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Offensive autoritaire à l'université

Loi séparatisme. Les organisations étudiantes visées à nouveau par la surenchère islamophobe au Sénat

Depuis une semaine, la droite alourdit de toutes les manières possibles le projet de loi islamophobe et policier de la loi séparatisme. Mardi, les sénateurs s’en sont pris à l’université, en attaquant ouvertement les organisations étudiantes. En creux, une interdiction du droit de grève, l’interdiction pour les opposants au régime de se présenter aux élections universitaires ou d’avoir des locaux.

Joël Malo

7 avril 2021

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Crédit photo : Sénat

Après plus d’une semaine de débats au Sénat sur la loi séparatisme, l’offensive anti-musulmane et, à ce prétexte, contre les libertés individuelles et politiques, menée par la droite se poursuit au pas de charge. Chaque jour, une nouvelle lubie. Force est de se demander où les sénateurs républicains vont chercher tout ça, mais en réalité il faut surtout prendre la mesure de la vague réactionnaire déclenchée par Emmanuel Macron et Gérald Darmanin, qui ont ouvert la porte à un florilège d’amendements plus répressifs les uns que les autres. Au cours de la semaine, il a été voté que les mères voilées ne puissent plus accompagner les sorties scolaires (polémique engagée il y a un an et demi par le RN), les drapeaux étrangers soient interdits au cours des mariages, mais aussi un amendement sur-mesure autour de la polémique contre l’UNEF. Ce dernier permettant de dissoudre le plus vieux syndicat étudiant de France, ainsi que de nombreuses autres associations politiques ou syndicales du mouvement ouvrier ou étudiant, sous prétexte de séparatisme. Une offensive gouvernementale qui après avoir repris toute la rhétorique de l’extrême droite, de l’ensauvagement à l’islamo-gauchisme (au mépris de toute réalité il va sans dire) retombe sur ses pattes, et à travers les musulmans, menace de mettre au pas toute opposition politique ou syndicale.

Comme le rappelait Claude Serfati, dans un article publié en décembre dernier, le pouvoir gaulliste s’était aussi emparé de la rhétorique séparatiste, sans connotation religieuse à l’époque, pour attaquer les syndicats dans les années 1950. « Les séparatistes se sont emparés d’une grande partie des syndicats. Ils utilisent les revendications professionnelles pour leur politique ».

Les discussions de mardi soir dans la chambre haute, ont permis à la droite de déchaîner toute leur haine de l’université et d’engager des attaques importantes contre les libertés organisationnelles, toujours sous motif d’attaques contre les musulmans. Par la porte, revient l’article 38 de la LPR. Rappelez-vous : cet article criminalisait, et menaçait de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende, les personnes qui auraient « troublé » d’une manière ou d’une autre le bon fonctionnement de l’université, avec des conséquences aggravantes si commis « en réunion ». En bref, toute action de grève et les méthodes historiques du mouvement étudiant (manifestation, occupation, blocage, piquets de grève) étaient désormais passibles d’enfermement ! Un article qui avait été censuré en décembre par le Conseil constitutionnel pour des questions de forme, jugeant qu’il s’agissait d’un cavalier législatif, mais absolument pas sur le fond.

L’amendement suivant a été adopté : « La liberté d’information et d’expression ne saurait leur permettre d’exercer des pressions sur les autres membres de la communauté universitaire, d’avoir un comportement de nature à perturber par des actions de prosélytisme ou de propagande les activités d’enseignement et de recherche, la tenue de conférences ou de débats autorisés par le président d’université ou le directeur de l’établissement, ou de troubler le bon fonctionnement du service public. » Le respect des principes de la République condamne donc les luttes étudiantes. Même si le gouvernement feint de s’opposer à cette surenchère des Républicains, ces derniers partent en croisade pour que l’université redevienne un haut lieu de la réaction, du racisme et de la bien-pensance bourgeoise ; encore horrifiés par l’envahissement de quelques colloques de réactionnaires dans les universités ou par le fait que François Hollande, contre qui les étudiants se sont levés en 2013 lors de la loi Fioraso, ou en 2016 avec la loi El Khomri, se soit fait un peu chahuté fin 2019 à Lille.

Un des signes indéniable de la passe décisive de la majorité macroniste à l’Assemblée vers leurs homologues (à peine plus) de droite au Sénat, c’est le contrat d’engagement républicain. Cette charte, dont le contenu doit être précisé par décret par le gouvernement, devra être signée par toute association ou syndicat requérant une subvention publique. Un moyen de mettre le couteau de la légalité républicaine sous la gorge de nombreuses organisations, et un pas immense vers toujours plus d’intégration à l’Etat de corps intermédiaires, incités désormais à jouer encore plus le rôle de frein face à des contestations populaires, qui elles ont la fâcheuse tendance à ne pas s’embêter avec la légalité des riches et des puissants.

