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Analyse

« Loi anti-casseurs » : Darmanin poursuit son offensive autoritaire après le 1er Mai

Au lendemain d’une nouvelle mobilisation historique contre la réforme des retraites, le gouvernement a fait le tour des plateaux télé pour criminaliser le mouvement. L’occasion d’ouvrir la voie à une nouvelle offensive autoritaire contre le droit de manifester en appelant notamment à une nouvelle loi « anti-casseurs ».

Simon Derrerof


et Nathan Deas

2 mai 2023

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Crédits photo : Jacques Paquier CC BY 2.0

Lundi 1er mai, plus de deux millions de manifestants ont marché dans les rues partout en France contre la réforme des retraites. Une nouvelle démonstration de la « profondeur » d’un mouvement qui refuse de s’éteindre et des difficultés du gouvernement à tourner la page des retraites. Or, puisqu’il n’y a pas d’« apaisement », il faudra de la matraque. C’est, dans les grandes lignes, le message que Darmanin et ses amis ont tenu à adresser lundi soir aux travailleurs mobilisés et au mouvement social dans son ensemble. Quitte à s’attaquer toujours un peu plus au droit de manifester.

Sur le plateau de BFM TV Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, ouvre le bal des indignations : « on a pu voir des casseurs extrêmement violents venus avec un objectif : tuer du flic et s’en prendre aux biens des citoyens » explique-t-il. Son de cloche identique du côté d’Elisabeth Borne qui a dénoncé à l’Assemblée ce mardi « des scènes de violence inacceptables ». Et d’ajouter, « un nouveau pallier dans la violence a été franchi ».

Une rhétorique au service de la criminalisation du mouvement en cours et de la réaffirmation de la ligne sécuritaire du gouvernement. Il faudra des « sanctions fermes » s’époumone Gérald Darmanin. « Les auteurs des exactions seront identifiés et traduits en justice » défend à son tour Elisabeth Borne. Une façon de justifier a posteriori la violente répression du 1er Mai où, après avoir mobilisé les drones pour surveiller les manifestants dans différentes villes, la police a été à l’offensive dans les cortèges, gazant et chargeant les manifestants. A Nantes, un d’entre eux a eu la main expulsée tandis qu’une adolescente de 17 ans a reçu un éclat de grenade dans l’œil et que, partout en France, au moins 540 personnes ont été interpellées.

Darmanin prépare le terrain à une nouvelle loi sécuritaire

Darmanin, d’ailleurs ne s’arrête pas en si bon chemin. Pour le ministre de l’Intérieur, les critiques qui fleurissent contre la police seraient le fait d’une « ultra gauche » avec laquelle le mouvement de Jean-Luc Mélenchon, accusé « d’appeler à la sédition », aurait des accointances. Une image absurde à la hauteur des délires auxquels est obligé de recourir le gouvernement pour tenter de repasser à l’offensive.

Une rhétorique en phase avec la ligne édictée par Emmanuel Macron sur les « factieux » qui sert à polariser les débats sur le terrain des prétendues « violences des manifestants » pour préparer le terrain à de nouvelles mesures sécuritaires. Ainsi, ce lundi soir, Darmanin a appelé à une nouvelle « loi anti-casseurs ». Une proposition portée depuis longtemps par le ministre, visant notamment à permettre aux Préfets d’interdire de manifestation des personnes considérées comme présentant une « menace pour l’ordre public », qui avait été retoquée en 2019 par le Conseil constitutionnel. A l’époque, Nicolas Krameyer, responsable du programme Libertés individuelles et publiques à Amnesty France, dénonçait « une mesure issue de l’Etat d’urgence inédite en Europe ».

Alors que les arrêtés d’interdiction de manifestation, s’appuyant notamment sur la législation antiterroriste, se multiplient ces dernières semaines, Darmanin ouvre donc la voie à un nouveau saut dans l’offensive contre le droit de manifester. On se rappelle que la première loi « anti-casseurs » en 1970, portée par le Premier ministre Jacques Chaban-Delmas, visait à mettre un terme aux mobilisations persistantes, malgré les accords de Grenelle, après la grève générale de 1968. Chaban-Delmas expliquait alors qu’il « fallait défendre les libertés collectives et individuelles, [celles] des personnes et des biens contre les tenants de la violence et les ennemis de la République ».

Une rhétorique qui rappelle au mot près celle qu’emploie le gouvernement aujourd’hui : ceux qui manifestent veulent le chaos. Une tentative de diviser le mouvement, et de légitimer sa répression violente à l’heure, où le mouvement historique contre la réforme des retraites se poursuit. Dans ce contexte, il est fondamental que le mouvement ouvrier et le mouvement social se saisissent des questions de répression pour mener des campagnes contre les mesures autoritaires. Jusqu’alors, l’intersyndicale s’y est refusée, que ce soit contre les réquisitions, les dissolutions d’organisations, les violences policières ou encore l’opération militaro-policière à Mayotte.

Dans le même temps, l’offensive sécuritaire en cours et à venir ne fait que renforcer l’enjeu de refuser tout « dialogue avec l’exécutif ». Une attitude loin d’être celle de l’intersyndicale qui tente d’enterrer le mouvement sur fond de reprise du « dialogue social ». Le risque est non seulement de laisser le mouvement s’épuiser, mais aussi de laisser le champ libre à une violente contre-offensive contre celles et ceux qui luttent depuis deux mois. Il est urgent d’imposer une autre stratégie à la base.

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