du pays et approfondir la crise sociale qui le traverse.

Comme le souligne le journal Les Echos, « des restrictions sur les opérations bancaires étaient toutefois encore imposées par une partie des établissements redoutant une fuite des capitaux, dans un contexte de marasme économique, aggravé par la crise de confiance à l’égard des institutions. Les demandes de retraits de fonds, de conversion de livres libanaises en dollars et de transferts internationaux étaient fortement encadrées et traitées au cas par cas »

En effet depuis des mois « le pays traverse une crise de liquidité sans précédents, menaçant la capacité de sa banque centrale à assurer la stabilité de la livre libanaise par rapport au dollar, auquel la valeur de la monnaie locale est arrimée », la fuite de capitaux priverait le Liban du flux de capitaux étrangers nécessaire pour compenser le déficit structurel de la balance commercial qui selon Orientxxi.info est de 30’4%, et pousserait la Banque Centrale du pays à financer directement l’Etat en se servant de ses réserves. Et cela alors que le ralentissent des flux de capitaux qui travers le pays depuis des mois a déjà obligé la Banc Centrale à verser au Trésor – toujours selon Orientxxi.info – un total de 2152 milliards de dollars pour qu’il puisse faire face aux importations au premier semestre 2019. Un autre versement de 1’7 milliards de dollars serait prévue pour cette novembre.

Le flux de capitaux permettant compenser la balance commercial et la stabilité de la livre libanaise par rapport au dollar est un élément clé de l’économie du pays. En effet libanais importent près de 80% de ce qu’ils consomment et cela soutenu par un pouvoir d’achat artificiellement élevé permise par le taux fixe de convertibilité entre de la livre libanaise et le dollar américaine.

Comme le souligne Orientxxi.info « la politique de taux de change fixe était déjà difficile à tenir de par la crise larvé qui vit le Liban avec sa balance des paiements qui menace d’exploser en tout moment » si on ajoutait à cela une fuite de capitaux devant la situation qui traverse le pays, cela entraînerait une baise soudaine du pouvoir d’achat qui toucherait fortement les classes populaires bénéficiant de ces « produits de consommations de base importés à des tarifs avantageuses ».
Une situation qui pourrait amplifier la colère de celles et ceux qui sont déjà dans la rue contre les mesures autoritaires imposés par le gouvernement et pourrait changer le tableau du rapport de forces entres les différents puissances régionales en affaiblissant l’influence de l’Iran au Liban.


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