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Interview avec R. ; militant à Solidaires et au NPA

Lutte à la fac de Besançon : « les logiques de rendement des entreprises sont aujourd’hui les mêmes que dans nos universités »

Depuis maintenant 4 semaines, les étudiants bisontins de l’Université de Franche Comté sont en lutte pour préserver leurs formations et l’embauche de professeurs. Cette lutte contre la précarisation de l’enseignement supérieur est une question plus ou moins latente dans toutes les universités françaises, qui sont actuellement toutes dans la même logique de rendement, bien éloignée des besoins des élèves. Retour avec R., militant à Solidaires étudiant-es et au NPA-Besançon, sur cette lutte, son déroulement et son organisation.

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Révolution Permanente : Depuis trois semaine il y a une lutte à la fac de Besançon, peux tu nous rappeler les raisons qui ont amené au déclenchement du mouvement et la façon dont les étudiants ont réagi ?

R : Tout a commencé par un mail de professeurs de Sud-Éduc siégeant au conseil d’administration, qui venaient de recevoir l’ordre du jour du CA du 22 novembre. Il nous expliquait qu’à la faculté de lettre de Besançon, il y avait des formations menacées, des gels de postes d’enseignement chercheurs et d’enseignants du secondaire. Dès lors, avec Solidaires étudiant-es, on a appelé à une Assemblée Générale le 22 novembre, on a fait le tour des amphis avec quelques camarades où l’on a été très bien accueillis par les profs qui nous demandaient de rester pour discuter avec tous les étudiants, et eux aussi ont appelé à se réunir. Du coup à midi, on a été surpris du nombre d’étudiants : on était quelques 600 en AG, et on a discuté de ce qui était prévu pour l’université et comment lutter contre. On a décidé de bloquer le CA qui devait se réunir le jour même et on est parti en cortège commun jusqu’à la maison de l’université où les policiers nous attendaient. Ils nous ont bousculés, notamment une camarade qu’ils ont failli faire tomber d’un balcon, et un camarade qui la défendait qui s’est pris des coups de matraques. La présidence a refusé de nous accueillir et nous menaçait de nous déloger parce qu’on occupait le hall. Malgré le nombre d’étudiant, la présidence a fait tenir le CA en faisant entrer les représentants par une porte dérobée. Notre élu Solidaires nous a dit que la présidence avait largement la majorité, et ce qu’on a fait, c’est qu’on a envoyé une délégation. Les discussions au CA étaient très techniques de sorte qu’on ne pouvait pas comprendre, et la présidence affichait ouvertement son mépris envers certaines formations. Pour empêcher que le vote ait lieu, on est resté dans le CA à trois jusqu’à la sortie quand on a décidé de s’en aller. Sur le coup, on a appelé à une deuxième AG.

Le jeudi 24, on était près de 300 et on avait un amphi plein, et on a voté quelques modalités d’action. A partir de ce moment là, le nombre de présents en AG a diminué, du fait des révisions notamment, et les professeurs ont monopolisé la parole, surtout ceux concernés par les mesures. Ils étaient contre toute action « radicale », et il y a beaucoup de débats sur la « violence ». Cette « violence » dénoncée par certains profs, on l’a dénoncé avec les syndicats, rappelant que la violence venait surtout de la direction, et ce débat a été difficile : des syndicalistes face à des professeurs et toute leur légitimité, mais les étudiants se sont mis de notre côté. Les débats ont un peu tourné en rond et on a eu énormément de propositions d’actions « pacifistes », c’est à dire des actions qui ne permettaient pas d’instaurer un rapport de force. Par exemple, ils ont proposé de faire une représentation de « mise à mort de la fac » un samedi après midi sur la place, ou encore une diff vers les commerçants. Pour beaucoup, il fallait « informer les commerçants ». On ne s’attendait pas à ce que le mouvement devienne si réformiste et si défensif : pour beaucoup, il s’agissait tout simplement de revenir aux conditions déjà terribles de 2015. A l’AG du 29 novembre, on a réussi à obtenir trois journées de grèves pour le 5, le 8 et le 16 décembre. Ces grèves ont été très peu suivies par les professeurs, et les étudiants, surtout le 5. Le 8, c’était déjà plus suivi, et on a réussi à occuper la présidence pendant deux heures, en organisant un pique-nique. On verra le 16, qui a pour enjeu d’être le jour où le CA vote le budget 2017.