Sur le terrain universitaire, la droite pousse le vice anti-démocratique encore plus loin, puisque toute organisation qui n’aura pas signé ce contrat ne pourra pas obtenir de locaux à l’université. Une mesure visant à museler les organisations étudiantes, alors même qu’elles font partie des seules à ne pas avoir abandonné les étudiants à leur sort. Nous vivons une période où la jeunesse étudiante fait la queue devant des distributions alimentaires pour survivre, où certains cumulent à côté de leurs études, dix, vingt heures de travail hebdomadaires dans les supermarchés pour pouvoir se nourrir. La presse locale se fait tragiquement le relais de nouveaux cas de suicide dans la jeunesse étudiante. Les chèques psys, déjà insuffisants, promis en grande pompe par Macron n’ont pas été mis en place. Vidal promettait à la radio fin février que tous les étudiants auraient repris au moins une journée en présentiel à la début mars, encore des mensonges. Pendant que LREM et la droite nous répriment, nous retirent tout droit à nous organiser, à manifester, en plus de nous contraindre à une situation d’isolement et de précarité matérielle, des hauts-fonctionnaires organisent des soirées dans les locaux du ministère de l’enseignement supérieur, et la droite mène campagne pour dissoudre les organisations qui mobilisent les étudiants contre cette situation !

A côté de cette mesure, les élections étudiantes sont visées également. Des listes « communautaires » s’y présenteraient. Pour l’élu LR Max Brisson, qui a rédigé l’amendement : « Ne peuvent participer aux élections d’associations représentatives d’étudiants les listes dont un ou plusieurs candidats ont tenu dans des lieux publics, par quelque moyen que ce soit, y compris écrit, des propos contraires aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité afin de soutenir les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse. » Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup, et cet amendement est particulièrement flou. Toute remise en cause de l’impérialisme français et de ses guerres, que le mouvement étudiant a régulièrement dénoncé au cours de l’histoire, de l’Algérie à l’Irak, ou encore aujourd’hui par l’opposition à l’opération Barkhane qui tue des civils avec couverture ministérielle, la dénonciation des ventes d’armes au Yemen, tout cela peut être considéré comme des propos contraires à la souveraineté nationale. Quand le Sénat vient de voter quelques jours plus tôt, que l’organisation de réunions non-mixtes était une attaque contre la République, cet amendement vise à interdire aux militants anti-racistes de se présenter dans les universités. De même pour toute personne qui aurait pris la défense des musulmans dans cette période de déchaînement islamophobe. C’est à une censure active des forces de gauche que se prête encore une fois le Sénat.

Mais depuis le début de cette session parlementaire, la droite cherche à éviter que son offensive anti-musulmane (menée en des termes très généraux sur la religion) ne fasse des dommages collatéraux sur le culte catholique. Ainsi, ils avaient corrigés la version initiale de la loi afin d’empêcher l’Etat de contrôler l’enseignement à la maison, qui avait fait bondir nombre de catholiques intégristes. Stéphane Piednoir, a ainsi bataillé pour interdire les prières dans les couloirs des universités (!) tout en prenant soin d’exclure de cette interdiction les aumôneries et les installations permises par le régime concordataire en Alsace-Moselle. Il est probable que Michel Deneken, le prêtre catholique qui dirige l’université de Strasbourg l’aurait autrement vu d’un mauvais œil.

Cette session parlementaire est un véritable défilé des mesures les plus réactionnaires qui se réfléchissent des les salles de rédaction du Figaro, de Valeurs actuelles ou dans les bureaux parlementaires de LR ou du RN. Plus personnes dans les milieux syndicaux ou de la gauche politique ne peut continuer à faire semblant qu’il s’agirait là de mesures de garantie de la laïcité. Il s’agit d’une offensive en règle contre les musulmans, contre tous ceux qui ont osé lever la voix pour refuser qu’une partie de la population soit discriminée sur des critères racistes et religieux. Par la suite, cette loi devient le moyen de mettre au pas toutes les structures un tantinet oppositionnelles à la politique du gouvernement qui se prépare à des grands plans d’austérité pour nous faire payer la crise économique et la crise sanitaire, que nous avons déjà largement payés.

Nous assistons actuellement à un renforcement hors-norme des pouvoirs policiers et bureaucratiques d’un État déjà fortement autoritaire. Dans la fin d’après-midi de mercredi, des amendements sur l’école ont été discutés. Avec comme projet, dans la droite lignée de l’école-caserne rêvée par Blanquer, l’apprentissage du « vocabulaire » de la laïcité en classes de maternelle, et l’organisation d’un « rituel républicain » à partir du CP. Après le grand oral républicain pour obtenir le bac, l’obligation d’afficher le drapeau et la Marseillaise dans les salles de classe, imposés par Blanquer peut-être faudra-t-il maintenant saluer en entrant en CP. C’est à une véritable mise au pas nationaliste et raciste de l’éducation, de la maternelle à l’université que se livrent, dans un concours où les classes populaires seront toujours perdantes, toutes les forces politiciennes de droite. Tous ces amendements au projet de loi adopté à l’assemblée suivront le cours de la navette parlementaire, certains seront enlevés, d’autres en guise de compromis seront sûrement acceptés. La droite sénatoriale charge la mule le plus lourdement possible en espérant qu’un maximum d’amendements puissent être conservés, en acceptant de sacrifier les plus fous. Darmanin, Schiappa, Blanquer et leurs alliés du centre essayent de passer pour les raisonnables de l’histoire, mais, ce sont eux qui ont entamé cette bataille, ce sont les mesures de leur projet de loi qui sont élargies. Et ce sont eux qui intégreront demain certaines des mesures adoptées cette semaine au projet de loi final.


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