R.P. : Durant le mouvement contre la loi travail, les étudiants avaient beaucoup renoué avec les principes d’auto-organisation, en Assemblées générales et comités de mobilisations. Comment s’organise la lutte à Besançon ?

R. : On roule pas mal avec les AG. On a fait une proposition de comité de mobilisation, mais les étudiants sont très peu politisés : beaucoup se mobilisent pour la première fois. C’est donc très difficile de mettre en place un comité de mobilisation. On a essayé, mais cela n’a pas fonctionné, il n’a simplement pas été réuni, l’AG est restée au centre des décisions, et on a désigné des commissions de travail. Les AG sont énormément tenues par les profs, et on essaye que les élèves prennent plus la parole, pour que la lutte s’auto-organise plus. Le problème, c’est qu’on retombe vite dans un modèle où le professeur explique, les étudiants écoutent : ils ne se sentent pas vraiment acteurs. Sinon, les AG et les commissions actions qui fonctionnent bien, le niveau d’auto-organisation reste plutôt faible.

R.P. : Aujourd’hui, la question des présidentielles est très prégnante dans les médias, et tous les candidats proposent chacun leur tour une programme de précarisation de l’enseignement supérieur. Quel programme le NPA Besançon a-t-il développé pour avancer vers les étudiants ?

R. : La politique qu’on défend à Besançon sur les universités, c’est que le financement des universités doit être 100% public et qu’on doit sortir de cette logique du patronat dans l’éducation. On doit fournir les moyens nécessaires au plein épanouissement des étudiants, professeurs et personnels sur place. Comme les candidats proposent pour beaucoup une suppression d’un nombre élevé de fonctionnaire, et prônent toujours plus de coupes budgétaires, et ce, notamment dans l’enseignement supérieur et la recherche. On réclame davantage de crédits et de personnels, une université plus ouverte.

R.P. : Au début de l’année, l’usine d’Alstom Belfort, à 100km de Besançon, a été au centre des attentions. Pendant le mouvement contre la loi-travail, on a beaucoup vu les étudiants aller soutenir les ouvriers en lutte, par exemple les cheminots, à Paris, Rennes ou Le Havre. Comment peut-on tisser des liens entre mouvement étudiant et mouvement ouvrier ?

R. : Nous, les militants NPA de l’université, on pense tout d’abord qu’il s’agit de montrer notre solidarité. Par exemple, on avait sorti un communiqué dénonçant la destruction des services publics, notamment dans le secteur de la santé et des bureaux de postes, montrant le lien avec la précarisation de l’enseignement. C’est clair qu’il faut élargir ces réflexions au monde du travail dans son ensemble : les logiques sont les mêmes dans le secteur public et le secteur privé. Cette logique de rendement, amène à la suppression de tout ce qu’on définit comme « pas assez productif », et ce, au détriment de vie entières. Cette logique de profits n’échappe pas à l’université : la présidence est avant tout une équipe managériale qui doit rentabiliser l’université. Tant pis pour les petites formations, tant pis pour les élèves qui ont du mal à suivre, tant pis pour les boursiers et les plus précaires. On veut davantage de contrats professionnels pour insérer dans le monde du travail… C’est contre toute cette logique qu’on veut lutter, et contre laquelle on continuera de se lever tous ensemble !


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Arthur Nicola

Journaliste pour Révolution Permanente.
Suivi des grèves, des luttes contre les licenciements et les plans sociaux et des occupations d’usine.
Twitter : @ArthurNicola_

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